Une bouffée d’oxygène. Quand le télétravail est entrée dans les mœurs, durant la pandémie de Covid-19, Thibault (le prénom a été modifié), 46 ans, a trouvé un meilleur équilibre entre ses vies professionnelles et personnelles. « Cela m’a permis de voir mes enfants se lever le matin et de les coucher le soir, ce qui fait une grande différence. Et le poids de la gestion des enfants ne reposait plus uniquement sur ma femme. Si je n’ai pas le télétravail, ma vie est complètement dédiée à mon entreprise du matin au soir, transport inclus », raconte ce salarié de la Société générale (SG). Le 27 juin, il est de ceux qui, comme beaucoup, se sont mis en grève pour contester l’annonce d’une réduction du télétravail dans la banque. Jeudi 3 juillet, comme tous les salariés, il était appelé par les syndicats à venir « sur site » en arborant un ruban vert, pour manifester sa détermination.
Quarante-huit heures auparavant, mardi 1er juillet, c’était chez Trax, l’entité audiovisuelle de Free, qu’un mouvement social était lancé contre des mesures restreignant le télétravail. « Cela va avoir un gros impact sur ma vie, cela fait plus de cinq ans que j’ai organisé mon quotidien avec », témoigne un développeur, qui a souhaité garder l’anonymat.
Il vous reste 83.32% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
La devanture d’un fleuriste, à Paris, le 24 décembre 2020. STEPHANE DE SAKUTIN/AFP
Le Sénat a adopté, jeudi 3 juillet, une proposition de loi pour autoriser certains établissements, comme les boulangeries et les fleuristes, à faire travailler leurs salariés le 1er-Mai, Journée internationale des travailleurs, fériée et chômée en France. Dans un hémicycle dominé par une alliance entre la droite et les centristes, la proposition de loi portée par le patron de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) Hervé Marseille et sa collègue Annick Billon a été adoptée en première lecture à 228 voix contre 112. Le texte est transmis à l’Assemblée nationale.
L’initiative, soutenue par le gouvernement et fustigée par la gauche et les syndicats, vise à étendre le périmètre des commerces bénéficiant d’une dérogation pour faire travailler leurs salariés, s’ils sont volontaires, pendant la fête du travail. Il pourrait ainsi s’appliquer, en plus des activités déjà concernées (hôpitaux, transports…), aux « commerces de bouche de proximité » (boulangeries, pâtisseries, boucheries… ), aux activités répondant à un « usage traditionnel propre au 1er-Mai », comme les fleuristes, ou encore aux établissements exerçant « une activité culturelle » comme les cinémas et les théâtres.
Le point de départ de la discussion remonte à la fin du mois d’avril, lorsque certains boulangers avaient dénoncé les contrôles inédits menés ces dernières années par l’inspection du travail auprès de plusieurs artisans. Car si eux sont autorisés à travailler, ils ont été épinglés pour avoir fait travailler leurs salariés durant cette journée fériée et chômée.
Ces chefs d’entreprise pointent une législation très floue, qui permet certes des exceptions, mais seulement dans les établissements qui « ne peuvent interrompre le travail », comme les transports, la sécurité ou les hôpitaux… C’est pour clarifier cette disposition que les sénateurs centristes, appuyés par le gouvernement, ont souhaité agir par la loi.
Cette proposition de loi « ne remet pas en cause l’existant », mais vient « combler une faille juridique, une insécurité qui pénalise des commerçants, des salariés, des territoires et certains de nos concitoyens », a insisté la ministre du travail Catherine Vautrin, qui soutient « pleinement » l’initiative.
Accusation de « Détricoter petit à petit le principe du 1er-Mai chômé »
Le texte centriste visait initialement à permettre aux établissements déjà autorisés à ouvrir le dimanche de pouvoir le faire le 1er-Mai. Mais dans sa version votée jeudi, il a été remanié et définit désormais précisément le périmètre des commerces bénéficiant d’une dérogation spécifique pour la fête du travail.
La mesure a offusqué l’ensemble des groupes de gauche au Sénat, qui ont échoué à faire adopter une motion de rejet du texte. La communiste Cathy Apourceau-Poly a accusé la majorité sénatoriale et le gouvernement de « détricoter petit à petit le principe du 1er-Mai chômé de manière à justifier demain sa remise en cause totale », estimant que ce texte impactera « 1,5 million de salariés ». « Votre objectif final est de voler un jour de congé aux salariés, car vous trouvez qu’ils ne travaillent pas suffisamment », a-t-elle déclaré durant les débats.
« Il va falloir nous expliquer en quoi le 1er-Mai, on ne peut pas se passer d’aller dans une charcuterie acheter du pâté, ou dans une boulangerie où l’artisan aura mobilisé sa horde de salariés », a pour sa part lancé la socialiste Monique Lubin.
« Pendant 40 ans, vous avez acheté du pain le 1er-Mai, vous avez acheté du muguet le 1er-Mai, sans que cela ne vous pose aucun problème », lui a rétorqué Annick Billon, dénonçant une attitude « caricaturale » de la gauche.
Si le patronat soutient cette modification juridique, les syndicats opposent eux une fin de non-recevoir en bloc : dans un communiqué intersyndical publié mardi, ils ont appelé les sénateurs à s’opposer au texte. « Remettre en cause le principe de cette journée, c’est remettre en cause 100 ans d’histoire de lutte sociale », écrivent ainsi CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires et la FSU.
Des travailleurs sur le chantier de la station Villejuif-Gustave-Roussy de la ligne 14 du métro, le 18 janvier 2025. VALENTINE CHAPUIS / AFP
La société Eiffage a été condamnée, jeudi 3 juillet, par le tribunal de Bobigny à 200 000 euros d’amende pour avoir involontairement causé la mort d’un chauffeur de camion sur un chantier du Grand Paris Express en 2023.
Le 7 mars 2023 à 7 h 16, Franck Michel vient d’effectuer sa livraison sur le chantier de la gare du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) de la future ligne 16 du Grand Paris Express. Il replace la bâche latérale de son camion quand il est percuté à la tête par un colis de plus d’une tonne tombé d’un chariot élévateur.
Eiffage Génie Civil a comparu en juin à Bobigny en tant que personne morale, au côté d’un conducteur des travaux, pour cet accident du travail, l’un des cinq mortels recensés sur le colossal chantier des nouvelles lignes de métro automatique en banlieue parisienne.
Le tribunal a relaxé le conducteur de travaux du chef d’homicide involontaire, au motif qu’il n’avait pas commis de faute « caractérisée ou délibérée ». Le responsable n’était pas présent sur les lieux au moment du drame, mais en chemin vers la gare. Les juges ont, en revanche, estimé qu’en commettant une « faute simple », à savoir en ne transmettant pas le protocole de sécurité, il avait engagé « la responsabilité de la personne morale », son employeur, Eiffage.
Le parquet avait requis une peine d’amende de 300 000 euros contre Eiffage, en récidive, car déjà condamnée pour un autre homicide involontaire, et neuf mois de prison avec sursis, et 20 000 euros d’amende contre le conducteur des travaux.
A l’audience du 5 juin, l’entreprise essuie la colère d’une sœur de la victime : un groupe de BTP qui « brasse des milliards » devrait être « nickel » sur la sécurité, assène Karine Michel. « Je sais que vous ne vous êtes pas levés le matin en vous disant on va tuer quelqu’un (…) mais par vos manquements de sécurité, vous l’avez quand même tué », leur lance-t-elle.
Un comportement « disruptif »
La défense d’Eiffage avait fustigé le chef de chantier, absent du procès, le présentant comme l’« auteur direct de l’accident » en lui imputant un comportement « disruptif ». Elle avait insisté sur le fait qu’au lieu de faire décharger le camion à l’aide d’une grue, le chef de chantier s’était mis lui-même au volant d’un chariot élévateur – sans avoir suivi la formation adéquate – dont les fourches avaient été rallongées avec des poutrelles inadaptées, appartenant à un prestataire.
Newsletter
« La revue du Monde »
Chaque week-end, la rédaction sélectionne les articles de la semaine qu’il ne fallait pas manquer
S’inscrire
Les chantiers du Grand Paris Express sont concernés par d’autres accidents mortels ainsi que par d’autres procès à l’encontre d’entreprises privées travaillant pour le projet. Les dirigeants d’une société sous-traitante ont été condamnés en mai à Bobigny à des peines allant jusqu’à deux ans de prison avec sursis pour la mort de l’ouvrier Joao Baptista Fernandes Miranda. En janvier 2022, ce salarié d’Eiffage avait été tué par la chute d’une plaque en acier sur le chantier de la future gare majeure de Saint-Denis-Pleyel.
Entre 2020 et 2023, l’inspection du travail a répertorié 18 accidents graves sur les chantiers du Grand Paris Express et le décès de Franck Michel est le quatrième accident mortel de ces travaux colossaux lancés en 2016.
Lors d’un « hackathon » organisé au ministère de la fonction publique en marge de la présentation de la stratégie gouvernementale pour l’IA dans le secteur public, à Paris, le 6 février 2025. LUDOVIC MARIN/AFP
De France Travail à la Caisse d’allocations familiales, en passant par l’éducation nationale ou les collectivités locales, l’intelligence artificielle (IA) est déjà très intégrée aux différents secteurs de l’action publique. Lutte contre la fraude, orientation des usagers, recrutement, agents conversationnels, les usages se multiplient. Et les transformations vont encore s’amplifier à l’avenir.
C’est pour cette raison que le centre de réflexion Le Sens du service public publie un rapport, jeudi 3 juillet, en partenariat avec la Fondation Jean Jaurès, intitulé « Le service public à l’épreuve de l’intelligence artificielle ». Alors que la fonction publique est déjà confrontée au développement et aux expérimentations de l’IA, le document appelle à la création d’un cadre politique clair pour que le sujet ne soit pas seulement appréhendé d’une manière technique et technologique.
« On voit bien que l’IA se développe de manière effrénée dans toutes les organisations,explique Johan Theuret, cofondateur du Sens du service public et coordinateur du rapport. L’objectif était d’essayer de voir s’il est possible de définir un mode de développement de l’IA qui soit respectueux des principes fondamentaux des services publics. » Souveraineté, soutenabilité écologique, respect de la démocratie… Autant d’enjeux qui réclament une vraie politique publique et une vision stratégique de long terme.
Il vous reste 74.74% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Le professeur en sciences de gestion Lionel Honoré, codirecteur de l’ouvrage Le Management désenchanté. Erreurs, échecs et bullshit en management (EMS, 288 pages, 25 euros), dénonce « la diffusion d’un culte de l’individu » au sein de l’entreprise, valorisant le « manageur sachant » et niant l’expertise des collectifs de travail.
Votre ouvrage prend appui sur différentes études menées dans des secteurs d’activité variés. Que disent-elles du désenchantement du management ?
Prenons l’exemple du secteur médico-social. On y observe très clairement une dissonance, qui tend à s’accentuer, entre les discours et la brutalité de la réalité. Le travail y est considéré comme un objet noble, tourné vers les autres, dans des organisations où se multiplient les injonctions à un management collaboratif, participatif, bienveillant.
Mais, dans le même temps, on voit se déployer des outils de gestion de plus en plus brutaux, justement, qui confrontent les acteurs du secteur à une logique de tableaux de bord et de KPI, indicateurs-clés de performance. En conséquence, le management ne s’intéresse pas réellement au travail, à l’activité elle-même, mais bien davantage à la manière dont on peut, à partir de ce même travail, satisfaire des objectifs venant « d’en haut ».
Vous soulignez que, derrière les discours appelant à la bienveillance, c’est en réalité un management « autoritaire » qui s’impose.
Ce retour du management autoritaire est en effet une problématique fondamentale des organisations modernes. C’est un management qui explique comment le travail doit être réalisé, ce que doivent être ses objectifs… Il prétend savoir mieux que ceux qui « font », alors qu’il est en réalité de plus en plus « à distance », s’appuyant avant tout non sur une fine connaissance du terrain, mais sur des outils de gestion qui l’en éloignent.
Qu’est-ce qui sous-tend de telles évolutions ?
Il y a, bien sûr, la financiarisation de l’économie, qui se traduit par une tendance à la « gestionnite » : la mise en coupe réglée du travail par des outils de gestion s’appuyant sur des objectifs financiers déconnectés de la réalité du terrain.
Il vous reste 54.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Pour être supportable, la vie de bureau exige un minimum de créativité conversationnelle. Quand vous rentrez dans un ascenseur, il faut être capable de rebondir sur un petit détail pour briser la glace et huiler la mécanique des rapports sociaux. En période de canicule, cette mécanique est réduite à sa plus simple expression. Accablés par les températures, on se regarde d’un air liquéfié : « Fait chaud, non ?! » Ben ouais, fait chaud.
Comme l’a expliqué le sociologue américain Erving Goffman (1922-1982), nos comportements se déploient dans un enchâssement de cadres naturels et sociaux. Pour être en mesure de tenir une conversation d’open space potable, il faut que nos variables vitales soient en état de fonctionner, et c’est pour cette raison que les phénomènes climatiques n’induisent pas tous les mêmes discours.
Le froid est piquant et permet tout un tas de variations. Il fait naître la perspective de contre-mesures – un chocolat fumant, la ressortie de sa plus belle doudoune sans manches – qui sont autant d’occasions de partager un bon mot. La chaleur, elle, annihile toute velléité de créativité dialogique et nous fait toucher du doigt l’inhabitabilité de notre monde. Il n’y a plus de glace à briser (tout a fondu). On perçoit, dans le « fait chaud », un mélange curieux de dépit et de redécouverte, qui traduit l’ampleur de notre déni climatique. Le réchauffement, on le met sous le tapis pendant l’hiver, on part en avion se revigorer aux antipodes, en espérant slalomer au mieux entre les pics de chaleur l’été venu. Mais une fois que le « fait chaud » est là, c’est notre « devenir-cadavre » et celui de nos enfants qui nous saute à la figure.
Dans ce climat (suffocant), on tente néanmoins de positiver. L’avantage du « fait chaud », pourrait-on penser de prime abord, c’est qu’il traduit un unanimisme des ressentis. On aurait tous identiquement chaud, on serait enfin tous d’accord. Il n’y a rien de plus faux. Comme beaucoup de choses en entreprise, la température est l’objet d’une bataille concrète et symbolique, voire d’une forme d’appropriation. Le « fait chaud » s’est ainsi doublé d’un discours parallèle de la part des mecs se plaignant de ne pas pouvoir porter de short (j’en sais quelque chose, j’ai fait un article-manifeste à ce propos il y a quinze jours).
Il vous reste 38.5% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Un livreur pour Deliveroo, à Nice, le 25 octobre 2022. ERIC GAILLARD / REUTERS
La plateforme britannique de livraison de repas Deliveroo a été condamnée mercredi 2 juillet par la cour d’appel de Paris pour travail dissimulé concernant neuf de ses livreurs, selon plusieurs arrêts consultés par l’Agence France-Presse (AFP), alors que la plateforme avait déjà été mise à l’amende en 2022. Ces employés ont exercé leur activité en France pour l’entreprise britannique entre 2017 et 2022 avant que cette dernière mette fin au contrat de prestation qui les liait.
La cour d’appel de Paris a notamment condamné l’entreprise à réintégrer un livreur qui avait été licencié en 2020 pour « discrimination liée à des raisons de santé », et elle a aussi ordonné le versement à ce livreur de 93 000 euros au titre des salaires impayés. « C’est le premier cas de réintégration » d’un coursier licencié pour raisons de santé, a souligné l’avocat, Kevin Mention, qui le représente ainsi que huit autres livreurs.
Selon la cour, il a aussi été démontré que « Deliveroo leur impose une tenue, une zone géographique, une procédure à respecter et des possibilités de connexion [à l’application] à certaines périodes », ce qui prouve la subordination.
« Preuves de subordination »
« La cour s’est attachée aux pièces individuelles de chaque coursier et a montré des preuves de subordination dans chaque dossier », s’est félicité M. Mention. Plusieurs d’entre eux vont toucher plus de 100 000 euros, « cela montre à quel point ils [Deliveroo] fraudaient », pointe l’avocat. « Depuis 2020, on n’a plus eu une seule décision qui n’acte pas un travail dissimulé » concernant l’entreprise, a-t-il ajouté.
Deliveroo, qui est en passe d’être racheté par l’américain DoorDash, répond que son modèle a, depuis, évolué. « Le modèle opérationnel de Deliveroo a profondément changé et a été reconnu par les pouvoirs publics comme reposant sur une collaboration avec de véritables prestataires indépendants », a réagi Deliveroo auprès de l’AFP mercredi.
Très contesté, le statut d’indépendant des chauffeurs Uber ou coursiers Deliveroo est remis en cause dans de nombreux pays. En 2022, le tribunal de Paris avait infligé une amende de 375 000 euros à Deliveroo, le maximum prévu, lors du premier procès pénal en France de « l’ubérisation », avec comme enjeu le véritable statut de ces livreurs.
Une boutique Comptoir des Cotonniers à Paris, en octobre 2010. ETIENNE LAURENT/AFP
Les marques de prêt-à-porter Princesse Tam-Tam et Comptoir des cotonniers ont été placées mardi 1er juillet en redressement judiciaire par le tribunal des activités économiques de Paris, a appris l’Agence France-Presse (AFP) d’une source proche du dossier, mercredi 2 juillet.
Ces enseignes, spécialisées respectivement dans la lingerie et les vêtements pour femmes, en avaient formulé la demande en raison de « la poursuite de la détérioration financière » de leurs comptes, « dans un contexte de marché qui ne s’est pas amélioré », avait communiqué une source à l’AFP fin juin.
Les deux marques appartiennent au groupe Fast Retailing France, filiale du géant japonais du même nom dont l’enseigne phare est Uniqlo. Le groupe avait déjà annoncé en juin 2023 envisager la fermeture de 55 magasins de Comptoir des Cotonniers et Princesse Tam-Tam sur 136 en France, ainsi que la suppression de 304 postes pour ces deux marques.
L’objectif du plan était de « continuer à adapter Fast Retailing France aux évolutions du marché de l’habillement et d’endiguer les graves difficultés rencontrées par la société et ses filiales afin d’assurer leur pérennité », selon le groupe.
Concurrence de l’« ultrafast-fashion » et de la seconde main
Comptoir des cotonniers et Princesse Tam-Tam n’ont pas résisté à la crise qui frappe les enseignes de prêt-à-porter du milieu de gamme, concurrencées par l’essor de l’« ultrafast-fashion » et de la seconde main.
Auparavant, une partie d’entre elles avait déjà subi la pandémie de Covid, qui avait mis à l’arrêt l’activité économique, puis l’inflation, la hausse des coûts de l’énergie, des matières premières, des loyers et des salaires. Cette suite de difficultés a mis à rude épreuve ces commerces bien connus des centres-villes et des zones commerciales.
Camaïeu, Kookaï, Burton of London, Gap France, André, San Marina, Kaporal, Jennyfer, Du pareil au même, Sergent Major, Esprit, C & A, Naf Naf, IKKS : aucune de ces enseignes n’en est sortie indemne. Certaines ont fermé des magasins et licencié des employés, d’autres ont demandé un placement en redressement judiciaire, certaines, enfin, ont dû se résoudre à être liquidées.
Des ouvriers des travaux publics équipés de protège-nuque pour éviter les coups de soleil, sur le chantier de construction de la ligne 5 de tramway, à Montpellier, le 27 juin 2025. SANDRA MEHL POUR « LE MONDE »
La chaleur, ce sont peut-être les couvreurs qui en parlent le mieux. « Ces derniers jours, sur le toit, tout est chaud, tout vous brûle : le marteau que vous manipulez, les tuiles que tel un plat sorti du four vous essayez de garder le moins longtemps possible dans vos mains, l’échafaudage auquel vous vous agrippez, la toiture elle-même. Quand vous y posez le genou, c’est à peine si on n’entend pas le bruit du grill ! » s’amuse Barthélémy Bach, charpentier-couvreur à Bergerac, une commune de Dordogne en vigilance orange et jaune depuis le début de la semaine. Cogérant d’une entreprise de quatre personnes, ils ont décidé en équipe d’aménager leurs horaires de travail et commencer à l’aube : 6 heures-14 heures, avec une pause sandwich de quinze minutes à 10 heures. L’un de ses salariés a tout de même dû partir plus tôt lundi, car il se sentait mal.
Le Monde l’a contacté après qu’il a répondu à un appel à témoignages. Vendeurs du petit commerce, cuisinier, chauffeurs poids lourds, cadres dans l’administration, maraîcher, enseignant… En quelques heures, près d’une centaine de salariés et fonctionnaires ont, comme lui, voulu faire part de leurs conditions de travail par ces fortes chaleurs. Signe que ce sujet s’impose chaque été un peu plus comme une préoccupation majeure. Leurs témoignages révèlent les défis qui persistent en termes d’adaptation, d’anticipation, et le rôle-clé du dialogue social.
Il vous reste 82.88% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Alors que les partenaires sociaux ont échoué à trouver un accord sur la réforme des retraites, on peut s’interroger sur cette possibilité gâchée non seulement de dialogue social mais, plus profondément, de débat sociétal. Les sociologues et les économistes nous alertent : la France souffre au travail, les travailleurs veulent plus de sens et de reconnaissance.
Du dialogue sur les retraites aurait pu ressortir une vraie réflexion sur le travail et sa place dans la vie personnelle et sociale des Français. Au lieu de cela, le débat achoppe sur des discussions comptables et paramétriques : 66 ans et demi ou 67 ans pour l’abaissement de l’âge de départ sans décote ? Certificat médical ou pas pour reconnaître la souffrance au travail ?
Une réflexion plus profonde sur le travail permettrait de penser la façon dont l’amélioration des conditions de travail pourrait apporter plus de sens aux travailleurs et améliorer leur productivité, contribuant ainsi aux profits du patronat et à l’équilibre des caisses de retraite. C’est ce que met en évidence l’étude « Meaning at Work » (le sens au travail), publiée en mai, par quatre économistes, Nava Ashraf, Oriana Bandiera, Virginia Minni et Luigi Zingales, en partenariat avec une grande multinationale, dont ils taisent le nom.
Un degré de confiance
Cette étude évalue l’impact d’un programme invitant les employés à une réflexion sur le sens de leur vie et leur relation au travail. Ce programme, intitulé « Découvrez votre raison d’être », se fonde sur les principes de la logothérapie, une forme de psychothérapie destinée à sensibiliser l’individu au sens de sa vie. Le programme invite les employés à réfléchir, au travers d’essais et d’ateliers, sur leurs expériences personnelles, leurs priorités, leur raison d’être et comment leur travail y contribue ou au contraire y fait obstacle.
Les chercheurs ont conduit une expérience randomisée consistant à offrir ce programme à un groupe dit « traité », puis à comparer leur carrière, leur productivité, leur salaire et leur satisfaction à un groupe de contrôle. Au total, les chercheurs ont eu accès aux données de 2 976 employés de la firme dans 14 pays différents pendant deux ans.
Il vous reste 46.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.