« Maton et fier de l’être ! », un ancien gardien expose le monde pénitentiaire

Dans son œuvre, Eric Perez revient sur 30 ans de carrière dans l’administration carcérale, retraçant le lourd quotidien des deux côtés des barreaux.

Livre. « Le bras énorme du prisonnier enserre ma tête et me bâillonne sans que je puisse remuer. Allongé par terre, je sens son souffle lourd sur moi et une lame qui pose contre ma gorge. » Tels sont les premiers mots choisis par Eric Perez pour plonger le lecteur dans l’univers carcéral.

Si la violence est forte dans Maton et fier de l’être !, ce livre est avant tout le récit en toute clarté de trente années de carrière au sein de l’administration carcérale.

Admis au concours de surveillant en 1981, Eric Perez est originellement affecté aux prisons de Saint-Joseph et de Saint-Paul à Lyon, avant d’assimiler particulièrement le centre pénitentiaire de Lorient-Ploemeur, ainsi que les maisons d’arrêt de Fresnes et de Fleury-Mérogis, connues pour leurs conditions de travail et de détention notamment difficiles. D’abord surveillant, puis premier surveillant, il intégrera pendant trois ans les Equipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS), « le GIGN de la pénitentiaire ».

Au fil des pages, le lecteur entrevoit le quotidien des agents de surveillance et celui des personnes emprisonnées, entre activités, fouilles de cellules, parloirs et sanctions disciplinaires.

On conçoit vite que « c’est sur le terrain qu’on apprend ce qu’il faut sanctionner et ce qu’il vaut mieux laisser passer », quitte à s’éloigner des règles apprises à l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire. Alors récemment arrivé à son poste, il confie avoir exigé des détenus qu’ils plient leurs draps et rangent leur cellule, conformément au règlement, avant d’y abandonner définitivement.

Un mal-être qui peut mener au suicide

Malgré cela, le « respect » se rencontre aussi en prison. « Rien ne se fait sans lui ». Et pour cause, « surveillants et surveillés, tout le monde fait partie de la même chaîne : un maillon saute et c’est l’ensemble qui se défait. (…) Toute la nécessité est de trouver le bon équilibre entre fermeté et humanité ».

Rien n’est laissé de côté, le livre comparant le lecteur tant au mal-être des détenus qu’à celui des membres du personnel, un mal-être qui peut parfois les mener au suicide. L’auteur a perdu une dizaine de collègues au cours de sa carrière.

Embêté de toute cette violence et victime d’une énième agression en détention, alors qu’il est étudié au quartier des mineurs de Fleury-Mérogis en 2011, Eric Perez met un terme à sa carrière au sein de l’administration carcérale. Selon lui « la prison est devenue un volcan qui peut exploser d’une minute à l’autre pour une peccadille ». Et de noter que « la surveillance ne se limite plus au “maintien de l’ordre”, les surveillants doivent aller “au combat”, à la dispute. Non seulement ils sont obligés d’être forts mentalement, mais encore ils doivent en imposer physiquement ».

Carrefour veut annuler plus de 1 200 postes de travail dans ses hypermarchés français

Selon les syndicats, les suppressions concerneraient quelque 2 % de la masse salariale totale du groupe, d’environ 60 000 salariés.
Selon les syndicats, les suppressions concerneraient quelque 2 % de la masse salariale totale du groupe, d’environ 60 000 salariés. REGIS DUVIGNAU / REUTERS
La direction a défini les cessions de postes attendues dans la bijouterie, le rayon multimédia, l’arrière-caisse, le service de la paie, l’encadrement, des fonctions certifiées et les caisses des stations-service.

Le groupe de grande attribution Carrefour veut supprimer plus de 1 200 postes dans ses hypermarchés français en 2019, ont fait savoir, mercredi 27 mars, les syndicats du groupe. Ces départs séduiraient les secteurs hors alimentaire et se feraient sans contrainte.

Lors d’un comité central d’entreprise (CCE), la direction a défini les suppressions de postes prévues dans la bijouterie, le rayon multimédia, l’arrière-caisse, le service de la paie, l’encadrement, des fonctions officielles et les caisses des stations-service, selon les syndicats CGT et CFDT.

Ces cessions concerneraient, selon les syndicats, quelque 2 % de la masse salariale totale du groupe, d’environ 60 000 salariés. Consultée par l’Agence France-Presse, la direction de Carrefour a certifié la tenue de négociations, sans certifier ces chiffres. « Le volume le plus important des suppressions est sur l’encadrement » avec plus de 500 postes de cadres concernés, a exposé Sylvain Macé, de la CFDT-Carrefour.

 « Un coup d’épée sur la tête »

Le groupe a débuté la négociation avec les organisations syndicales un accord de rupture habituelle collective (RCC) – une première chez Carrefour – pour suivre ces suppressions de postes. La signature est escomptée d’ici l’été, selon plusieurs sources.

Issues du dernier changement du code du travail, les RCC admettent de supprimer des postes via des départs volontaires, sans justification économique. Elles sollicitent un accord signé par des syndicats représentant au moins 50 % du personnel.

« On a pris un coup d’épée sur la tête », a déclaré Gaëtan Couturier, de la CGT-Carrefour, qui sollicite le reclassement des salariés dont le poste va disparaître et refusera de signer l’accord de RCC. Comme FO, la CFDT compte collaborer à la suite des négociations, mais M. Macé ne cache pas son « inquiétude sur la notion de volontariat » dans la mesure où les postes disparaissent. Michel Enguelz, délégué syndical central FO du groupe Carrefour, veut accentuer « sur les moyens et les perspectives d’avenir » afin d’« obtenir les meilleures conditions de départ possibles pour les salariés concernés ».

En début d’année, Carrefour avait montré aux partenaires sociaux un plan de changement de ses hypermarchés passant par une indifférence progressive de l’entreprise dans les rayons non alimentaires, déficitaires.

 

Le problème délicat du temps de travail des fonctionnaires d’Etat s’exhorte dans le débat

Un exposé déclare que les agents œuvrent en moyenne plus qu’avant mais qu’un tiers d’entre eux sont en dessous de la durée légale. Une condition « qui n’a pas de raison de perdurer ».

En moyenne, les employés d’Etat travaillent plus qu’avant et au-delà de la durée légale, mais un tiers d’entre eux font moins. C’est ce qu’indique un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) remis à Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, et publié par Le Figaro le 26 mars. L’IGF, qui s’est intéressé aux « régimes dérogatoires aux 35 heures dans la fonction publique », a relevé « plusieurs cas d’incohérence et de régimes dépourvus de justifications ». Elle considère donc que, « sauf cas exceptionnels, les situations actuelles n’ont pas de raisons de perdurer et impliquent qu’il y soit mis fin ». Cela permettrait, estiment les inspecteurs, d’économiser 30 000 postes. Le gouvernement s’est engagé à supprimer 120 000 emplois de fonctionnaires d’ici à 2022, dont 50 000 dans les administrations d’Etat.

Cette question très délicate du temps de travail des fonctionnaires est approchée par le projet de loi sur la fonction publique, qui est exposé mercredi 27 mars en conseil des ministres par Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat de M. Darmanin. Mais, étrangement, les dispositions qui y sont renfermées concernent la fonction publique territoriale, non celle d’Etat. Le texte de M. Dussopt prédit un accompagnement de la durée du travail dans les collectivités locales en supprimant les régimes dérogatoires à la durée légale.

« Jours ministres »

De fait, l’IGF admet que la durée œuvrée par les agents d’Etat à temps complet s’établit à 1 712 heures, soit plus que ce qu’exige la loi – 1 607 heures par an. Cette estimation, qui porte sur la période 2013-2017, est supérieure à la précédente (2013-2014) : 1 627 heures. Les enseignants ne sont pas assimilés dans ces statistiques, mais la dernière étude officielle, datant de 2010, chiffrait à plus de 41 heures par semaine leur temps de travail effectif.

Par contre, les inspecteurs pointent le fait qu’un tiers des fonctionnaires d’Etat œuvrent moins que la durée légale. Cela indique 310 000 agents sur l’échantillon de 1,1 million d’agents (hors enseignants, militaires ou magistrats) retenu par l’IGF.

Une bonne part d’entre eux (190 000) ne font que 1 555 heures parce qu’ils jouissent de dispositifs historiques, « dont les justifications sont faibles voire inexistantes » pour 30 000 d’entre eux, tancent les inspecteurs. L’IGF évoque, par exemple, les 150 000 personnels administratifs et techniques qui travaillent dans l’enseignement. Comme les professeurs, ils profitent des vacances scolaires, mais à la différence près qu’ils n’ont ni préparation de cours ni corrections de copies à faire lorsqu’ils rentrent à la maison. L’IGF cite aussi les « jours de fractionnement », dispositif permettant aux fonctionnaires qui prennent leurs congés en hiver d’avoir des vacances supplémentaires. Or, avec les 35 heures, le mécanisme a atteint ses « limites », considèrent les inspecteurs qui proposent de le supprimer. Ils pointent pareillement les jours accordés arbitrairement dans certains ministères, comme à l’intérieur ou la culture, appelés « jours ministres ».

Conditions pénibles

Une autre partie (120 000) bénéficient de révisions horaires liées à leur fonction. Eux ne réalisent en moyenne que 1 538 heures par an. C’est le cas des fonctionnaires qui œuvrent la nuit ou dans des conditions difficiles ou dangereuses, comme les inspecteurs vétérinaires qui forment dans les abattoirs. Cela intéresse aussi des agents qui ont des contraintes spécifiques, comme les policiers, les CRS ou les surveillants de prison. L’IGF dénonce cependant au passage l’incohérence des régimes utilisés aux fonctionnaires en uniforme : les « personnels actifs de la police nationale » travaillent 1 523 heures, les militaires de la gendarmerie nationale 1 706 heures, sans que l’IGF en ait manifestement compris la justification.

Dans quelques cas, les rétractations sont compréhensibles. Dans d’autres cas, beaucoup moins, développent les inspecteurs : ils invoquent ainsi les personnels chargés de délivrer des titres dans les préfectures et les sous-préfectures. Eux n’œuvrent que 1 572 heures, et l’IGF rappelle que « l’impact de la dématérialisation des procédures recrutée au sein du ministère de l’intérieur se traduit par une diminution de fréquentation ».

Assurance-chômage : l’Unédic se demande sur des chiffres du gouvernement

 Matignon et le ministère du travail avaient montré que 20 % des demandeurs d’emploi indemnisés touchent une contribution supérieure à leur salaire mensuel moyen.

Pour enlever l’assurance-chômage, le gouvernement avait formulé le souhait de parvenir à un diagnostic distribué par tous les protagonistes du dossier. Son vœu a très peu de chances d’être exaucé, au vu – surtout– du scepticisme édité par un acteur de poids : l’Unédic. Mardi 26 mars, les responsables de cette association paritaire, qui pilote le dispositif d’indemnité des solliciteurs d’emploi, ont fait part de leurs interrogations, très fortes, sur un des éléments de langage développés par l’exécutif depuis un mois : celui résistant à dire qu’environ 20 % des chômeurs indemnisés touchent une allocation supérieure au salaire mensuel moyen avant perçu. Un peu plus de 600 000 personnes seraient dans cette situation.

Une telle allégation avait été appuyée par le chef du gouvernement, Edouard Philippe, et par la ministre du travail, Muriel Pénicaud, lors d’une conférence de presse, le 26 février. Ils avaient regretté un phénomène découlant, selon eux, des dispositions en vigueur : aux yeux de M. Philippe, « ce système a évidemment pour conséquence de maintenir les [demandeurs d’emploi] dans une forme de précarité », puisque l’alternance entre périodes de chômage compensées et contrats courts peut s’avérer plus avantageuse que la reprise d’un poste durable. « Caricature », s’était indigné Laurent Berger, le numéro un de la CFDT. Les autres centrales syndicales avaient réagi sur le même ton.

Autre approche                                                                                                                                   

Actuellement, le discours officiel suscite de gros doutes parmi les administrateurs de l’assurance-chômage, composés à égalité de représentants des salariés et des employeurs. Alors qu’elle dévoilait à la presse les prévisions financières de l’Unédic, la présidente du régime, Patricia Ferrand (CFDT), a été questionnée, mardi, sur les 20 % de chômeurs dont l’allocation serait supérieure à leurs revenus d’activité mensuels moyens : « On ne sait pas du tout comment ça a été (…) calculé », a-t-elle répondu, en appuyant sur le fait que les règles applicables posent comme principe que le demandeur d’emploi ne peut pas gagner plus que le salaire sur la base duquel sa prestation est résolue. « On aurait besoin d’un appui technique sur ce chiffre [de 20 % mentionné par l’exécutif] parce que ce n’est pas ce que l’on constate (…) dans notre position de gestion de l’assurance-chômage », a, pour sa part, déclaré Eric Le Jaouen, vice-président (Medef) de l’Unédic.

Une note secrète sur un « âge pivot » de la retraite

Suivant la direction de la recherche des ministères sociaux, le gouvernement a bien prévu un âge pivot pour encourager à travailler au-delà de 62 ans.

Qu’il est pénible, parfois, de tenir un engagement de campagne. L’exécutif a pu le doser, il y a quelques jours, avec la promesse pris par Emmanuel Macron, quand il était candidat à la présidentielle en 2017, de maintenir à 62 ans l’âge minimum pour partir à la retraite. Alors que ce paramètre est supposé ne pas transformer dans le futur système de pensions en cours de construction, plusieurs membres du gouvernement – et l’Elysée, même – ont récemment donné le sentiment de vouloir le remettre en cause, avant de se raviser, plus ou moins clairement.

Ces hésitations établissent en réalité que la question de l’âge constitue un motif d’inquiétude pour le pouvoir en place. Un motif d’inquiétude qui n’est pas nouveau, comme l’illustre une note subsistée confidentielle et que Le Monde s’est procurée. Daté du 23 mars 2018 et réalisée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), ce document de dix pages étudie la piste d’un âge pivot – qui viendrait se joindre à l’âge minimum de départ. Le but d’un tel dispositif, très sensible socialement, est d’inciter les assurés à rester en activité, au-delà de 62 ans, par le biais d’un mécanisme de décote et de surcote, qui minore ou, au contraire, améliore le niveau des pensions. Début octobre 2018, cette hypothèse avait surgi dans le débat mais à l’époque, le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, avait présenté qu’il n’était nullement question de retenir cette option. Celle-ci a en tout cas été envisagée, comme le prouve la note de la Drees.

Décote temporaire

Pratiquement, l’âge pivot peut cohabiter avec la promesse de M. Macron. Mais si la personne décide de faire valoir ses droits à 62 ans, un accablement – ou une décote – temporaire s’appose sur le montant de sa pension. A l’inverse, l’assuré qui poursuit son activité au-delà de l’âge pivot voit le niveau de sa retraite majoré (grâce à une surcote, donc).

Des mécanismes similaires présentent déjà. Dans le régime de base du secteur privé, un salarié qui veut apercevoir une retraite à taux plein doit réhabiliter d’une certaine durée d’assurance (jusqu’à 172 trimestres, soit quarante-trois ans, pour les personnes nées en 1973 et après). Il peut partir à 62 ans mais sa pension est diminuée définitivement s’il n’a pas le nombre de trimestres requis. A l’inverse, dans le cas où il reste en emploi au-delà de la durée de cotisation sollicitée, la somme de sa retraite est augmenté.

Le projet de loi pour une modernisation de la fonction publique

Le secrétaire d’Etat, Olivier Dussopt, et le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin, à l’Elysée, le 27 mars.
Le secrétaire d’Etat, Olivier Dussopt, et le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin, à l’Elysée, le 27 mars. LUDOVIC MARIN / AFP

L’ambition est d’attacher « un nouveau contrat social » avec les employés. Le ministre de l’action et des comptes publics, et Olivier Dussopt, son secrétaire d’Etat, ont présenté en conseil des ministres, mercredi 27 mars, un projet de loi visant à changer la fonction publique.

M.Dussopt a canalisé des discussions avec les neuf distributions représentatives pendant un an. Le projet reste cependant fidèle à la feuille de route fixée par le premier ministre, Edouard Philippe, en février 2018. En montrant les grandes lignes du texte, en février 2019, le secrétaire d’Etat a révoqué un excès de « normes et de lourdeurs », évoqué une « transformation profonde de la fonction publique » et tenté de déminer un éventuel conflit social : « Cette réforme n’est pas celle de la fin du statut ou de la “casse” du service public. C’est, au contraire, celle d’un statut modernisé. »

 « Les réformes abaissent le service public »

Les syndicats sont de régularité pour admettre l’abondance de la réforme, mais ils n’en font pas la même relecture que le gouvernement. « Non, ces réformes ne sont pas portées par la volonté d’un meilleur service public, mais bien par des principes de coupes financières, dénoncent-ils dans un communiqué, mercredi 27 mars. Les réformes dégradent le service public, loin des promesses de “modernisation”. » Sept d’entre elles ont demandé aux fonctionnaires d’organiser des masses mercredi. Elles appellent à une journée de mobilisation et de grève le 9 mai.

Que contient le projet de loi ? L’un des points plaisants est la réforme des instances de dialogue social. « Est-on véritablement efficace quand on a aujourd’hui 22 000 instances de dialogue dans la fonction publique ? », avait consulté Edouard Philippe, en février 2018. Pour l’exécutif, la réponse est manifestement non. Après le conseil des ministres, mercredi, Gérald Darmanin a précisé que « la moitié » de ces instances expirerait et évoqué « une sorte de pendant des ordonnances travail pour le public ». Les missions des commissions administratives paritaires, qui se prononcent aujourd’hui sur toutes les décisions individuelles concernant la carrière des fonctionnaires, seront modifiées : elles deviendront une instance de recours, sauf en matière disciplinaire. Le gouvernement regrette que les mutations connaissent parfois aujourd’hui « un délai de huit à quatorze mois ». De même, les comités techniques (CT) et les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) accorderont. Pour les syndicats, c’est un casus belli.

Autre terrain plaisante que le gouvernement s’apprête à fouler : le recours accru aux contractuels, un agent sur cinq aujourd’hui. Mercredi, Gérald Darmanin a parlé de « généralisation du contrat, qui n’est pas la fin du statut, mais qui peut être une alternative au statut ». Les administrations pourront recruter plus de contractuels et ceux-ci pourront même dorénavant occuper des postes de directeurs. Un « contrat de projet », à durée déterminée, sera créé pour des missions spécifiques. Le gouvernement s’engage en contrepartie à progresser la situation des contractuels, et particulièrement les plus aléatoires.

Par ailleurs, le projet de loi prédit des mesures pour assister les mobilités de fonctionnaires entre fonctions publiques et vers l’extérieur. Mercredi, Gérald Darmanin a de nouveau remémoré un « plan de départ volontaire », expression qui avait fait polémique il y a un an, alors que son secrétaire d’Etat s’échine à préciser qu’il n’y aurait pas un plan global, mais certains plans de départ. Le complément des agents dont l’emploi est supprimé sera renforcé. Le dispositif comprend « un accompagnement défini » et la création d’« un congé de transition professionnelle ». Le projet évoque particulièrement la résignation des fonctionnaires dans le cas où des missions seraient confiées au privé. Une rupture conventionnelle sera éprouvée pour les contractuels. « Nous allons favoriser les départs volontaires vers le privé, a présenté M. Dussopt, mercredi, avec des dispositifs qui existent en droit commun et que nous allons renforcer. » Ces dispositions doivent particulièrement assister le gouvernement à tenir la promesse d’Emmanuel Macron d’annuler 120 000 postes sur la durée du quinquennat.

Résultats professionnels

Autre chantier, la rétribution au mérite. Le texte prévoit que le salaire des contractuels pourra être fixé en tenant compte de leurs résultats professionnels mais aussi de ceux de leur service. Le sujet est malgré cela moins détaillé qu’annoncé. Le sujet devrait être approfondi dans le cadre de la réforme des retraites. C’est ce que convoitaient les syndicats.

Le texte rappelle, en outre, que le temps de travail annuel nécessaire est de 1 607 heures et que, par conséquent, tous les accords dérogatoires qui ont été adoptés, particulièrement dans les collectivités locales, doivent être révisés.

De même, un « volet déontologie » envisage de consolider l’examen de potentiels conflits d’intérêts lorsqu’un fonctionnaire rejoint dans le secteur public après un procédé dans le privé.

Le projet de loi met aussi en musique une partie des mesures de l’accord sur l’égalité femmes-hommes dans la fonction publique, parafé en novembre entre M. Dussopt et une partie des syndicats. Il s’agit entre autres de la convalescence du jour de manque pour les femmes enceintes mais aussi d’imposer aux administrations l’élaboration d’un plan d’action, ou encore de conserver les droits à amélioration lors d’un congé parental.

 

Récent sursis d’un mois pour l’usine Ascoval, en espérance de relance

Des salariés d’Ascoval devant l’aciérie de Saint-Saulve, près de Valenciennes, le 19 décembre 2018.
Des salariés d’Ascoval devant l’aciérie de Saint-Saulve, près de Valenciennes, le 19 décembre 2018. FRANÇOIS LO PRESTI / AFP
L’annonce de trois acheteurs potentiels pour l’usine de Saint-Saulve a séduit la justice de permettre un sursis jusqu’au 24 avril.

Le tribunal de grande instance de Strasbourg a agréé, mercredi 27 mars, un nouveau sursis à l’aciérie Ascoval à Saint-Saulve après trois récentes offres de reprise et deux marques d’intérêt dans ce dossier aux multiples effets.

Un mois après la cession du groupe franco-belge Altifort, qui a fait l’effet d’une douche froide, les 281 salariés du site étaient suspendus à cette nouvelle solution de justice, dans ce feuilleton évolué un marqueur de la politique industrielle du mandat Macron.

Lundi, trois offres de reprise et deux marques d’intérêt ont été placées auprès des organes chargés de l’action, encore assorties à ce stade de conditions suspensives. Deux d’entre elles sont jugées spécialement crédibles : celles du sidérurgiste britannique British Steel et du spécialiste italien des aciers spéciaux Calvi Networks, qui envisagent la reprise totale de l’activité et du personnel. L’usine est maintenant en sous-activité, depuis vendredi et jusqu’au 15 avril, toutes les commandes ayant été honorées.

Ces projets « sont cohérents, il va actuellement falloir qu’ils soient présentés au tribunal de façon complète, autant en termes commercial, industriel que financier », assure à l’Agence France-Presse (AFP) Nacim Bardi, délégué syndical CGT, qui définit que le personnel doit rencontrer prochainement ces repreneurs potentiels.

Ascoval : Plus qu’une aciérie, une « famille de sang et de cœur »

Des « gens très sérieux »

Une troisième offre, placée par le fonds SecuFund Industry et portée par l’ancien patron d’Ascometal Frank Supplisson, prévoit une reprise partielle des salariés et un changement de l’activité. Les marques d’intérêt ont été énoncées par des lettres d’intention de l’industriel régional Pascal Cochez et d’un groupe hollandais souhaitant disposer de plus de temps pour étudier le dossier.

Lundi, la secrétaire d’Etat à l’économie, Agnès Pannier-Runacher, s’est ravie de voir des « gens très sérieux » porter ces projets de reprise, « un beau signal pour les salariés et les familles qui sont derrière ». « Mais ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! », a-t-elle prévenu.

L’usine de Saint-Saulve, devenue Ascoval en 2017, attend un repreneur depuis la vente judiciaire, en février 2018, du groupe Asco Industries, auquel le métallurgiste Vallourec avait cédé 60 % de l’usine, tout en conservant 40 % des engagements de commandes. A la mi-décembre, le tribunal de Strasbourg avait mis fin à un long suspense en validant la reprise de l’usine par Altifort. Mais, à la surprise générale, le projet a échoué en février, le groupe franco-belge n’ayant pas réussi à réunir les 35 millions d’euros qu’il s’était escompté à apporter. Le tribunal de Strasbourg avait alors agréé un nouveau sursis d’un mois à l’aciérie, qui vient d’être renouvelé, mercredi 27 mars. Tout en saluant « l’attitude très responsable du personnel de l’aciérie », Bercy garantit :

« L’intérêt porté à l’usine d’Ascoval, quelques semaines seulement après l’échec du projet d’Altifort, réaffirme la qualité et l’intérêt de cette usine. »

« L’ambiance était lourde » ces ultimes semaines mais « ce qui est encourageant, c’est que notre dossier intéresse les industriels. C’est un nouvel espoir », affirme un salarié proche de la direction à l’AFP. « Les salariés sont fatigués. On est tous à bout », communique pour sa part Nicolas Lethellier, délégué CGT. « On a envie que ça se termine, cette condition dure depuis trop longtemps. »

 

 

« Procrastiner ou précrastiner cultivent l’obscure »

« Environ 20 % des adultes – mais 80% à 95 % des étudiants – sont quotidiennement victimes de procrastination. »
« Environ 20 % des adultes – mais 80% à 95 % des étudiants – sont quotidiennement victimes de procrastination. » Ingram / Photononstop

Entre savoir restituer à demain ce que l’on nécessiterait faire le jour même et agir spontanément sans réfléchir en avance, des deux maux, aucun n’est le moindre.

« De deux maux, il faut choisir le moindre », dit le proverbe. Mais entre procrastiner, à savoir rétablir à demain ce que l’on devrait faire le jour même, et précrastiner, c’est-à-dire agir naturellement sans réfléchir en avance, lequel est le moindre ? Aucun des deux, certes, l’objectif étant de choisir le timing idéal. Mais la question est d’importance vu la tendance humaine graduelle à ces deux travers, dont les suites sont fâcheuses, à tous points de vue : généreusement et économiquement. A tel point qu’une journée, le 25 mars, est aussitôt qualifiée de Journée mondiale de la prorogation.

Environ 20 % des adultes – mais 80% à 95 % des étudiants – sont chaque jour victimes de ce mal, selon Piers Steel, psychologue à l’université de Calgary. Ces taux marcheraient croissant, tant les occasions d’inattention se multiplient. La faute aux réseaux sociaux, et autres commodités de distraction offertes par les outils numériques.

Ces mêmes outils affermiraient en conséquence cette tendance naturelle à la précrastination, identifiée en 2014 par David Rosenbaum, chercheur en psychologie de l’université de Pennsylvanie. Pour Sylvaine Pascual, coach consultée par le magazine Psychologies, ces « troubles de l’organisation » sont deux réflexes à un même problème : celui de devoir réaliser un travail inquiétant ou désagréable. Dans un cas, on le repousse à plus tard. Dans l’autre, on l’expédie pour calmer sa peine.

Le mal serait améliorable

Comment soigner à ces travers, et agir en temps et en heure ?

En scientifique, Piers Steel a mis l’ajournement en équation. Elle serait réciproquement relative à la confiance en soi et au plaisir d’accomplir le travail qui nous attend, et en revanche proportionnelle à la durée qui nous sépare de l’échéance – deadline – et à notre tendance particulière à nous laisser distraire. Intéressant, mais guère pragmatique. D’autant qu’entièrement, il a aussi été prouvé qu’il existerait une propension génétique à la procrastination.

Fort favorablement, le mal serait soignable, en raison de la plasticité de notre cerveau. Grâce… à la méditation. Paradoxalement, alors que méditer démotive, méditer incite à agir, quitte à se débarrasser vite du travail à faire. Le phénomène aurait été prouvé par des neuroscientifiques, nous explique Lucie Pascutto, sophrologue, spécialiste de la pleine intuition et PDG de Mindful Attitude, organisme de formation à la méditation.

 

 

« Je comprends enfin l’économie » : quand des experts étudient avec plus de clarté

« Je comprends enfin l’économie. 25 questions qui font l’actu par les économistes nouvelle génération ». Dunod, 192 pages, 12,90 euros.
« Je comprends enfin l’économie. 25 questions qui font l’actu par les économistes nouvelle génération ». Dunod, 192 pages, 12,90 euros. DR

En vingt-sept ans, le Fond Monétaire International  et son millier d’économistes ont attendu uniquement un recul sur cinq. A chaque erreur, les économistes sont critiqués. Injustice ou nécessité de davantage de pédagogie ?, questionnent les auteurs de « Je comprends enfin l’économie ».

Omniprésents dans notre vie, les instruments économiques captivent, de temps à autre rebutent, mais ne laissent jamais insensibles. Un Français sur trois malgré cela ne connaît ni le niveau de richesse ni celui d’endettement de la France. Les économistes se heurtent très souvent à cette inexpérience des limites des sciences économiques : en vingt-sept ans, le Fonds monétaire international (FMI) et son millier d’économistes ont prévu uniquement un recul sur cinq. A chaque erreur les économistes sont décriés. Inquiétude ou besoin de davantage de pédagogie ?

« A la décharge de ceux qui découvrent l’économie floue et précieuse, elle est souvent difficile à capturer en raison d’un grand nombre d’idées reçues et d’un surplus d’informations qui mélangent les pistes. Et c’est là que les économistes se doivent de participer. Pas à coups de jargons, de chiffres hors de portée du grand public, ou encore moins à coups de partis pris. Leur intervention doit se baser sur la illumination et la pédagogie », évaluent les membres de BSI Economics, un think tank créé dans cette optique. Structure indépendante et apolitique, il réunit une nouvelle génération d’économistes spécialisés sur des sujets variés, qui ont tous à cœur de développer les mécanismes économiques et financiers.

Leur composition, Je comprends enfin l’économie (Dunod), traite les notions d’accroissement, de crise, de finance, d’emploi, d’ouvrage ou encore de dette publique, à travers vingt-cinq questions qui font l’actualité. Les banques ne prêtent-elles qu’au CAC 40 ? L’estimation est-elle néfaste pour l’économie ? Les fonds de placement sont-ils tous des vautours ?

Faut-il établir un revenu universel ? La dette publique doit-elle être contrôlée ? La guerre commerciale mondiale va-t-elle avoir lieu ?

Science non certaine

Les questions sont rassemblées en trois parties : une première sur le monde de la finance, une deuxième sur les questions de société et une dernière sur des sujets économiques plus habituels. Les auteurs se tentent de répondre à ces questions de façon pragmatique, en confrontant les grandes théories économiques, les références sérieuses et les données chiffrées disponibles.

Objectif : concevoir enfin l’économie sans trop proposer sur l’autel de la simplification. « Si les économistes pouvaient parvenir à ce qu’on les examine comme des gens humbles, compétents, sur le même pied que les dentistes, ce serait merveilleux », écrivait l’économiste britannique John Maynard Keynes dans ses Essais sur la monnaie et l’Economie.

Quand la rivalité vient de l’intérieur de l’entreprise

« Reste que les salariés également autoentrepreneurs disposent d’un atout de poids : leur structure personnelle, plus légère, leur permet de pratiquer des tarifs souvent bien plus doux. »
« Reste que les salariés également autoentrepreneurs disposent d’un atout de poids : leur structure personnelle, plus légère, leur permet de pratiquer des tarifs souvent bien plus doux. » Chris Ryan/Ojo Images / Photononstop

En conduisant une « double vie professionnelle », des salariés négligent la loyauté due à leur patron. Un phénomène qui concerne aussi bien la sphère publique que privée et qui prend de plus en plus d’ampleur.

Dans le monde de l’entreprise, certains ont fait de la « perruque » une grande spécialité. Point de postiches ici, mais la volonté de former une double vie professionnelle. Le terme indique alors l’utilisation de son temps de travail ou des outils de l’organisation pour accomplir des travaux qui ne coïncident pas à ceux pour lesquels on est payé. Ces collaborateurs adoptent en indépendant, et régulièrement en secret, une activité souvent similaire à celle exercée dans leur propre entreprise.

Un rapport de la Cour des comptes édité en février annonce cette pratique au sein du Mobilier national, citant en exemple le « cas emblématique » d’un agent exécutant à l’atelier de recherche et de création, chargé d’accomplir des meubles à la pointe de l’innovation. Problème : selon les « Pages jaunes », il exerce pareillement en libéral du lundi au samedi, de 9 heures à 21 heures 30. Une sanction disciplinaire a été formulée en 2015, particulièrement pour les perturbations qu’il provoquait dans l’atelier où il passait durant ses horaires de travail.

« Remède à l’ennui »

Dans la sphère officielle comme particulière, de telles conditions, peu fréquentes, ont toutefois pu prendre de l’ampleur ces dernières années, à la faveur du développement du régime d’autoentrepreneur. « Il rend plus facile la pluriactivité et, par extension, sa dissimulation », résume Stéphane Bellini, enseignant-chercheur à l’IAE de Poitiers. En créant en quelques minutes sa microentreprise, il devient possible de développer un complément de revenu, de préparer progressivement son départ de la société qui nous salarie, ou d’apercevoir un… « remède à l’ennui ».

« Parmi ceux qui développent une activité parallèle, il y a des cadres qui ont passé l’âge de 40 ans et sont sous-utilisés dans leur entreprise », développe un cadre du service RH d’un grand groupe. Formant dans son domaine d’expertise, le cumulard peut s’apercevoir en concurrence avec sa propre entreprise. Bertrand (le prénom a été modifié) a ainsi œuvré durant plusieurs années dans une agence de communication spécialisée dans l’industrie automobile.

Un client de son entreprise lui a offert d’animer des sessions de « média training » (entraînement à la communication dans les médias), alors même que ce type d’apports était proposé par son agence. « Je souhaitais partir et, même si je n’étais pas très à l’aise avec une telle pratique, j’ai déterminé de saisir toutes les opportunités qui m’étaient offertes. »