En Allemagne, la querelle sur l’« allocation citoyenne » révèle le malaise de la société sur le travail

C’était l’une des réformes emblématiques du chancelier social-démocrate Olaf Scholz. Et elle est désormais l’une des plus critiquées de la coalition qu’il dirige : l’« allocation citoyenne » (Bürgergeld). Cette prestation, qui a réformé l’allocation chômage de longue durée, est devenue le synonyme d’une politique sociale jugée trop généreuse par ses opposants, dans le contexte d’une croissance faible, d’une pénurie de main-d’œuvre et de tension sur les finances publiques.

Pour le Parti social-démocrate (SPD), la réforme était une promesse centrale de campagne. Elle donnait l’occasion de solder enfin le douloureux épisode des réformes du chancelier Schröder (2003-2005), qui avaient réduit la durée d’indemnisation du chômage à un an. Au-delà de cette période, un demandeur d’emploi basculait vers l’allocation minimum dite « Hartz IV », assortie d’un régime de sanctions en cas de non-acceptation d’un emploi « raisonnable » ou de non-présentation à un rendez-vous.

L’ancien système, jugé infantilisant et tatillon par de nombreux chômeurs, avait coûté beaucoup de voix au SPD dans les milieux populaires. Le Bürgergeld entendait changer l’« esprit » du dispositif de soutien aux demandeurs d’emploi : l’« encouragement » et l’« autonomisation » étaient les nouveaux mots d’ordre. Les sanctions devaient être réduites au minimum, la formation devenir la priorité afin de « respecter la dignité de l’individu et de lui permettre de participer à la société ».

Grande désillusion

Dix-huit mois après son adoption, la réforme concentre les critiques et est accusée d’avoir alimenté la montée de l’extrême droite, qui pointe actuellement à 18 % dans les sondages outre-Rhin. Sur le fond, plusieurs enquêtes ont montré que l’adoucissement des sanctions n’a pas eu les effets escomptés. Les chiffres de l’agence pour l’emploi témoignent d’une augmentation très faible des parcours de formation dans le cadre de l’allocation citoyenne depuis son introduction : 7 % de plus seulement par rapport à l’année précédente.

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Mais c’est surtout la hausse record de son montant en 2024 : + 12 % en 2024 en raison de l’inflation, soit 563 euros par mois pour un adulte seul, en plus du logement et du chauffage, qui a suscité le plus de frustrations. Dans un pays où la forte hausse des prix a affecté la vie de nombreux salariés ces deux dernières années, l’ajustement de l’allocation a été mal vécu. Une enquête menée par l’Institut de recherche économique de Berlin (DIW), proche des syndicats, a également révélé que les agences pour l’emploi, responsables de l’accompagnement des chômeurs, étaient très critiques sur la réforme et doutaient de son efficacité.

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Grève pour les salaires au quotidien « Ouest-France », pas de parution vendredi

Cette photo prise le 19 janvier 2021 montre le logo du journal régional « Ouest-France », au siège de Nantes.

Les rotatives vont arrêter de tourner, une nuit durant au moins. Le quotidien Ouest-France est touché, jeudi 20 juin, par un mouvement de grève à l’appel de l’intersyndicale qui devrait empêcher l’impression et donc la parution du journal papier daté de vendredi en raison de « l’échec des négociations annuelles obligatoires » (NAO), a appris l’Agence France-Presse de sources syndicales.

« Mardi, on a eu une réunion NAO qui a tourné court. La direction a fait état de mauvais résultats pour rejeter nos demandes d’augmentation », a expliqué à l’Agence France-Presse (AFP) Christelle Guibert, représentante du Syndicat national des journalistes (SNJ) à Ouest-France. Concernant les rotativistes, qui assurent l’impression la nuit du journal, « on a eu une assemblée générale hier soir, et on a voté pour la grève la nuit prochaine. Et si on n’a pas de retour [de la direction], on a également voté pour faire grève la nuit suivante », a déclaré à l’AFP Olivier Heurtault, secrétaire général de la section Force ouvrière (FO) des rotativistes.

Un préavis de grève est également envisagé pour le 30 juin, jour du premier tour des élections législatives. « Les discussions se poursuivent, le dialogue n’est pas rompu », a de son côté expliqué Caroline Tortellier, chargée de la communication externe du groupe. Les versions papier du quotidien ne devraient pas sortir des rotatives vendredi, mais « le journal sortira en version numérique », a-t-elle ajouté.

Le quotidien est imprimé sur deux sites, à Chantepie, en périphérie de Rennes, et à la Chevrolière, en limite de Nantes. De cette imprimerie sortent également les quotidiens Presse Océan, Le Courrier de l’Ouest et Le Maine libre, qui appartiennent au groupe Ouest-France, et ne devraient donc pas sortir en édition papier non plus vendredi, bien qu’ils ne soient pas concernés par le mouvement de grève.

Les syndicats contestent les chiffres de la direction. Ils font notamment valoir que le groupe s’est porté candidat auprès de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (Arcom) en vue de développer une chaîne de télévision nationale sur la TNT. Un investissement, chiffré à « 70 millions d’euros », selon les syndicats.

« L’an dernier, on n’a pas eu de vraies NAO », considère Christelle Guibert. Seuls les plus bas salaires, soit 60 % des salariés, ont obtenu une revalorisation. « On trouve inadmissible cette absence d’augmentation depuis plusieurs années, alors que les dix plus gros salaires de Ouest-France se sont augmentés de 12 % sur les trois dernières années », a complété Olivier Heurtault.

Des chiffres contestés par la direction, selon qui les dix plus gros salaires ont été augmentés de 8,8 % et non 12 %, « alors que sur la même période les salaires ont augmenté de 10 % ». Les salariés de Ouest-France ont bénéficié d’augmentations générales par pallier, entre un et trois pour cent, ainsi que d’augmentations individuelles, notamment liées à des évolutions de statut, selon Mme Tortellier.

Le 20 juin, le tirage de Ouest-France, premier quotidien payant français, a été de 492 500 exemplaires, auxquels s’ajoutent 18 400 pour Presse-Océan, 29 200 pour Le Maine libre et 61 000 pour Le Courrier de l’Ouest.

Le Monde avec AFP

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Altice : une directrice licenciée au moment de l’affaire de corruption poursuit le groupe en justice

Le siège social d’Altice à Lisbonne, le 24 juillet 2023.

Le 13 juillet 2023, c’est la stupeur chez SFR, la principale filiale française d’Altice, le groupe de Patrick Drahi. Les salariés de l’opérateur de télécoms viennent d’apprendre l’arrestation, au Portugal, d’Armando Pereira, l’associé historique de l’homme d’affaires, pour des faits présumés de malversations financières. Une enquête interne est rapidement ouverte. Pour ses besoins, il est demandé aux cadres dirigeants de remettre ordinateurs et téléphones professionnels. C’est ce que fait Tatiana Agova-Bregou, la directrice exécutive chargée des contenus audiovisuels de SFR, le 20 juillet, veille de son départ en vacances en Bulgarie, son pays de naissance.

Mais, onze jours plus tard, le 31 juillet, Altice France lui notifie une dispense d’activité, suspend ses accès aux réseaux et aux bureaux de l’entreprise et lui adresse des lettres de démission de ses mandats sociaux pour qu’elle les signe avant le 2 août. N’ayant pas reçu de réponse à cette date, la direction la révoque de tous ses mandats sociaux pour « trouble objectif caractérisé au bon fonctionnement de l’entreprise ». En cause : la relation intime que Mme Agova-Bregou entretient avec M. Pereira, une liaison révélée par des écoutes téléphoniques menées par la justice portugaise, dont des extraits ont été publiés, le 26 juillet, par le journal Sabado.

Alors que le scandale ébranle l’empire de Patrick Drahi, le groupe doit faire tomber des têtes. Mme Agova-Bregou est la première touchée chez SFR. Sa révocation est communiquée aux salariés dès le 2 août, lors d’un comité central d’entreprise, puis rapidement reprise par les médias. « A cette date, c’est la seule salariée d’Altice France suspendue », indique le compte rendu du comité central d’entreprise tenu ce jour-là. Les semaines suivantes, une quinzaine de cadres quitteront l’entreprise, licenciés ou discrètement poussés à la démission, pour la plupart en raison de leur proximité ou de leurs liens familiaux avec M. Pereira.

Depuis, celle qui a commencé sa carrière en janvier 2010 chez Numericable, l’une des premières entreprises de Patrick Drahi, avant de gravir les échelons, conteste vivement sa révocation. Une première procédure a été lancée en juin 2024 devant les prud’hommes, puis une seconde, plus récente, devant le tribunal de commerce de Paris. Selon les informations du Monde, Mme Agova-Bregou a assigné, le 14 août, les sociétés SFR Presse Distribution et Sportscotv, les deux filiales de l’opérateur dont elle était mandataire sociale, pour « révocation abusive, dans des circonstances brutales et vexatoires portant atteinte à son honorabilité et sans respect du principe du contradictoire ».

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La nouvelle manufacture Hermès en Auvergne, symbole des investissements français de la marque

La manufacture Hermès de Riom (Puy-de-Dôme), le 22 août 2024.

Hermès étend son réseau d’ateliers. « C’est notre vingt-troisième maroquinerie en France », s’est félicité Axel Dumas, gérant de la marque de luxe, vendredi 13 septembre, en marge de l’inauguration du bâtiment rénové à grands frais, à Riom (Puy-de-Dôme). Dans le centre-ville de la sous-préfecture, la marque de luxe, qui fabrique ses articles en cuir exclusivement en France, occupe, depuis le début de l’année, deux anciens bâtiments de la manufacture des tabacs qu’exploitait la Seita jusqu’en 1975, date du déménagement de ce site de production des cigarettes Gauloises et Gitanes en périphérie de la ville, avant la fermeture définitive, en 2018, par Imperial Tobacco.

Ce que les Riomois appelaient la « manu » était un « vaisseau fantôme », se souvient le maire de la ville, Pierre Pécoul. Quatre ans de chantier ont été nécessaires pour transformer cette friche industrielle, située dans le cœur de Riom, agglomération de 19 000 habitants située à une quinzaine de kilomètres au nord de Clermont-Ferrand. En 2019, Hermès avait sollicité l’agence Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises, chargée du développement économique de la région, pour l’aider à trouver un site de production, à proximité de la ville voisine de Sayat, où la marque exploite une maroquinerie depuis vingt ans.

Très vite, Hermès exprime sa volonté de choisir un site existant pour entreprendre une réhabilitation. « A la première visite de la manufacture des tabacs de Riom, les responsables de l’immobilier du groupe ont eu un coup de cœur », se souviennent Sonia François et Vania de Oliveira, de l’agence publique. Inscrit au titre des monuments historiques, le site, propriété d’un promoteur qui, un temps, y avait projeté un hôtel, est racheté par la communauté d’agglomération Riom Limagne et volcans. Avant d’être cédé pour le « même montant » à Hermès, explique le président de la collectivité auvergnate, Frédéric Bonnichon.

Une nouvelle maroquinerie par an

Depuis, la marque de luxe a dépensé environ 25 millions d’euros d’investissement, d’après nos informations, sans aides publiques, pour transformer le bâtiment des années 1930 en atelier de production avec l’aide de l’agence Tracks ; il abritera aussi un centre de formation d’apprentis (CFA) analogue à la dizaine de CFA qu’il a créés en France depuis 2022, pour former 1 600 personnes au CAP de sellier-maroquinier. Dans ce bâtiment de 7 000 mètres carrés, baigné de lumière, près de 280 personnes devraient travailler – à moyen terme – pour fabriquer entièrement à la main des sacs Constance, Bolide et autres Birkin.

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Le groupe Avril seul candidat à la reprise de l’usine du biochimiste Metabolic Explorer d’Amiens

Un peu plus de deux mois après sa demande de placement en redressement judiciaire, l’usine amiénoise du biochimiste Metabolic Explorer (MetEx) peut se reprendre à espérer. Le groupe agroalimentaire Avril a déposé une offre de reprise, lundi 3 juin, juste avant l’expiration du délai fixé par le tribunal de commerce de Paris. Elle permettra de maintenir 304 emplois, précise Avril.

Outre le site d’Amiens, qui compte 280 salariés, l’offre de reprise inclut « des activités R&D (recherche et développement) indispensables à son exploitation (dont certaines situées à Saint-Beauzire, Puy-de-Dôme), ainsi que les activités commerciales » à Paris, ajoute Avril dans un communiqué. « Cette offre associe, aux côtés d’Avril, le fonds d’investissement Sociétés de projets industriels (SPI), géré par Bpifrance pour le compte de l’Etat » et a été construite « grâce au soutien de la région Hauts-de-France et d’Amiens Métropole », précise le groupe.

« C’est l’équipe de France de l’industrie qui gagne » avec « un grand groupe français de l’industrie agroalimentaire qui reprend une très belle usine », s’est félicité Roland Lescure, le ministre délégué à l’industrie. Présent lundi devant l’usine, ce dernier a dit travailler à présent à la levée d’une vingtaine de conditions suspensives, que ni lui ni Avril n’ont souhaité détailler. L’audience définitive du tribunal de commerce de Paris est prévue le 1er juillet, a-t-il précisé.

Si elle est alors validée, la reprise de l’usine par Avril doit intervenir au plus tard fin juillet, a déclaré à l’Agence France-Presse Rudolph Hidalgo, directeur général adjoint de MetEx, qui se réjouit d’avancées « très positives », après avoir cru un temps qu’aucune solution ne serait trouvée.

Avril, connu pour ses marques d’huile Lesieur et Puget mais aussi présent dans les agrocarburants et l’alimentation des animaux d’élevage, affirme porter un projet industriel qui « répond pleinement à l’enjeu de décarbonation et de souveraineté française et européenne des filières de production animales ». L’usine produit habituellement 100 000 tonnes d’acides aminés par an, primordiaux pour la croissance musculaire des animaux d’élevage, essentiellement de la lysine. « L’incorporation de lysine dans l’alimentation du bétail permet de réduire le recours au soja importé au profit de protéines végétales locales (colza, tournesol…) », souligne le groupe.

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Enjeu de la campagne des européennes

Pour François Ruffin (LFI), député de la Somme, c’est « une victoire pour les salariés et pour la Picardie, mais aussi pour la France et pour la planète », la lysine produite par MetEx émettant selon les syndicats cinq fois moins de carbone que la lysine chinoise. L’importance de ce produit avait poussé plusieurs têtes de liste de gauche aux européennes – Manon Aubry pour les « insoumis », Marie Toussaint pour Europe Ecologie-Les Verts et Léon Deffontaines pour le Parti communiste – à se réunir devant l’usine fin mars.

Tous les trois avaient alors appelé à des mesures nationales contre la hausse du prix du sucre, qui représente 50 % du coût de production de la lysine, et à une action européenne contre le « dumping » pratiqué selon le groupe par ses concurrents chinois, ce qui a mené à l’ouverture d’une enquête par la Commission européenne. « Maintenant, ce qu’il faut, c’est du protectionnisme », estime François Ruffin. « Sans protectionnisme, l’usine n’aura pas de viabilité. »

Manon Aubry a dit sur X espérer que cette victoire présage « d’autres à venir pour relocaliser [la] production contre le libre-échange ».

Lundi après-midi, le tribunal de commerce de Paris a étudié une offre de reprise prévoyant de maintenir 10 emplois sur 46 au sein de l’autre usine de MetEx, à Carling (Moselle). Sa décision est attendue pour le 25 juin. Ce qui laisse, à l’échelle du groupe, « une petite centaine de salariés sans solution », reconnaît Rudolph Hidalgo.

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Le groupe Avril, qui a réalisé en 2023 un chiffre d’affaires de 7,9 milliards d’euros, est présent dans dix-neuf pays avec près de 7 500 collaborateurs. Le cultivateur Arnaud Rousseau, qui a pris en 2023 la tête du syndicat agricole majoritaire FNSEA, préside son conseil d’administration.

Le Monde avec AFP

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Pénibilité, substantif ô combien féminin, une thématique au cœur de la revue « Travail, genre et sociétés »

La revue des revues. Etude après étude, un constat a la vie dure : les conditions de travail des femmes et des hommes ne sont toujours pas égales. C’est sur ce sujet, trop souvent délaissé, que se penche le dernier numéro de la revue Travail, genre et sociétés, intitulé « Le genre des pénibilités au travail » (La Découverte, 250 p., 27 euros). « Que ce soit à un niveau global ou à profession égale, elles et ils ne sont pas confronté.es aux mêmes dangers et ne sont pas exposé.es aux mêmes risques et pénibilités », martèlent dès leur introduction la sociologue Delphine Serre et l’économiste Rachel Silvera.

A tous les niveaux, les femmes sont davantage affectées à des travaux répétitifs, isolés, avec une faible autonomie et un soutien limité de la hiérarchie et des collègues. A la racine du mal : des biais cognitifs et des représentations genrées, invisibilisant la détresse des femmes.

Pourtant, les conséquences en sont bien réelles. Et les chiffres alarmants, décryptent les chercheuses. Si l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail note une baisse salutaire de 27 % des accidents du travail chez les hommes entre 2001 et 2019, elle relève un bond de 41,6 % chez les femmes. Le manque de visibilité est particulièrement poussé dans certains secteurs, comme le soin ou l’aide aux personnes – les notions de vocation et de dévouement faisant obstacle à toute prise de conscience. Même constat au niveau juridique : la législation reste aveugle au genre. En témoigne, expliquent les chercheuses, la réforme des retraites de 2023, qui peine à prendre en compte la pénibilité des métiers féminisés.

Les enseignantes aussi touchées

S’appuyant essentiellement sur des enquêtes sociologiques, la revue analyse comment ces pénibilités différenciées se reflètent (ou non) dans différents dispositifs de prévention et de réparation, et dans l’aide syndicale. L’article de la chercheuse Julie Jarty, intitulé « Les pénibilités intimes du travail d’enseignante », ouvre le dossier central. Loin de sa réputation women friendly, le métier est peu attractif : les enseignantes sont confrontées à des perspectives de carrière plus faibles que les hommes, à un morcellement du temps mal pris en compte lorsqu’elles sont mères et, parfois, à des violences sexuelles.

Dans un second temps, la partie « Controverse » aborde les recompositions du secteur académique, au cours des vingt dernières années, autour d’une supposée « excellence scientifique », calquée sur le modèle anglo-saxon (quantification des publications, internationalisation…). Quelles conséquences pour les femmes ? S’il n’y a pas de consensus clair en la matière, la revue identifie pourtant un risque de renforcement des inégalités de genre. Le tout dans un milieu déjà gangrené par l’« effet Mathilda », mis en évidence par l’historienne Margaret Rossiter en 1993, c’est-à-dire l’invisibilisation et la minoration du travail des femmes dans les univers scientifiques.

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Dépendance : l’allocation de proche aidant pourra être perçue plus de soixante-six jours

Le salarié qui bénéficie d’un congé de proche aidant peut recevoir, à certaines conditions, une allocation journalière du proche aidant (AJPA). Mais à raison, seulement, de soixante-six jours sur l’ensemble de sa carrière professionnelle pour l’instant, alors que le congé peut durer jusqu’à un an.

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 avait posé les bases d’un droit renouvelable à l’AJPA, un décret du 5 juillet a rendu la mesure effective.

Ainsi, à compter du 1er janvier 2025, pour chaque nouveau proche aidé, l’AJPA pourra être versée par les caisses d’allocations familiales ou les caisses de la mutualité sociale agricole pendant soixante-six jours au maximum, une durée inchangée, mais avec un plafond de deux cent soixante-quatre jours d’allocations sur l’ensemble de la carrière, soit jusqu’à quatre personnes aidées.

Si vous avez, par le passé, déjà aidé un proche, ou que vous l’aidez actuellement, et qu’à ce titre vous avez pris un congé de proche aidant et atteint les soixante-six jours de versement de l’AJPA, votre droit pourra être donc renouvelé dès le 1er janvier si vous aidez une personne différente de celle au titre de laquelle vous avez précédemment bénéficié de cette allocation.

Une des dernières avancées avait consisté, en 2022, à porter l’indemnisation de l’AJPA au niveau du smic, soit à 64,54 euros par journée en 2024, pour tous (contre 43 euros auparavant pour une personne vivant en couple et 52 euros pour une personne seule).

Un bénéficiaire a droit à un maximum de vingt-deux jours d’AJPA par mois, soit à 1 419,88 euros. Ce montant forfaitaire vise à compenser une partie de la perte de salaire.

Un tiers de multi-aidants

Des mesures qui vont dans le bon sens, au regard du développement du phénomène de la multi-aidance. A la question : « A qui apportez-vous votre aide ? », un aidant sur trois déclare accompagner au moins deux personnes, selon le baromètre de la Fondation April réalisé par l’institut BVA et publié en septembre 2022. Et si l’aide se destine toujours majoritairement à une seule personne, la part des multi-aidants devrait mécaniquement augmenter les prochaines années, du fait de l’allongement de la durée de la vie.

En pratique | Article réservé à nos abonnés Comment remercier un aidant avec une donation ou un legs

S’il est essentiel de pouvoir mettre entre parenthèses sa vie professionnelle pour prendre soin de son parent, ou de tout autre proche, en perte d’autonomie ou en situation de handicap, le dispositif, même étendu à plusieurs reprises, demeure en deçà des besoins des aidants, qui sont à 70 % des actifs (une part en hausse constante). Sans compter que ces droits, assez nouveaux – le congé a fait son apparition en 2017, l’allocation fin 2020 –, sont méconnus et peu utilisés, faute, entre autres, de communication des employeurs sur l’existence du congé et de l’allocation auprès de leurs salariés.

Le secteur industriel alerte le gouvernement sur le brouillard stratégique et politique actuel

Mardi 10 septembre, Emmanuel Macron a inauguré la nouvelle usine du groupe pharmaceutique français Sanofi, à Neuville-sur-Saône, en région lyonnaise. Entièrement « modulable », celle-ci est capable de fabriquer plusieurs vaccins en même temps. L’occasion pour le chef de l’Etat de rappeler l’importance de l’« attractivité industrielle française », qui « sert notre besoin de souveraineté ». Quelques jours auparavant, la centrale EPR de Flamanville, dans la Manche, a enfin démarré son activité, avec douze années de retard pour ce chantier nucléaire. Dans le même temps, le laboratoire Servier a renoncé – pour le moment – à la vente de sa filiale Biogaran, le leader des médicaments génériques en France.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Pour les patrons, une rentrée sous le signe de l’inquiétude

Ces différentes nouvelles sont-elles le signe d’un regain de dynamisme pour l’industrie française ? Pas si sûr. Malgré les annonces, les difficultés semblent, au contraire, s’accumuler depuis plusieurs mois, mettant en péril le début de réindustrialisation enclenché en 2021 dans la foulée de la crise due au Covid-19. Pour la première fois en trois ans, le solde de créations d’usines sur le territoire est redevenu négatif depuis le mois d’avril, et les emplois industriels ont chuté en juin et juillet. En un an, la production industrielle manufacturière a reculé de 3 %, affaiblie entre autres par les mauvais résultats dans l’automobile et dans la construction, selon une note de l’Insee publiée le 6 septembre. Le nombre de défaillances d’entreprises atteint des records, la demande de biens d’équipement plonge, les capacités d’investissement sont réduites par le niveau des taux d’intérêt, et le coût de l’énergie a dégradé de nombreux secteurs.

La crise gouvernementale de cet été ne fait qu’ajouter à la confusion. Au point que de nombreuses filières industrielles alertent le nouveau premier ministre, Michel Barnier, sur l’urgence de la situation. Toutes mettent la pression sur le futur gouvernement et appellent à la poursuite des aides publiques et à une plus grande visibilité sur la politique industrielle de la France, au moment où l’ancien gouverneur de la BCE, Mario Draghi, exhorte, dans un rapport l’Union européenne, à investir massivement pour ne pas décrocher par rapport aux Etats-Unis et à l’Asie. Le nouveau chef du gouvernement français a certes mis en avant la « réindustrialisation des territoires » dès sa prise de fonctions, mais M. Barnier a d’ores et déjà annoncé qu’il n’y aura « pas de miracle » et que la « première des priorités » de son gouvernement sera de réduire le déficit public.

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