Le désespoir des salariés de Ford de Blanquefort

A Blanquefort (Gironde), l’usine Ford, depuis sa création en 1972, a recruté en masse dans la région.
A Blanquefort (Gironde), l’usine Ford, depuis sa création en 1972, a recruté en masse dans la région. NICOLAS TUCAT / AFP
La nouvelle n’a pas étonné les salariés de Ford, avertis depuis des semaines. Lundi 25 février, le fabricant des voitures américain a affirmé ce que beaucoup appréhendaient, en refusant la dernière offre de reprise de Punch Powerglide pour son usine de Blanquefort, dans la Gironde. Ford souhaite poursuivre de favoriser un plan social, et les 849 salariés attendent de connaître leur sort. Environ la moitié d’entre eux pourront prétendre à une retraite anticipée, tandis que près de 350 pourraient connaître un plan de reclassement.

La sensation générale est à la colère et à la lassitude, pour une situation qui dure depuis trop longtemps. « Depuis un mois et demi, on sait que c’est terminé », expose Laurent Pinlou, 48 ans, agent de maîtrise à la logistique. Agent de l’usine depuis presque trente ans, il explique que « l’on sentait bien, lors des réunions, que les dossiers n’avançaient plus. Punch qui ne donne pas de nouvelles, l’Etat français qui rabâche toujours la même chose, on voyait bien que les constructeurs avec qui Punch avait envie de travailler ne voulaient pas s’engager ».

M. Pinlou, comme de nombreux salariés, est soumis, et tente de se faire une raison, pour « tourner la page, se tourner vers autre chose ». L’espoir n’est à peine dans les esprits, malgré la possibilité d’une revitalisation de l’usine évoquée par l’Etat, mais qui ne concerne pas les emplois. Laurent est las de ces allers-retours entre Punch, Ford et l’Etat, pendant que les salariés sont ballottés dans l’attente de leur sort.

 « Comment on peut détruire un outil de travail qui fonctionne »

Ford, c’est avant tout une entreprise qui, après sa constitution à Blanquefort en 1972, a mobilisé en masse dans la région. « A l’époque, Dassault et Ford étaient les deux grosses usines du coin qui employaient », retrace Jean-Christian Gonzales, qui a fait son passage chez le constructeur américain en 1986. S’il a connu l’époque où l’usine comptait 4 000 salariés, il évoque pareillement ces années où il travaillait dans de bonnes conditions, malgré la difficulté de son poste. Mais les années 2004-2006 et leurs premières vagues de départs ont détérioré cette atmosphère « bon enfant ».

« En un peu plus d’une dizaine d’années, ils ont tué l’entreprise », déclare M. Gonzales. Pour lui, Ford a soutenu la fermeture de l’usine : « Une entreprise qui ne gagnerait pas d’argent, on comprendrait. (…) Mais il n’y a pas de raison de marché, ils souhaitent se débarrasser de l’usine. Et on n’arrive pas à comprendre comment on peut détruire un outil de travail qui fonctionne. » Ce sentiment est partagé par bon nombre d’employés, pour qui Ford a saboté l’usine, avec un premier plan de reprise raté en 2008 par le groupe allemand HZ Holding, avant que Ford ne rachète son usine en 2010.

Une région qui ne compte plus d’usines de ce genre

Les demandes et l’inquiétude n’abandonnent pas les salariés depuis l’annonce de la fermeture. Beaucoup y sont entrés jeunes, et n’ont rien connu d’autre que cette usine, comme Gilles Penel, qui y travaille depuis trente et un ans. A 48 ans, il est dans obligation de faire son CV, et réfléchir au marché du travail, dans une région qui ne compte plus d’usines de ce genre. Lui aussi précise que « ce n’est pas nous qui avons fermé l’usine, nous ne sommes pas responsables ». L’idéal pour M. Penel serait « qu’après le PSE [plan de sauvegarde de l’emploi], Punch puisse racheter l’usine, s’ils ont nécessairement de l’activité comme ils l’ont dit, et qu’ils embauchent d’anciens de chez Ford ».

Un sentiment que partage Jean-Michel Caille, secrétaire général de la CFE-CGC, le syndicat des cadres, techniciens et agents de maîtrise de Ford Aquitaine Industries. Il tente de demeurer positif, même s’il admet qu’« on a très peu d’espoir qu’il y ait une suite avec Punch ». « Si cette société arrive à avoir des lettres d’intention de constructeurs d’ici trois ou quatre mois, il serait intéressant de ne pas lâcher cette piste, qui semble la plus viable aujourd’hui à court ou moyen terme », déclare-t-il.

Lors d’une réunion avec le ministre de l’économie et des finances, à Bercy en fin de journée, il s’attendait à « entendre parler de revitalisation ». Le ministre de l’économie a, lui, lamenté lundi que Ford ait rejeté la dernière offre de reprise de son site, fustigeant l’attitude « indigne » du fabricant américain et entérinant la fermeture de l’usine.

Prévoyant qu’une reprise de 200 à 300 personnes soit réalisable. M. Caille s’avoue « très déçu », lui qui travaille pour l’usine de Blanquefort depuis quarante ans, et voit la décision de Ford comme une « grande déception ». Celui dont le père est entré à l’usine en 1972 conclut : « Mon père a ouvert l’usine, et moi, je vais la fermer. Ford nous a menti depuis le début, il manque de courage et d’honnêteté. »

 

Etablir des centres d’appels un appui d’assimilation sociale et de développement économique

Un ensemble d’élus et de syndicalistes défends pour installer un code de bonne conduite qui fixerait un seuil maximal de décentralisation des activités de relation client.

«  Une obligation d’information, visant à obliger toute entreprise ou organisation utilisant un centre d’appel à informer ses correspondants téléphoniques sur le ou les pays d’implantation desdits centres, est en discussion. » (Paris, SAV Darty, centre d'appels).
«  Une obligation d’information, visant à obliger toute entreprise ou organisation utilisant un centre d’appel à informer ses correspondants téléphoniques sur le ou les pays d’implantation desdits centres, est en discussion. » (Paris, SAV Darty, centre d’appels). J-C.&D. Pratt / Photononstop

Quel secteur de l’économie française pèse aujourd’hui 264 000 emplois, emploie près de 1 % de la population active française et peut manquer plus de 20 000 postes de travail en une seule année (« International Customer Contact Benchmark 2016 ») ? Quel secteur connaît, au nom d’un dumping social sans fin, des décentralisations croissantes menaçant, à terme, son existence même ?

Il s’agit du secteur des centres d’appels, qui, de la télévente au service après-vente, est devenu un élément essentiel de la stratégie commerciale et de relation client des entreprises.

Des conditions de chômage préjudiciables

Ce secteur existe au quotidien à travers toutes ces voix qui nous répondent (ou parfois nous démarchent) et nous remettent informations et services. Il recouvre 3 500 centres de contacts en France, divisés en interne au sein des organisations ou « externalisés » chez leurs prestataires spécialisés. Il emploie de nombreux jeunes, une majorité de femmes et soutient l’accès à l’emploi tout en devant satisfaire à une exigence croissante de formation. Ces plateaux d’appels se trouvent partout en France, souvent dans des bassins d’emplois fragilisés et en ayant bénéficié de l’investissement des collectivités.

Le secteur voit régulièrement augmenter le nombre d’emplois délocalisés ou directement créés hors du territoire, au nom d’une double logique de réduction des coûts et de recherche d’une flexibilité accrue. Ces « gains » sont à relativiser grandement car les délocalisations possèdent de nombreux coûts cachés : formation, conformité, contrôle qualité, sécurité, etc.

En outre, ces décentralisations engendrent des situations de chômage préjudiciables, aussi bien aux individus concernés et à leurs familles qu’aux territoires concernés et à l’ensemble de la collectivité qui doit en supporter le coût social et économique. De plus, la qualité de service reliée à la relation client s’en trouve fortement dégradée. Ce qui porte atteinte à l’image et à la réputation des entreprises, adoucissant ainsi leur capital immatériel en ayant, à moyen terme, un impact sur leur potentiel commercial et leurs résultats.

Un appui de promotion

Dans un contexte de chômage de masse soutenu, de territoires déstabilisés en matière d’emplois et d’activité mais aussi de responsabilisation grandissante de tous les acteurs, nous pensons que l’heure d’une mobilisation générale est venue ! Le secteur des centres d’appels peut former un levier décisif dans l’indispensable lutte contre toutes les formes de relégation. Parce qu’il facilite l’accès à l’emploi des populations locales en ne faisant pas d’une qualification antérieur un obstacle. Parce qu’il forme et professionnalise. Mais aussi parce que, confronté à la digitalisation de la relation client, il permet une montée en compétence, ajustée à l’innovation et créatrice d’emplois à valeur ajoutée.

L’impact du tournant numérique sur les formations aux métiers du tourisme

Institut universitaire de technologie d’Evry (Essonne)
Institut universitaire de technologie d’Evry (Essonne)

Tournant numérique, image négative, formations pas tout le temps ajustées… Malgré 100 000 emplois à assurer, le secteur trouve des difficultés à recruter des étudiants

« Vous apprenez quelque chose ? » Georges Gautheret, professeur d’économie-gestion en licence professionnelle « commercialisation des produits touristiques » à l’Institut universitaire de technologie d’Evry (Essonne), pose cette question avec un serrement d’inquiétude. Une seconde de silence, puis une élève lâche, comme pour soulager le prof : « Ben oui ! »

Parfum de XXe siècle

Ils sont plus que dix étudiants (dont dix jeunes femmes) à joindre le module « entreprises et institutions du tourisme ». « Il s’agit de décrypter comment s’exploite un produit touristique et d’apprendre quelles sont les institutions du secteur : office du tourisme, comité départemental, régional… », déclare l’enseignant.

Il marine dans la classe un parfum de XXe siècle. Sur les tables de classe en mélaminé, pas un ordinateur. Les étudiants ont un stylo à quatre couleurs, les notes sont prises sur de grandes feuilles de classeur à carreaux, des surligneurs fluo apportent de la couleur. Tous travaillent, deux jours par semaine, en alternance chez un employeur – agences, organisateurs de voyages, comités d’entreprise, tour-opérateurs… –, avec un objectif amplement partagé : trouver un emploi à l’issue de leur formation.

Les professions du tourisme sont un grand pourvoyeur d’emplois en France. « C’est 7 % à 8 % du PIB et 2 millions d’emplois directs et indirects dans les transports, l’hébergement, la restauration… », ajoute Frédérique Lardet, députée (LRM) de Haute-Savoie, à la tête d’une mission gouvernementale sur les moyens à installer en œuvre pour ajuster la formation aux besoins des entreprises dans le secteur du tourisme. « Rien que dans l’hôtellerie et la restauration, il y a cent mille emplois à pourvoir », forule Jean-Luc Michaud, président de l’Institut français du tourisme (IFT), un observatoire du secteur.

80 millions de visiteurs étrangers par an

Alors que la France demeure la première destination internationale, avec plus de 80 millions de visiteurs étrangers par an, les jeunes résistent de nombreuses professions du tourisme. « Ces métiers ne bénéficient pas d’une image positive », admet par une litote Marie Allantaz, directrice de l’Ecole supérieure de commerce et d’administration des entreprises du tourisme. Selon les professionnels, l’imagerie collective entretiendrait une vision obsolète de leurs métiers, bornée à des travaux saisonniers, en horaires transposés et mal payés. « Une image d’Epinal que les parents et les responsables d’orientation, qui ont une vision très éloignée de la réalité, véhiculent et transmettent aux lycéens », regrette Jean-Luc Michaud.

Le programme d’une réduction des contributions des cadres a l’appui du patron des députés LRM

Et si on diminuait la rémunération chômage des cadres ? Le gouvernement doit accorder mardi des explications de calendrier et de méthode sur la suite de la réforme de l’assurance-chômage avant d’exécuter de premières annonces. Et le sujet des allocations des cadres est d’ores et déjà sur la table.
Selon des sources,  le gouvernement réfléchit soit à diminution le plafond de ces allocations – maintenant fixé à 248,19 euros brut par jour –, soit à mener une dégressivité. Des pistes accueillies favorablement par le patron des députés La République en marche (LRM), Gilles Le Gendre, qui a estimé lundi sur RTL que l’indemnité des cadres faisait partie « d’un certain nombre de dysfonctionnements de l’assurance-chômage » :« Il est évident que, aujourd’hui, les cadres supérieurs, les cadres dirigeants connaissent un niveau de chômage extrêmement modeste et que, quand ils connaissent une période de chômage, elle est très brève. (…) Ils sont indemnisés à des proportions et à des niveaux qui sont supérieurs à tout ce qui est constaté dans tous les autres pays. »« La CFDT n’est pas pour un système de dégressivité »

Réciproquement, l’option ne satisfait pas les syndicats. Ainsi, la Confédération française démocratique du travail (CFDT) n’est pas pour « un système de dégressivité, pour aucun chômeur compensé, et pas plus pour les cadres », a accentué son secrétaire général, Laurent Berger, sur France 2. « Chaque fois qu’on baisse l’indemnisation des demandeurs d’emploi, on baisse leur capacité à retrouver du travail (…). Il faut éviter de condamner telle ou telle population. » Dans Les Echos, Jean-François Foucard, secrétaire national du syndicat de cadres CFE-CGC (Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres), déplore, lui, « l’opportunisme » de l’exécutif.

« La diminution des indemnités chômage pour les cadres est une nouvelle illustration de la déconstruction du modèle social français », a déclaré dans un communiqué Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat. Selon lui, « Emmanuel Macron veut concentrer, comme dans les pays anglo-saxons, la solidarité nationale sur une partie de la population ».

La piste de baisser les indemnités des cadres avait déjà été évoquée par le premier ministre, Edouard Philippe, en septembre 2018. Mais la discussion autour de la réforme de l’assurance-chômage voulue par le gouvernement était alors dans les mains du patronat et des syndicats, invités à trouver un compromis.

Or le gouvernement a retiré la main sur le dossier depuis que les négociations ont échoué, mercredi. C’est donc lui qui retiendra des changements des conditions d’accès à l’assurance-chômage et des combinaisons d’indemnisation des demandeurs d’emploi. La ministre du travail, Muriel Pénicaud, a enseigné mercredi que les conclusions se feraient « par décret », mais que les organisations d’employeurs et de salariés seraient consultées en avance.

Les difficultés naissantes au travail ne sont pas prises au sérieux.

« Contrairement aux idées reçues, la pénibilité physique n’est pas en voie de disparition. »
« Contrairement aux idées reçues, la pénibilité physique n’est pas en voie de disparition. » EJW/Westend61 / Photononstop

Difficulté physique en accroissement, nouvelles formes de travail de nuit, stress, burn-out, etc. sont mal cueillis par les pouvoirs publics et les entreprises.

Les difficultés en hausse et se diversifient avec la transformation du travail. Ce qui se traduit par une hausse du coût de la protection sociale. Le 20 février, un rapport sur les arrêts-maladie remis au premier ministre, Edouard Philippe, proposait quelques pistes pour mieux maîtriser les dépenses en matière d’indemnités journalières. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, appelait, le 4 février sur Franceinfo, à aller « beaucoup plus loin » pour protéger les salariés, en élargissant aux risques psychosociaux les critères de pénibilité (actuellement au nombre de six) permettant un départ à la retraite anticipé.

La difficulté au travail et ses suites sur la santé des travailleurs sont-elles assez prises en compte par les pouvoirs publics et les entreprises ? « Nettement, non, assène Jérôme Bouchet, dirigeant de l’innovation et des services au sein du Groupe JLO, cabinet de conseil spécialisé dans la qualité de vie au travail. Les nouvelles formes de pénibilité au travail, surtout, sont mal appréhendées. »

Certes, le temps des usines « à la Zola » est accompli ; des open spaces désinfectés ont largement modifié les ateliers poussiéreux de jadis. Mais le changement des organisations n’a pas épargné les travailleurs, considèrent les spécialistes de la santé au travail. « On assiste à une montée des troubles musculo-squelettiques, des maladies cardiovasculaires et des dépressions liées au travail », fait valoir le Dr Florence Bénichoux, fondatrice du cabinet Better Human.

Les cols bleus en première ligne

Contradictoirement aux idées reçues, la difficulté physique n’est pas en voie de disparition : selon une nouvelle enquête de la Dares, le nombre de salariés affirmant des contraintes physiques dans leur travail (rester longtemps debout, porter des charges lourdes…) a même augmenté depuis 1984. Les cols bleus sont en première ligne.

Si les progrès en matière de droit et d’équipements de protection acceptent désormais de limiter l’exposition des travailleurs aux substances dangereuses, les ouvriers poursuivent à avoir une espérance de vie clairement moins élevée que celles des cadres. La faute à une usure physique pressé, mais aussi aux horaires en trois huit et au travail de nuit, dont la nocivité sur la santé est reconnue.

Rencontre avec David Ridgway

Le chef sommelier David Ridgway, dans les caves de la Tour d’Argent à Paris, le 13 février.
Le chef sommelier David Ridgway, dans les caves de la Tour d’Argent à Paris.

Conversation avec cet Anglais chef sommelier et chef de cave du prodigieux restaurant parisien depuis presque quarante ans.

Face à Notre-Dame, au sixième étage de l’immeuble blanc du 15, quai de la Tournelle (Paris 5e), ce sont ses 1 200 mètres carrés de caves, dissimulées sur deux niveaux, qui ont fait la saga de la Tour d’Argent, l’un des plus anciens et célèbres restaurants de la capitale. Rondeur affable, œil malicieux, fermeté experte et humour flegmatique, l’Anglais David Ridgway règne, depuis 1981, sur cette caverne d’Ali Baba au plus de 300 000 bouteilles, observée par beaucoup comme « la plus belle cave du monde ».

Quand et comment avez-vous approprié la Tour d’Argent ?

Je suis né dans le Surrey, au sud de Londres. C’est en œuvrant au Gavroche, le fameux restaurant londonien des frères Roux, que j’ai aperçu mon épouse, une Française. Alors nous sommes rentrés en France en 1981. J’étais amoureux de vins, mais Bordeaux et la Bourgogne étaient plus secrets qu’aujourd’hui. Bosser à Paris semblait l’idéal.

Grâce aux frères Roux, deux restaurants s’offraient à moi : Taillevent ou la Tour d’Argent. Après avoir été chef sommelier-maître d’hôtel au Gavroche, je suis évolué juste commis à la Tour, en février 1981, quelques mois avant l’élection de François Mitterrand. Au bout de six mois, le chef sommelier est parti, j’ai pris sa place. Beaucoup de nos clients jugeaient que tout allait s’écrouler avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, mais nous avons finalement connu une période faste dans les années 1980.

Il était inhabituelle de voir en France un Anglais à un tel poste.

Il n’y en avait aucun à ma connaissance. Juste certains barmen au Ritz. La direction de la Tour, d’ailleurs, divulguait peu que j’étais Anglais, mais c’est vite transformé un secret de Polichinelle (rires). Je n’ai pas mis sur la carte des vins étrangers, pour qu’on ne pense pas que j’étais une taupe au service des vins du reste du monde ! Il faut dire qu’à l’époque la France régnait en maître sur les vins et la cuisine. La seule dérogation, très anglaise pour le coup, a été mon goût pour le porto, dont nous avons une magnifique collection.

Qu’est-ce qui a donné à la cave son ampleur historique ?

On peut en conséquence lire sur une plaque de la façade de l’immeuble, quai de le Tournelle : « Hostellerie de la Tour d’Argent, fondée en 1582, Restaurant et caves du Café anglais réunis en 1914 ». André Terrail, le grand-père du présent propriétaire, avait repris la Tour en 1911. Il était aussi marié à la fille de Claudius Burdel, le propriétaire du Café anglais, boulevard des Italiens, un des plus prodigieux restaurants du XIXe siècle, célèbre surtout pour son immense cave, dans laquelle circulait même un petit train. Il faut dire que Burdel était aussi représentant en vins des cours d’Angleterre, de Prusse et de Russie. Après la clôture du Café anglais, en 1913, André Terrail a hérité de cette cave, qu’il a transférée à la Tour d’Argent. C’est sur cette base que s’est construite notre cave.

 

Saisie à la source : comment seront commandées les indemnités de licenciement

 Christophe Frionnet, avocat associé chez CMS Francis Lefebvre Avocats, montre comment sont exigées les indemnités éprouvées à raison d’un licenciement ou de la rupture d’un mandat, soumises depuis le 1er janvier au saisie à la source au même titre que les salaires.
« Le contribuable conserve la faculté de solliciter le bénéfice du dispositif du quotient qui permet, selon les cas, d’atténuer l’effet de la progressivité de l’impôt en ne retenant que le quart de l’indemnité pour le calcul du taux. »
« Le contribuable conserve la faculté de solliciter le bénéfice du dispositif du quotient qui permet, selon les cas, d’atténuer l’effet de la progressivité de l’impôt en ne retenant que le quart de l’indemnité pour le calcul du taux. » John Smith/Fancy / Photononstop
Quelle charge pour les indemnités de licenciement à partir de 2019 ?

Les indemnités versées à raison d’un licenciement ou de la rupture d’un mandat sont assujetti depuis le 1er janvier 2019 au saisie à la source (PAS) au même titre que les salaires. Comment sont-elles imposées ? La réponse en quatre points.

1.– L’entreprise est dans l’obligation d’accomplir à la retenue lors du versement de l’indemnité sans étalement ni pondération.

2.– Ce saisie ne s’applique que sur la fraction de l’indemnité observée comme imposable, après prise en compte des règles d’exonération applicables.

3.– C’est le dernier taux de PAS connu qui se mette. Ainsi, sauf mise à jour sollicitée par le contribuable, le taux sera établi en fonction de ses revenus de 2017 s’agissant d’une compensation versée pendant la première partie de l’année 2019. Pour une rétribution intervenant au cours de la seconde partie de l’année, ce sera en fonction des revenus de l’année 2018 tels que déclarés en mai 2019.

4.– Le montant définitif de l’impôt ne sera résolu qu’après la déclaration confirmée au titre de l’année de versement de l’indemnité. Le contribuable soutiens la faculté de postuler le bénéfice du dispositif du quotient qui permet, selon les cas, d’atténuer l’effet de la progressivité de l’impôt en ne tenant que le quart de la compensation pour le calcul du taux. Une restitution de l’impôt prélevé à la source pourra donc être obtenue en septembre 2020 pour les indemnités versées en 2019.

 

Syndicats et patronat tous contre les déclarations du Président de la République

La défaite  du débat sur l’assurance-chômage crée des pressions.

Le Président de la République Emmanuel Macron n’a eu besoin que de quelques mots ornés d’acide pour critiquer des organisations patronales et syndicales, qui arrivaient de s’entre-déchirer sur l’assurance-chômage. Jeudi 21 février, devant les présidents de départements assemblés à l’Elysée, le chef de l’Etat a ridiculisé sur le Krach de la discussion, que les partenaires sociaux avaient acté, la veille, à propos du régime d’indemnisation des demandeurs d’emploi. « On est dans un drôle de système ! Chaque jour, dans le pays, on dit : “Corps intermédiaires, démocratie territoriale, démocratie sociale, laissez-nous faire”, s’est-il exclamé. Et quand on donne la main, on dit : “Mon bon monsieur, c’est dur, reprenez-la.” Et le gouvernement va devoir la reprendre, car on ne peut pas avoir une défaillance entassée sur le chômage, comme on a depuis tant d’années. »

Ceux qui étaient pointés par ces ironies n’ont pas du tout apprécié. « Menteur », « manipulateur », a riposté la CGT, vendredi dans un jugement, en ciblant le président de la République. Fait plutôt inhabituel, le Medef a, lui aussi, réagi en des termes virulents, son numéro un, Geoffroy Roux de Bézieux, fustigeant « la lâcheté [de] l’Etat, [qui] fixe toutes les règles, mais veut faire reconnaitre les décisions par les autres ». Une évocation à la feuille de route que Matignon a octroyée, fin septembre 2018, aux congfédérations de salariés et d’employeurs pour cadrer leurs discussions en vue d’une nouvelle convention Unédic – l’association égalitaire qui gère l’assurance-chômage.

Beaucoup de donations

Ce document fixe des cibles pénibles à avaler pour les protagonistes : d’un côté, des économies de 3 à 3,9 milliards d’euros en trois ans, révoquées par les leaders syndicaux au motif qu’elles vont amputer les droits des chômeurs ; de l’autre, la volonté de combattre la prolifération des contrats courts, qui donne des sueurs froides aux organisations d’employeurs car elles appréhendent une augmentation du coût du travail. Sur ce deuxième volet, la lettre de cadrage ne mentionne pas l’idée du bonus-malus – un mécanisme qui majore les cotisations des entreprises dont le personnel tourne beaucoup – mais M. Macron a dernièrement réaffirmé son intention de mettre en œuvre cet engagement de campagne. Autrement dit, l’exécutif demandait plus de concessions aux deux parties. Beaucoup trop, même, au goût de celles-ci.

Le Président de la République accuse les partenaires sociaux après le Krach des discussions sur l’assurance-chômage

Après le comité de la dernière chance mercredi, syndicats et patronat n’ont pas trouvé un accord sur la réforme de l’assurance-chômage voulue par l’exécutif.

Emmanuel Macron, s’en est fixement pris aux partenaires sociaux jeudi 21 février à la suite à cet échec. Il leur reproche particulièrement de se défausser de leurs responsabilités sur l’Etat qui va reprendre la main dans ce dossier.

« On vient d’avoir un exemple de vraie négociation sociale, a ridiculisé le chef de l’Etat, devant les présidents des départements réunis à l’Elysée. On a dit aux partenaires sociaux : “Trouvez-nous une solution pour le chômage, vous êtes autour de la table, vous êtes responsables”, alors même que les syndicats ne rémunèrent plus le chômage, c’est le contribuable. »

« On est dans un drôle de système ! Chaque jour dans le pays, on dit : “corps intermédiaires, démocratie territoriale, démocratie sociale, laissez-nous faire.” Et quand on donne la main, on dit : “mon bon monsieur, c’est dur, reprenez-la.” Et le gouvernement va devoir la reprendre, car on ne peut pas avoir une défaillance augmentée sur le chômage comme on a depuis tant d’années. »

Bonus-malus

Après un meeting de la dernière chance mercredi, syndicats et patronat ont, par conséquence, échoué à trouver un accord sur la réforme de l’assurance-chômage voulue par l’exécutif. Les syndicats avaient fait du bonus-malus – un dispositif permettant de moduler les cotisations patronales en fonction du recours aux contrats de courte durée – une condition sine qua non de leur participation aux pourparlers. Mais le patronat est brutalement opposé à cette mécanique qu’il juge « mortifère » pour l’emploi.

Le gouvernement, qui sollicitait aussi de se mettre d’accord sur un plan d’économies de plus d’un milliard d’euros chaque année durant au moins trois ans, va actuellement reprendre la main. Avec deux objectifs supplémentaires :

  • restaurer les règles sur le cumul emploi et chômage ;
  • prévoir un mécanisme pour lutter contre les contrats courts.

La sortie de M. Macron a été peu estimée du côté des syndicats et du patronat. Ripostant aux propos du président, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, lui a Tweeter: « Et si la démocratie ne passait pas par des petites phrases polémiques ou médias interposés ? Nul doute qu’elle fonctionnerait mieux dans notre pays. »

« La démocratie sociale a souvent prouvé son efficacité et sa responsabilité lorsqu’elle n’est pas soumise à des lettres de cadrage impossibles, conduisant sciemment une négo dans l’impasse », a ajouté Laurent Berger sur le réseau social. « Rechercher des boucs émissaires peut être tentant à court terme mais contre-productif pour l’avenir », a-t-il déclaré.

« Opération de communication »

De son côté, la CGT, dans une déclaration, reproche à M. Macron « de se livrer à une belle opération de communication qui relève du scandale, avec une opération de destruction depuis plusieurs mois ». Avant d’ajouter:

« Macron est un menteur, en prétendant que la protection sociale n’appartient plus aux employés, et que les syndicats sont responsables de l’échec, quand celle-ci incombe au patronat… et à Macron lui-même ! (…) Macron est aussi un manipulateur : il a requis une négociation impossible pour faire des économies sur le dos des chômeurs et au passage mettre la main sur la gestion de l’assurance-chômage. La conséquence possible est une exclusion de tous les contre-pouvoirs dans l’assurance-chômage. »

Le secrétaire général de Force ouvrière, Yves Veyrier, a aussi tenu à répondre aux critiques de M. Macron : « Non, monsieur le président de la République, on ne vient pas d’avoir “une vraie discussion sociale”. » Selon lui, « la lettre de cadrage que votre gouvernement a imposée, d’une part, et certaines de vos interventions publiques durant le déroulement de la négociation, d’autre part, ne nous ont “pas donné la main” mais allaient à l’encontre de ce principe. »

Des jugements  formulées pareillement par le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux sur Twitter : « Le gouvernement n’a pas donné la main aux partenaires sociaux, il leur a dit de négocier en montrant publiquement les résultats de la tractation à l’avance, y compris pendant la négociation. »

 

Krach du débat Unédic : le paritarisme en danger

Les coopérations syndicales et patronales n’ont pas arrivé à trouver un issu sur une nouvelle convention pour l’assurance-chômage. Le dialogue social est au plus mal.

  Un coup tueur vient d’être tenu au paritarisme. Ce système garantit aux collaborateurs sociaux – organisations syndicales et patronales – une indépendance de gestion pour plusieurs branches de la protection sociale, qu’il s’agisse des retraites complémentaires ou de l’assurance-chômage. Cette dernière, l’Unédic, créée en 1958, à une époque où il y avait peu de chômeurs, est soumise à un régime de liberté contrôlée. L’Etat doit nécessairement agréer les conventions négociées par les gestionnaires qui fixent les conditions d’indemnisation des solliciteurs d’emploi.

Commencé en novembre 2018, en vue de préparer une nouvelle convention qui pénétrera en vigueur en 2020, l’échange a blindé mercredi 20 février. Certes que, dans sa feuille de route, le gouvernement sommait l’Unédic de se gérer une véritable potion amère, en réclamant, face à une dette accumulée de plus de 30 milliards d’euros, de 3 milliards à 3,9 milliards d’euros d’économies en trois ans.

Cette ordonnance envisageait d’une part un système de bonus-malus, punissant les entreprises qui abusent de contrats courts – une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, contre laquelle le patronat est vent debout –, et d’autre part de faire agréer aux syndicats une réduction des prestations versées aux chômeurs, et particulièrement une baisse de la compensation maximale.

Une forme de collectivisation

Le 28 janvier, le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P), interrompus par une intervention du chef de l’Etat réaffirmant sa détermination d’établir un bonus-malus, avaient abandonné la table des négociations, avant d’y revenir sous la pression du premier ministre. Mais l’échec des discussions était au bout du chemin.

L’Etat va donc saisir la main et arrêter par décret des contours de la future convention. C’est une forme de nationalisation de l’Unédic, correspondant au souhait de M. Macron informé pendant sa campagne, avant qu’il fasse marche arrière. Michel Beaugas (FO), lui, parle d’« un paritarisme d’Etat ».

Cette intervention étatique n’est pas une première. Le 24 novembre 1982, Pierre Bérégovoy, ministre des affaires sociales, devant l’inaptitude des partenaires sociaux à s’entendre, avait pris un verdict qui avait accéléré les inégalités de traitement entre chômeurs, ce qui avait donné naissance à ce qu’on avait nommé « les nouveaux pauvres ».

Muriel Pénicaud promet une coalition

En 2001, le gouvernement de Lionel Jospin avait nier de garantir la convention qui instituait le plan d’aide au retour à l’emploi (PARE), un vrai transformation culturel, toujours en vigueur, qui liait le versement d’une contribution à l’engagement du chômeur à rechercher activement un emploi,avant de trouver un compromis avec les gestionnaires.

L’échec de cette discussion, au moment où, avec la crise des « gilets jaunes », le besoin d’octroyer un rôle-clé aux corps conciliatrices se fait plus que jamais sentir, est une très mauvaise nouvelle. Même si certains syndicalistes ne sont pas contestataires de laisser la puissance publique faire le « sale boulot », en enlevant les droits des chômeurs, et en garantir seule l’impopularité, quand le dialogue social tourne court, il n’y a que des perdants.

Muriel Pénicaud, la ministre du travail, a aussitôt la redoutable tâche de se substituer aux syndicats et au patronat pour construire une nouvelle convention. Elle a promis une concertation. C’est le minimum qu’elle puisse faire si elle ne veut pas notifier aux partenaires sociaux, que M. Macron a cru bon d’évaluer, qu’on peut se passer d’eux.