Plus de 1 200 personnes chassent Renault Trucks devant la justice

Le bâtiment principal de l’entreprise Renault Trucks à Venissieux, près de Lyon, le 28 avril 2015.
Le bâtiment principal de l’entreprise Renault Trucks à Venissieux, près de Lyon, le 28 avril 2015. PHILIPPE DESMAZES / AFP
Des salariés et ex-salariés sollicitent la reconnaissance de leur « préjudice d’anxiété » après l’organisation « amiante » de l’usine de construction de camions de Vénissieux.

Le conseil de prud’hommes de Lyon observe, mardi 12 mars, les sollicites de 1 208 salariés et ex-salariés de Renault Trucks qui réclament la reconnaissance de leur « préjudice d’anxiété » après le classement « amiante » du site de construction de camions de Vénissieux (Rhône). L’audience – hors normes au vu du nombre de plaignants –, a été délocalisée dans une salle polyvalente de Rillieux-la-Pape, dans la banlieue lyonnaise.

Le site de Renault Trucks (ex-RVI), immédiatement filiale de Volvo, à Vénissieux, a été reconnu « site amiante » par arrêté publié au Journal officiel à l’automne 2016, permettant ainsi aux salariés en poste jusqu’en 1996 d’avoir droit au dispositif de retraite anticipée des travailleurs de l’amiante. Cette inscription intéresse la période allant de 1964 à 1996.

« A l’époque, personne n’était averti, on divisait l’amiante à la scie. Il n’y avait aucune souhait, on utilisait des soufflettes pour nettoyer les postes de travail », témoigne le président de l’Association prévenir et réparer (APER), Jean-Paul Carret. La « prise de conscience », dit-il, a eu lieu à la fin des années 1990, « après les premiers décès ». L’APER a dénombré au moins une « vingtaine » de morts liées à l’amiante depuis 2000 et une « quarantaine » de cas convenus comme maladies professionnelles.

Epée de Damoclès                                                                                                                                                                   

Actuellement, les plaignants, principalement des retraités et quelques salariés en fin de carrière, vivent « toujours avec une épée de Damoclès ». « Ça trotte dans les têtes à chaque fois qu’ils enseignent qu’un ancien collègue est mort », dit M. Carret, qui définit que ces 1 200 dossiers étaient « une première vague », « 200 autres doivent être examinés ultérieurement ».

Contacté par l’Agence France-Presse, Renault Trucks n’a pas souhaité faire de « commentaires sur les actions de justice en cours le concernant ». Le groupe a simplement ajouté que l’entreprise « n’avait jamais affiché ses salariés à des risques connus », garantissant que « plus aucun produit amianté » n’était utilisée « dans ses processus depuis le 1er janvier 1997 ».

Le protecteur des plaignants, Me Cédric de Romanet, réclame 15 000 euros pour chacun d’eux, attendu que « les études épidémiologiques montrent, inopportunément, que le temps d’exposition est sans effet » sur le risque de déployer une maladie liée à l’amiante.

Le secrétaire de l’APER, Patrick Gérard, a pour sa part regretté que, « sur le plan pénal, la bataille n’avance pas ». « Aujourd’hui, on sait faire condamner l’entreprise, mais on n’arrive pas à faire condamner les patrons, les donneurs d’ordre », a-t-il affirmé.

 

A l’alliance locale de Saint-Girons, « la société est transformée abondamment dure »

A l'union locale de la CGT à Saint-Girons (Ariège), le 18 février.
A l’union locale de la CGT à Saint-Girons (Ariège), le 18 février. 

Dans la sous-préfecture de l’Ariège, la CGT arrange des constances procédurières pour supporter les salariés en pénurie.

C’est une femme au visage manifesté qui a poussé la porte de l’union locale CGT de Saint-Girons, sous-préfecture de l’Ariège, ce lundi de février. Cette salariée n’est pas syndiquée, mais elle ne savait pas vers qui se tourner. Dans sa boîte, une grosse PME, des syndicats, il n’y en a pas. Une de ses amies l’a persuadée de venir prendre conseil ici où, les lundis soir, une constance juridique ouverte à tous est organisée.

La dame veut ne pas donner son nom, ni même son prénom. Dans le Couserans, ce pays aux dix-huit vallées, tout le monde se connaît et son patron aurait rapidement l’identifier. La quinquagénaire l’accuse de vouloir se dégager d’elle et de lui augmenter sa charge de travail pour la pousser à la démission. Plus de vingt ans d’ancienneté et « pas une lettre » pour se plaindre d’elle, assure-t-elle. Depuis une dizaine de jours, elle est en arrêt maladie et elle a la boule au ventre à l’idée de retourner travailler. « Je suis morte, lâche-t-elle. Je n’ai pas la force de revenir. Je sais que je ne pourrai pas faire tout ce qu’ils me demandent. »

« Souffrance au travail »

Face à elle, Jean-Marie Munoz écoute. Ce militant CGT, retraité d’EDF, est un des bénévoles qui font tourner l’union locale (UL). Devant lui, un volumineux code du travail. Pas besoin de le défaire pour savoir que, sans preuve, la partie sera pénible. « Il y a de plus en plus de punition au travail, juge-t-il. Son cas n’est pas isolé : on a ça tous les lundis. Toutes les méthodes sont bonnes pour dégraisser, y compris déstabiliser les salariés. »

Jean-Marie Munoz est la mémoire vive des lieux. Le cégétiste a participé à sa création dans les années 1970. Une grande pièce au rez-de-chaussée d’une ancienne école que la mairie, qui paye également l’électricité et l’eau, met à disposition gracieusement. Une accommodement qui n’est pas écrit mais sans cesse renouvelé depuis. Situé à un petit kilomètre du centre-ville, le local et son panneau défraîchi pourraient approximativement circuler inaperçus pour celui qui ne connaît pas Saint-Girons. Mais ici on ne vient pas par hasard. La CGT est le dernier syndicat physiquement présent dans cette commune de 6 000 habitants qui couvre un bassin de vie bien plus large.

« On en arrive à faire le travail de l’Etat, déplore François Carbou, secrétaire général de l’UL. Même l’inspection du travail nous envoie des gens… »

L’Ariège compte cinq unions locales CGT. Celle de Saint-Girons, comme ses petites sœurs, garantis plusieurs missions : elle fédère une dizaine de syndicats cégétistes des environs, joue un rôle d’animation et de développement. Elle conseille pareillement les salariés en pénurie avec leur employeur, les aide à aménager un dossier, les assiste lors d’un entretien antérieur de licenciement, et peut les conduire jusqu’aux prud’hommes. « On en arrive à faire le travail de l’Etat, déplore François Carbou, secrétaire général de l’UL. Même l’inspection du travail nous envoie des gens… »

Les professions de la finance et du conseil, un monde dur pour les femmes

Mixtes au niveau junior, ces secteurs comptent de moins en moins de femmes en haut de la hiérarchie.
Mixtes au niveau junior, ces secteurs comptent de moins en moins de femmes en haut de la hiérarchie. Milena Boniek/PhotoAlto / Photononstop / Milena Boniek/PhotoAlto/Photononstop

Dans ces espaces, grimper dans la hiérarchie s’allie pour les femmes à un parcours du combattant. Ecoles de commerce et entreprises s’inclinent sur le sujet.

 « Je connais trois femmes qui ont abandonné le métier rien que depuis le début de l’année, et aucun homme. Et je ne crois pas que ce soit un hasard », changement Marie (les prénoms des femmes ont été changés à leur demande), 30 ans, salariée d’un fonds de capital-risque à Paris, lorsqu’on l’interroge sur le fait d’être une femme dans son secteur. Une chose est sûre : dans les métiers de la finance et du conseil, les effectifs sont aujourd’hui relativement mixtes au niveau junior, mais les femmes disparaissent à mesure que l’on monte dans la hiérarchie.

Comment expliquer ce phénomène ? Certes, évoluer dans ces secteurs très concurrentiels est difficile pour tous. Mais réussir en tant que femme demande un travail d’adaptation supplémentaire et coûteux, estime la sociologue Isabel Boni-Le Goff, enseignante-chercheuse à l’université de Lausanne, qui a étudié le secteur du conseil.

Dans ce métier où le relationnel tient une part importante, notamment avec le client, le « bon expert » est à la fois compétent et capable de construire une relation intime. « Face à cette double injonction, les consultantes doivent faire un effort spécifique pour que le cadre de l’interaction soit le plus maîtrisé possible, pour neutraliser le genre. Cela passe par l’apparence physique, vestimentaire, la manière dont elles parlent et se tiennent… Au bout de cinq ans de carrière, une succession de petites épreuves quotidiennes qui s’accumulent, un poison sur la durée », déclare-t-elle.

L’avantage informel des hommes

Dans la finance, être un homme est pareillement, a priori, un bon point pour être connu légitime. « Les compétences qui adaptent sont celles dites masculines, genrées, améliorées par les hommes et un milieu bourgeois : l’aptitude à manier les chiffres, le calcul, la vitesse d’exécution, la compétitivité, l’ardeur, l’ego, une grande confiance en soi. Je ne veux pas dire que seuls les hommes ont ces traits, mais ils sont socialement construits comme masculins, donc on va considérer que les femmes y sont moins bonnes », cite Valérie Boussard, professeure de sociologie à l’université Paris-Nanterre et auteure de recherches sur les rouages de cette filière.

Un autre type d’expériences est d’ordre organisationnel. Les professionnels de ces milieux doivent fréquemment être très disponibles, tard, et être mobiles géographiquement. Ces petits freins pour les femmes sont réels au moment de la maternité. « Mais aussi imaginés, car les femmes sont a priori pensées comme moins disponibles, même quand elles le sont », précise Valérie Broussard.

La fin du diesel déstabilise toute une filière

Dans l’usine Trémery-Metz (Moselle) de PSA qui est dédiée à la fabrication de moteurs et de boîtes de vitesses.
Dans l’usine Trémery-Metz (Moselle) de PSA qui est dédiée à la fabrication de moteurs et de boîtes de vitesses. JULIEN CRESP/PEUGEOT

Les sous-traitants souffrent et 15 000 emplois pourraient disparaître à court terme. Bruno Le Maire réunit constructeurs, équipementiers et syndicats à Bercy lundi.

Pour le secteur véhicule, l’heure est importante. Lundi 11 mars, Bruno Le Maire a assemblé à Bercy l’unité des acteurs de la filière automobile (constructeurs, équipementiers, syndicats), avec une demi-douzaine de présidents de région. L’enjeu : répliquer à l’augmentation de la transition actuelle du moteur thermique, et surtout du diesel, à la motorisation électrique…

La part de cette mécanisation est passée en France, entre 2012 et le début 2019, de 73 % à 35 % !

C’est qu’il y a urgence. Après le « dieselgate » de Volskwagen, qui s’est élargi ces trois dernières années à l’ensemble des constructeurs, les ventes de véhicules fonctionnant au gazole se sont effondrées au fil des annonces d’un bannissement du diesel des centres-villes. La part de cette motorisation est passée en France, entre 2012 et le début 2019, de 73 % à 35 % ! Et, en Europe, de 55 % en 2012 à 36 % en 2018… En 2020, elle pourrait tomber à 25 %, voire à 5 % en 2030, selon les prévisions du cabinet AlixPartners.

De quoi démolir l’ensemble d’une filière réduite, particulièrement en France, sur cette technologie. Pour l’instant, les fondateurs ne sont pas les plus impactés. « La baisse du diesel n’a pas de conséquences majeures sur l’emploi des usines de mécanique », indique Maxime Picat, le patron Europe de PSA. Les deux sites concernés sont ceux de Trémery (Moselle) et de la Française de mécanique à Douvrin (Pas-de-Calais). « L’entreprise est organisée pour faire face à des changements rapides dans le mix énergétique des véhicules », révèle le dirigeant. Même assurance pour l’usine de moteurs de Cléon (Seine-Maritime), de Renault.

Le renversement vers l’électrique inquiète

Par contre, la chute du diesel, qui nécessite nombre de pièces et d’équipements spécifiques (filtres à particules, par exemple), pèse sur de nombreux sous-traitants. Une cinquantaine de sociétés sont déjà fragilisées par l’évolution rapide du mix énergétique. Quelques-uns ont, d’ailleurs, déjà mis la clé sous la porte, comme le japonais Ibiden, ou sont en grandes pénuries comme deux fonderies à Ingrandes-sur-Vienne, ou Bosch, à Rodez.

Sur 38 000 emplois comptés dans la filière, 15 000 auraient décéder à court terme, selon une récente étude de l’observatoire de la sidérurgie. « Ces chiffres sonnent comme une alerte, confie Luc Chatel, le président de la Plate-forme française automobile qui représente la filière. Un tel accroissement de la chute du diesel se traduit par des baisses brutales de commandes pour un nombre croissant de fournisseurs qui se retrouvent en situation difficile. Un changement de conjoncture ne ferait qu’augmenter ce constat préoccupant. »

Uber : les prud’hommes doivent rendre leur solution sur la nomination des chauffeurs comme employés

Manifestation de chauffeurs Uber, à Paris, le 18 décembre 2015.
Manifestation de chauffeurs Uber, à Paris, le 18 décembre 2015. KENZO TRIBOUILLARD / AFP

La conclusion, attendue lundi, pourrait avoir des suites financières néfastes pour la plate-forme si les recours se multipliaient.

Le conseil de prud’hommes de Paris rend, lundi 11 mars, sa décision sur la demande de réinsertion du contrat de neuf conducteurs de VTC demandant à être reconnus comme travailleurs d’Uber. Il s’agit de la première action communautaire contre Uber, grand groupe américain de services de véhicules de transport avec chauffeur (VTC), les antérieures conclusions ayant été rendues à titre individuel, suivant le secrétaire général du Syndicat des chauffeurs privés VTC (SCPVTC), Sayah Baaroun, à la source du recours.

La fin pourrait être « historique », dit-il, et surtout avoir des suites financières néfastes pour la plate-forme si les recours se propageaient. « Nous avons déjà déposé dix nouveaux dossiers au conseil de prud’hommes et dix autres sont en préparation », met en garde Sayah Baaroun.

Jusqu’à à présent, il était pénible pour ces chauffeurs d’être convenus comme salariés et de jouir des droits sociaux correspondants (congés payés ou indemnités journalières, par exemple). La plupart des tribunaux qui ont décidé sur le sujet ont apprécié que la liberté horaire dont ces prestataires ordonnaient fasse « obstacle à une reconnaissance d’un contrat de travail ».

Terminaison de la Cour de cassation                                                   

La Cour de cassation a exclusivement ouvert la porte à de nouvelles explications de la loi en novembre, avec un procès portant sur un livreur à vélo de la plate-forme Take Eat Easy, depuis liquidée.

« L’argument déterminant, qui était de dire : “Ils sont nécessairement indépendants puisqu’ils travaillent quand ils veulent, le temps qu’ils veulent et avec qui ils veulent”, (…) est balayé par la Cour de cassation », a expliqué l’avocate des chauffeurs, Me Sylvie Topaloff lors de l’audience du 18 décembre, devant le conseil de prud’hommes de Paris. « La Cour de cassation veut (…) dire : attention, ce n’est pas la volonté des parties ou la dénomination qu’ils donnent à leur convention qui fait le statut d’indépendant ou de salarié, c’est au juge d’apprécier si les éléments caractérisant la subordination sont réunis. »

L’instance avait estimé que l’application Take Eat Easy, qui était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel du travailleur et la mise en place de sanctions, témoignait d’un « pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution » et donc d’un « lien de subordination ».

 « Travailleurs contraints »

Me Sylvie Topaloff avoue que la situation de travail des chauffeurs Uber n’est pas précisément la même, mais elle s’applique à prouver qu’un lien de subordination existe : tarif fixé, impossibilité de connaître la destination d’une course sans l’avoir accueillie, système de notation, etc. « En réalité, ce sont des travailleurs contraints. Une construction juridique habile fait que celui qui devrait être regardé comme leur employeur s’exempte de tous les avantages (sociaux) parvenus depuis plus d’un siècle par le système français », dit-elle.

Un procès rendu le 10 novembre par la cour d’appel de Paris va dans ce sens, évaluant qu’un « faisceau suffisant d’indices » prouve l’existence d’une relation de subordination entre un prestataire Uber et la plate-forme.

Pour l’avocat d’Uber, Me Cyril Gaillard, les « vrais donneurs d’ordre », ce sont « les clients ». « Uber ne joue qu’un rôle d’intermédiaire », a-t-il dit lors de la même assistance. Pour lui, la conclusion de la Cour de cassation « n’a rien changé », car cet arrêt porte sur une attention qui présente des différences « majeures » avec l’application Uber.

MBA : se renseigner avant de se jeter dans l’aventure

Le campus d’HEC, à Jouy-en-Josas (Yvelines)
Le campus d’HEC, à Jouy-en-Josas (Yvelines)
Peu commun, et soumis à des codes anglo-saxons, l’univers des MBA est pénible d’abord pour les non-initiés. Comment se délimiter dans ce maquis de formations, actuellement proposées dans la plupart des écoles de commerce, ainsi que dans quelques écoles d’ingénieurs ? Ces cursus d’un an minimum s’envoient à des jeunes cadres avec quelques années d’expérience professionnelle, et qui veulent se poser sur l’effet « accélérateur de carrière » de ce diplôme pour progresser dans la hiérarchie, et accéder à des postes au sein de directions générales.

A l’Insead, par exemple, l’âge moyen des adhérents est de 29 ans, avec six ans d’expérience professionnelle. On trouve dans les MBA des diplômés d’écoles d’ingénieurs, de jeunes cadres issus de formations juridiques, en marketing ou en finance. Mais aussi des pharmaciens, des diplômés en sciences humaines… Détaché : procurer des bases dans tous les domaines du business, apprendre le « leadership », la stratégie. Au programme : des études de cas, des mises en situations, des exercices en équipes, de l’anglais à haute dose, des cours sur le business plan ou l’implication sociale des entreprises…

Mais aussi, selon les MBA, des leçons plus pointus : Neoma présente dans son MBA des cours sur l’IA, le big data, les marchés émergents… Skema envoie ses adhérents aux Etats-Unis ou au Brésil. Kedge propose une spécialisation en management des vins et spiritueux. Mais au-delà, le MBA est surtout une occasion, dans une carrière, de se consulter sur ses pratiques, de mieux se connaître, et de se créer un nouveau réseau.

Faire évaluer son projet

Mais ce placement lourd en temps et en argent réclame, en amont, d’être au clair avec ses objectifs. Thomas Jeanjean, directeur général adjoint de l’Essec, conseille « de demander un entretien avec les responsables des programmes pour évaluer son projet ». Les contacts avec les écoles lors de salons, le recueil d’avis auprès de cadres dirigeants sur la démarche et sur le choix du MBA sont des étapes inévitables avant d’arrêter son choix. « Il est indispensable de mener son enquête avant de signer un chèque », conseille le directeur de la communication à HEC Paris Philippe Oster. « Il faut surtout contacter des anciens élèves, qui ont fait le pari de s’arrêter, de s’endetter, de trouver un compromis avec leur vie familiale pour un MBA », développe Philippe Oster.

Il y a en France 300 programmes MBA – cette désignation n’est pas dégagée à l’approbation et aux contrôles du ministère de l’enseignement supérieur, contrairement, par exemple, au diplôme de master. Ils rassemblent des réalités très diverses. Les classements internationaux des MBA, comme celui du Financial Times, accordent une idée des formations les plus reconnues à l’international.

On y compte quelques écoles françaises – HEC, EM Lyon, Grenoble EM, l’Essec et l’Insead −, même si leurs rivales américaines se divisent la part du lion. Cette organisation, qui combine une multitude de critères, confère beaucoup de poids à la progression salariale, pondérée selon les secteurs. Autrement dit, sur le fameux « retour sur investissement » du participant. « Pour que l’investissement soit rentable, il faut espérer avoir remboursé ses frais dans les trois ans maximum après la homologation du diplôme, articule Philippe Oster, à HEC. Si tout va bien, on peut constater une évolution salariale significative six mois après la reprise du travail. »

Divulguer les approches

Pour faire son choix, propager les approches est une bonne stratégie. Pour l’administrateur de Rennes School of Business Thomas Froehlicher, « les classements se complètent : par exemple, celui du Financial Times englobe la question de la parité hommes-femmes tandis que le magazine Forbes se concentre essentiellement sur le retour sur investissement. »

D’autres expériences, comme les labels, permettent de se faire une idée. Première étape, pour les écoles françaises : l’appartenance à la Conférence des grandes écoles (CGE) – les écoles qui en sont membres remettent des diplômes visés par l’Etat. Les trois grandes accréditations internationales (le label américain AACSB, le label européen Equis, le label britannique AMBA réservé au MBA) sont plus difficiles. Les écoles qui les parviennent, au terme d’un lourd audit et de multiples rapports, répondent à des critères de qualité en termes de formation, recherche, de suivi des étudiants.

Rares sont les écoles nommées de la « triple couronne » : elles ne sont qu’une quinzaine en France. A l’Essec, Thomas Jeanjean met également en avant le label d’état EEPSIG (Etablissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général), qui distingue aussi le caractère non lucratif et la gestion désintéressée, ainsi que sa promesse à célébrer les missions de service public. Quinze écoles de commerce ont réussi ce label en France.

GMAT, Toeic ou Toefl : un passage obligé

Autres domaines à apprécier : la puissance du réseau des anciens, les liens confirmés avec les entreprises, le profil des participants et des enseignants, le degré d’internationalisation des promotions, la publication d’enquête sur l’insertion et les salaires des diplômés… Une recherche qui prend du temps. Une fois la formation aperçue, encore faut-il s’y faire admettre : à titre d’exemple, le MBA d’HEC recrute 17 % des candidats.

D’autres sont bien moins sélectifs. Le GMAT, test qui fait appel à des capacités en logique et en calcul, est l’un des passages obligé des actions de sélection. De même que les tests reconnaissant un niveau en anglais (Toeic ou Toefl), les lettres de motivation et d’appui. Une fois le feu vert obtenu, reste à faire le tour des banques pour décrocher un prêt.

Une façon de diminuer le coût total consiste à opter pour un Executive MBA (à temps partiel), qui agrée de garder son emploi et de suivre les cours le week-end, en fin de journée, ou sur certaines périodes balisées. Un défi personnel plus important et un procédé moins « immersif » que la formule à temps plein, mais qui permet de garder une rétribution. Un atout non insignifiante.

 

Apprendre à diriger une équipe en entraînant des moutons

Dans la Bergerie nationale de Rambouillet (Yvelines), lors d’un atelier organisé par HEC.
Dans la Bergerie nationale de Rambouillet (Yvelines), lors d’un atelier organisé par HEC. François Vergonjeanne

Instituts ou grandes écoles offrent à des spécialistes de se former au leadership au contact d’oies, de chevaux, de loups… Objectif : s’améliorer dans l’empathie, la gestion de groupe et animer un esprit d’équipe.

Chèvres angoras de Turquie, moutons d’Afrique, vaches de Suisse, ânes de Malte. A la fin du XVIIIe siècle, Louis XVI teste la naturalisation de plusieurs espèces animales dans la ferme du domaine de Rambouillet. Depuis, la Bergerie nationale n’a jamais oublié sa veine innovante. C’est ici qu’a été mise au point, durant la seconde guerre mondiale, la technique de la fécondation artificielle. Actuellement encore, l’établissement, situé à 50 kilomètres au sud-ouest de Paris, pourchasse sa mission d’application : aux beaux jours, manageurs et moutons se donnent rendez-vous dans le pré. Les nouvelles coqueluches du coaching d’entreprise, ce sont les animaux.

Les notaires et le troupeau                                                                                      

« Au début, il y avait quelques réserves, nos clients avaient l’impression d’être pris pour des moutons », se distrait François Vergonjeanne, dirigeant de Mediaxion. La formation en sheep concept qu’il dispense à la Bergerie nationale est pourtant très sérieuse, et répond à des questionnements récurrents en entreprise : comment faire adhérer les collaborateurs à un projet ? Comment et jusqu’où accélérer les changements ? Comment procréer et soutenir la cohésion dans un environnement incertain ?

« On travaille sur la habileté, un concept très en vogue en entreprise. Les stagiaires sont évalués à la résistance naturelle de la matière : parfois, trop de vitesse nuit à l’efficacité » François Vergonjeanne

« Je n’offre pas de réponse toute faite. Les stagiaires redécouvrent eux-mêmes les bases de la dynamique de groupe en travaillant avec les mérinos, une race spécialement grégaire », déclare le spécialiste des compétences relationnelles. L’été dernier, il a reçu des notaires désireux d’arrêter au mieux les évolutions de la profession – « Ils sont passés d’un métier archaïque consistant à rédiger des actes à de véritables entreprises où il faut manager des collaborateurs. »

En petits groupes de 6 à 8 personnes, les notaires sont appelés à faire circuler le troupeau entre deux poteaux. Les uns prennent leur temps pour élaborer une stratégie qui s’avère obsolète. Les autres ne s’occupent que de deux, trois moutons, remettant le reste de la troupe. D’autres encore foncent dans le tas, et font se disperser les bêtes. La posture du berger s’apparente à celle du coach face à un groupe : par trop de pression, on fait éclater le troupeau. « Je les fais identiquement travailler sur l’agilité, un concept très en vogue en entreprise. Une fois qu’ils ont réussi l’exercice, ils doivent réitérer l’expérience, mais plus précipitamment. Ils se apprécient alors avec la résistance naturelle de la matière : parfois, trop de vitesse nuit à l’efficacité », mentionne François Vergonjeanne.

Chargeur de trottinettes, ultime tendance des petits boulots

Yacine, un « juicer » de 39 ans, à bord de sa camionnette avec laquelle il récupère et recharge des trottinettes électriques.
Yacine, un « juicer » de 39 ans, à bord de sa camionnette avec laquelle il récupère et recharge des trottinettes électriques. 

Avec le défilé des trottinettes électriques en libre-service dans les villes, un nouveau job est apparu : celui de « juicer », ou chargeur de trottinettes.

A bord de sa fourgonnette blanche, Yacine quitte Saint-Denis, dans la banlieue nord de Paris, pour rattraper le centre de la capitale. Il est 14 heures, jeudi 21 février, et sa journée de travail commence : six heures de chasse aux trottinettes que les clients ont laissées à moitié déchargées, ici ou là, à l’ondulation d’une rue. Six heures à tourner dans les artères de la ville comme un poisson dans un bocal. Saint-Michel, Raspail, Saint-Germain, puis encore Saint-Michel, Châtelet, Rivoli…

Yacine, 39 ans, est chargeur de trottinettes, ou « juicer » – juice signifie électricité en argot anglais. Un nouveau petit boulot de l’ubérisation – la mise en relation, par des plates-formes numériques, de clients et d’indépendants – exposé en France à l’été 2018, quand des sociétés (sept aujourd’hui) ont débuté à enfoncer leurs trottinettes électriques en libre-service dans les villes. Depuis novembre, Yacine œuvre pour l’entreprise américaine Lime, la marque au citron. Il n’est pas salarié, mais auto entrepreneur. Il n’obtient pas de fiche de paie, mais une rémunération journalière qui dépend du nombre de trottinettes assemblées dans la journée, rechargées à son domicile la nuit et redéployées au petit matin.

Yacine n’a pas de directeur, si ce n’est l’algorithme de la concentration Lime sur son smartphone. C’est l’application qui donne la marche à suivre : où trouver les trottinettes, où les replacer, combien elles rapportent (entre 5 et 6 euros l’unité). C’est aussi l’application qui lui donne une note de satisfaction. De cette note dépend le nombre maximal de trottinettes qu’il est autorisé à recharger chaque jour. Un couac, un retard, et ce plafond baisse. La rétribution aussi.

Etudiants ou salariés en quête d’un supplément de revenu

A voir les cernes cachés dans l’ombre de sa casquette, le boulot est épuisant. « On finit tard le soir, on commence tôt le matin, exprime ce père de trois enfants. Et puis c’est physique. Les trottinettes pèsent 20 kg. Je me suis musclé depuis que je fais ça ! » Ses efforts, dit-il, sont « récompensés » chaque matin, lorsqu’il reçoit son dû. Quarante trottinettes – son plafond actuel – rapportent à Yacine autour de 200 euros par jour, auxquels il faut diminuer les charges : la rentabilisation du camion (acheté 3 500 euros), l’assurance, l’essence, l’électricité, les cotisations… A la fin du mois, il lui reste environ 1 800 euros.

Master en « philo pour l’entreprise » pour les étudiants en philo

« L’Ecole d’Athènes », fresque du peintre italien Raphaël (musée du Vatican) représentant les principaux philosophes antiques.
« L’Ecole d’Athènes », fresque du peintre italien Raphaël (musée du Vatican) représentant les principaux philosophes antiques. http://chemins-de-philosophie.over-blog.com

S’interroger sur l’innovation, répliquer au besoin de sens des jeunes cadres… Plusieurs défis pour lesquels sont postulés des consultants en philosophie, formés à l’université. La pratique, qui demeure marginale, tend à se changer

Un grand bâtiment de style industriel, le Centquatre logeait anciennement les pompes funèbres de la Ville de Paris. Il abrite actuellement des activités plus joyeuses – expositions, concerts, danse. Et aussi un incubateur de start-up. A l’entrée, une machine au minois animal formé sur un bras détaché reçoit le visiteur. « C’est un robot social, précise Julien de Sanctis. Il est habile de lire la conduite de son interlocuteur et de s’y ajuster pour donner une sensation d’empathie, et il apprend les contenus que les humains avec qui il entre en contact lui transmettent. » Contradictoirement aux apparences, le jeune homme n’est pas créateur de robots mais… philosophe.

« Midis philo »                                                                                                                                                                           

Ce jeune doctorant est l’un des premiers salariés mobilisés par la jeune pousse Spoon, à l’origine de l’automate. Ses missions sont multiples : définir les valeurs de l’entreprise, diffuser sur les questions éthiques posées par l’IA, en passant par l’organisation de « midis philo » pour ses collègues.

« En fait, mon rôle est de demander : de quelles valeurs et de quel modèle sociétal veut-on que le robot soit le reflet ? Puis de formuler des protections pour que cela se regagne dans le produit et dans le management », résume Julien de Sanctis, diplômé du master Ethires de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, spécialisé dans la formation de « philosophe d’entreprise ». Maintenant en convention industrielle de formation par la recherche (Cifre) chez Spoon, il prépare aujourd’hui une thèse à l’université de technologie de Compiègne sur l’éthique appliquée à la robotique sociale.

Maintenant, quelques établissements – comme l’Université catholique de Lyon – présentent ce type de cursus. Créé il y a neuf ans, le master 2 Ethires de la Sorbonne est l’un des plus anciens. Son objectif : aménager des personnes qui vont « accompagner les organisations – entreprises, collectivités, ONG… – dans la prise de terme et la recherche de stratégies qui révèrent les nouvelles exigences sociétales et environnementales ».

Des formations à la réflexion

Les étudiants philosophes mènent pendant l’année scolaire des « missions entreprise » : depuis la création du master, ils ont œuvré pour l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris sur l’implication des médecins face à l’utilisation de substances illicites par des patients pour apaiser la douleur, ou avec la RATP sur le changement de la relation client. « Cela permet aux étudiants de se familiariser avec les codes et acteurs de l’entreprise. Pour les dispositions, c’est l’occasion d’être un peu bousculées dans le regard sur leurs pratiques », développe Marie Garrau, responsable de ce master.

Il est nécessaire d’établir une réforme de l’impôt sur le revenu en France

Marc de Basquiat Economiste

Pour l’économiste Marc de Basquiat, la cession de la mesure par la Finlande le certifie : l’enjeu du rétribution de base est surtout fiscal. Il regrette que l’Etat français empile des procédés sociaux compliqués et inefficaces.

Après trois années d’inquiétude médiatique, le gouvernement finlandais a éclairci qu’il ne donnera pas suite à l’application d’un prétendu « revenu de base » de 560 euros, qu’il a partagé pendant deux ans à 2 000 Finlandais tirés au sort parmi les plus désavantagés. En réalité, le dispositif testé n’avait qu’un vague cousinage avec ce que serait un véritable revenu universel : fiscal, individuel, à tous, sans condition. Refermer cette parenthèse approximative permet de reprendre l’étude de propositions plus sérieuses.

Car l’augmentation d’intérêt mondial sur la thématique du revenu universel est impressionnante. Depuis cinq ans, plusieurs articles et d’études plus ou moins fantaisistes sont diffusés chaque mois sur le sujet. En juin 2016, le monde entier observait le référendum suisse, qui proposait aux citoyens d’étudier une proposition délirante : 2 300 euros pour tous, chaque mois. La campagne présidentielle française n’y a pas fui, avec le passage d’une comète Hamon qui a semé une insuffisance massive sur son sillage.

Piège infernal

Pour les 2 000 adultes choisis en janvier 2017 parmi les sans-emploi de 25 à 58 ans, le « revenu de base » administré par KELA, la Sécurité sociale finlandaise, a modifié tout ou partie de l’allocation-chômage par une allocation d’un montant forfaitaire, 560 euros, assortie d’une promesse : vous la garderez jusqu’à fin 2018 même si vous retrouvez un travail. Normalement, certains ont estimé une prestation qui augmentait leurs ressources ou lissait des revenus irréguliers. Mais ont-ils retrouvé le chemin du travail pour autant ?

En Finlande, un euro encaissé par son travail, c’est presque autant de perdu sur ses prestations sociales

L’objectif du gouvernement finlandais était d’étudier une parade contre la désincitation massive induite par des prestations sociales très généreuses – clairement plus qu’en France. En Finlande, récupérer un travail ne paie pas. Un euro gagné par son travail, c’est presque autant de perdu sur ses prestations sociales. Un piège infernal.

Le ministre des finances, Petteri Orpo, président du Parti de la coalition nationale, a expliqué les premiers résultats de l’application, rappelant d’abord qu’il y était opposé dès l’origine. Le fait qu’il n’ait pas examiné d’encouragement à reprendre un emploi certifie son impression première. Il recommande aujourd’hui une simplification importante de la protection sociale, des allocations conditionnelles d’un niveau possiblement inférieur aux 560 euros testés et des mécanismes motivants qui auraient prendre la forme de dispositifs fiscaux.