Le gouvernement prend ses distances avec l’offensive de Veolia contre Suez

Antoine Frérot, PDG de Veolia, et Jean-Pierre Clamadieu, président d’Engie, à Paris, le 27 août 2020.

Le vent est-il en train de tourner ? Après avoir semblé apporter son soutien au projet d’offre publique d’achat (OPA) de Veolia sur Suez, le gouvernement de Jean Castex se montre désormais plus réservé sur l’opportunité de l’opération, alors que dirigeants, banquiers et avocats de Suez travaillent d’arrache-pied à une offre alternative.

« L’opération fait sens », estimait le premier ministre, début septembre, juste après l’annonce du projet de Veolia d’avaler son rival historique – en commençant par racheter à Engie 29,9 % du capital de Suez. M. Castex défendait notamment l’idée, au nom de la « souveraineté », de préserver les intérêts des groupes français dans le secteur des services à l’environnement (eau, déchets) face à des entreprises étrangères, et notamment chinoises.

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Depuis, il manifeste moins d’enthousiasme devant l’opposition catégorique de Suez, qui juge cette opération « hostile » et « funeste pour la France ». « Le premier ministre n’est pas opposé par principe à cette fusion, relativise-t-on à Matignon. En revanche, il est contre le monopole sur l’eau et les déchets que cela pourrait engendrer. » Surtout, M. Castex « attend de connaître la contre-proposition de Suez », avant de se prononcer. Il n’est plus question de favoriser d’abord la création d’un champion français, mais de bien mesurer les avantages et les inconvénients du projet.

Le premier ministre « s’est fait rouler dans la farine »

Le ministre de l’économie a lui aussi pris ses distances avec la position initiale de M. Castex. « Le premier ministre n’a aucunement pris parti, déclare Bruno Le Maire, jeudi 17 septembre, dans un entretien aux Echos. Il a rappelé que l’Etat actionnaire d’Engie [23,6 % du groupe d’énergie] a défini des conditions claires qui doivent être respectées : la préservation de l’emploi ; un projet de reprise de Suez à capitaux majoritairement français ; la valorisation patrimoniale pour l’Etat. » Et de mettre en garde : « N’ajoutons pas à la crise économique actuelle une guerre entre industriels français. Pour le reste, nous examinerons toutes les propositions avec impartialité et attention, en prenant le temps nécessaire. Aucun choix n’est arrêté. »

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Une source proche du dossier reproche à M. Castex d’avoir « un peu trop cru au discours de Veolia, qui lui a raconté que tout le monde était d’accord ». « Maintenant, il est obligé de rétropédaler. » Ce que confirme un patron qui connaît bien ce secteur : « Il s’est fait rouler dans la farine par Antoine Frérot, le PDG de Veolia, qui lui a présenté cette offre comme amicale. » Le ministère de l’économie et des finances exprime, en coulisses, des réserves depuis le début.

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LVMH en piste pour prendre 40 % de Challenges Publications

Bernard Arnault, PDG de LVMH, à Paris, en janvier 2020.

Les unes après les autres, Claude Perdriel continue de mettre de l’ordre dans ses affaires. Après avoir cédé Le Nouveau magazine littéraire (Sophia Publications) à Lire (Editions Médias Culture et Communication), au printemps, après avoir placé La Recherche (Sophia Publications) dans le giron de Sciences et Avenir (Challenges Publications), au cours de l’été, le fondateur du Nouvel Observateur et du Matin de Paris accueillerait volontiers le groupe de Bernard Arnault, LVMH, au sein de Challenges Publications.

Dès le mois de février, il évoquait la multinationale française comme un « partenaire » potentiel, dans une interview au Journal du dimanche. A l’occasion d’un séminaire de rédaction organisé vendredi 11 septembre, ainsi que l’a révélé Libération, le 16 septembre, le nonagénaire est allé plus loin, en affirmant qu’une « lettre d’intention » lui était parvenue au cours de l’été. LVMH, détenteur du groupe de presse Les Echos-Le Parisien, prendrait 40 % du capital, soit la part acquise par Renault en 2017, et reprise en janvier par Claude Perdriel, à laquelle s’ajouterait un droit de premier refus sur les 60 % restants.

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Les deux entreprises travaillent déjà un peu ensemble, au travers d’un accord de partenariat dans l’événementiel. « Un certain nombre de repreneurs honorables, et pas seulement LVMH, m’ont proposé leur appui, précise au Monde le doyen de la presse française. Je ne cède pas Challenges, je cherche à en augmenter le capital avec un partenaire intéressant. Car je crois à l’avenir de la presse écrite, à sa nécessité face aux fausses informations des réseaux, et je crois à l’avenir de cette entreprise. »

« Aucune modification de capital en 2020 »

Contacté, le géant du luxe ne confirme pas son entrée prochaine au capital de Challenges. Il reconnaît, en revanche, volontiers « une relation de grande proximité et de très grande confiance, depuis très longtemps », entre l’homme d’affaires et l’homme de presse. « Bernard Arnault et moi avons fait la même école, l’X, et nous aimons la musique classique tous les deux, ajoute Claude Perdriel. Nous avons de nombreux points communs. L’amour des mathématiques et du progrès scientifique nous rapproche. »

« Il n’y a pas de lettre d’intention, mais un accord verbal entre Bernard Arnault et lui, et des idées jetées sur le papier », appuie Maurice Szafran, directeur éditorial de Sophia Publications. Dès le début de l’année, son patron a fait une promesse à ses équipes : « Il n’y aura aucune modification de capital en 2020. »

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Chômage partiel : le montant des fraudes estimé à 225 millions d’euros, dont plus de la moitié a été récupéré

Alors que le cap des 50 000 contrôles sur les demandes de chômage partiel a été franchi, le ministère du travail a fait savoir, jeudi 17 septembre, que le montant de la fraude était désormais évalué à 225 millions d’euros, dont plus de la moitié a déjà été bloquée ou récupérée. Les contrôles ont débouché sur 9 500 « suspicions » de fraude et 440 procédures pénales en cours, a indiqué la même source à l’Agence France-Presse (AFP).

Les 225 millions d’euros de fraude représentent moins de 1 % du budget total consacré à l’activité partielle (30 milliards d’euros), qui a été largement utilisée dans la crise du coronavirus, avec près de 9 millions de salariés concernés au plus fort de la crise en avril, un chiffre retombé à 2,4 millions en juillet.

Fin juillet, la ministre du travail, Elisabeth Borne, avait indiqué que 25 000 contrôles avaient débouché sur 1 400 « suspicions » de fraude. Elle avait anticipé ces 50 000 contrôles avant « la fin de l’été ». Pour le ministère du travail, « le montant des fraudes peut paraître important, mais au regard des 30 milliards mobilisés, c’est finalement assez peu », ajoutant : « Il y a toujours des escrocs et des gens qui profitent du système. »

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Manque de justificatifs

L’Humanité et le Canard enchaîné ont fait état, cette semaine, du message d’alerte d’un agent de l’inspection du travail de Seine-Saint-Denis, après quinze jours consacrés à étudier des dossiers d’activité partielle.

Le document de quatre pages, consulté par l’AFP, dans lequel l’agent dit avoir « cessé de dormir » et évoque un « désastre financier », rapporte notamment le cas d’une entreprise ayant perçu environ 147 000 euros « et dont l’argent est déjà parti en Pologne depuis un compte en ligne ouvert sans justificatif de domicile ». Il évoque aussi au moins cinq entreprises n’ayant « aucun salarié connu de l’Urssaf » pour lesquelles il a demandé le blocage du paiement.

« On pense que tout cela est massif au niveau national », a affirmé à l’AFP Simon Picou, représentant syndical CGT de l’inspection du travail. « On ouvre une caisse pleine de billets et on dit : servez-vous », a-t-il ajouté, déplorant notamment le manque de justificatifs demandés aux entreprises.

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Dans un rapport publié lundi, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la fraude sociale estimait, pour sa part, que le dispositif d’activité partielle « apparaît comme vulnérable à la fraude » et jugeait que les contrôles devaient être « amplifiés ».

En cas de fraude, les sanctions vont jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, et pour ce qui est des sanctions administratives, elles prévoient le remboursement des aides et l’exclusion du bénéfice des aides jusqu’à cinq ans.

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Le Monde avec AFP

Bridgestone : décision « révoltante », « coup de massue »… les réactions à la fermeture de l’usine de Béthune se multiplient

Au lendemain de la décision du groupe japonais de pneumatiques Bridgestone de fermer son usine de Béthune (Pas-de-Calais), le ministre de l’économie français, Bruno Le Maire, a assuré jeudi 17 septembre que le gouvernement allait se « battre » pour trouver une solution. La décision de Bridgestone « est une décision révoltante, avec une méthode révoltante et des conséquences révoltantes », a fustigé le ministre sur Cnews.

Le groupe japonais a annoncé mercredi la fermeture à l’horizon 2021 de son usine de Béthune employant 863 personnes dans la fabrication de pneumatiques pour voitures. Il a justifié sa décision par « des problèmes de marché structurels », une surcapacité de production en Europe et la concurrence des marques asiatiques à bas coûts.

« Nous allons nous battre » a assuré Bruno Le Maire, dans un premier temps pour tenter de « développer une autre activité avec des pneus plus larges que ceux qui sont produits actuellement sur le site de Béthune ». « Et si jamais nous n’arrivons pas à cette solution là, (pour) trouver des solutions de réindustrialisation du site pour qu’il y ait, pour chaque ouvrier de Bridgestone, une solution qui soit une solution cohérente et acceptable pour eux », a-t-il ajouté.

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« Un assassinat prémédité »

Dès mercredi, les réactions à la décision du groupe japonais se sont multipliées. Le gouvernement et Xavier Bertrand ont dénoncé de concert « la brutalité » de l’annonce. Dans un communiqué commun, ils en avait contesté « la pertinence et les fondements ». Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a dénoncé « une trahison de la confiance » placée dans Bridgestone, qui doit « assumer ses responsabilités plutôt que de chercher des prétextes ».

A l’issue d’une réunion sur le site avec les représentants du personnel et d’autres élus locaux, Xavier Bertrand a, lui, fustigé un « assassinat prémédité » mais également souligné une « possibilité de changer la donne » : « on doit tout faire pour forcer, je dis bien forcer, Bridgestone, à envisager un autre plan industriel », a-t-il insisté. Si le groupe est prêt à « discuter d’un projet d’investissement sur ce site », l’Etat et les collectivités mettront alors de l’argent sur la table, a-t-il assuré. Une réunion devrait, « dans les jours qui viennent », confronter gouvernement, direction de Bridgestone, représentants du personnel et élus.

« Chaque jour, des annonces sociales terribles, dans une quasi-indifférence. Le Covid-19 ne doit être ni un paravent, ni un prétexte à la crise économique », a dénoncé la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais. « L’Etat doit prendre la main et entrer au capital », a réclamé le numéro un du Parti communiste français Fabien Roussel, natif de Béthune, attendu jeudi sur place.

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« Coup de massue »

Force ouvrière (FO )a dénoncé le « coup de massue pour les 863 salariés, ainsi que pour les centaines d’emplois indirects » de l’usine de pneumatiques à Béthune. La fermeture de cette usine, « dans un bassin d’emploi déjà fortement impacté par de nombreuses fermetures d’entreprises », est « le résultat du manque d’investissement » du groupe japonais « depuis quelques années », estime dans un communiqué mercredi la fédération FO de la chimie.

Indiquant que Bridgestone prévoit « l’ouverture dans les années à venir de deux nouveaux sites, un en Estonie en 2024 et un en Biélorussie en 2026 », le syndicat proteste contre des implantations « dans des pays où la main d’œuvre est bien moins chère qu’en France » afin d’« accroître les dividendes reversés aux actionnaires ». La direction de Bridgestone « dément l’ouverture prochaine de deux sites en Estonie et Biélorussie », a déclaré un porte-parole du groupe.

L’annonce du groupe japonais intervient un an après la décision du concurrent français Michelin de fermer son usine de La Roche-sur-Yon (619 emplois).

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Le Monde avec AFP

Le gouvernement Castex affronte sa première mobilisation sociale

Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, écoute le premier ministre lors de sa visite dans une usine Bic, à Montévrain (Île-de-France), le 14 septembre.

C’est un drôle de cadeau de bienvenue que Philippe Martinez a offert, le 11 juillet, à Jean Castex. A peine le secrétaire général de la CGT avait-il quitté Matignon et le nouveau premier ministre, qu’un communiqué de la confédération de Montreuil (Seine-Saint-Denis) appelait à une « puissante journée nationale d’actions », le jeudi 17 septembre.

Annoncée il y a un peu plus de deux mois, cette offrande devient aujourd’hui réalité, avec des grèves, des rassemblements et des manifestations dans plusieurs dizaines de villes. A Paris, le cortège doit partir, jeudi en début d’après-midi, de la place de la République pour se diriger vers celle de la Nation.

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Les mots d’ordre brassent large : emploi, salaire, retraites, services publics… Si Solidaires, la FSU et des organisations de jeunesse ont rejoint le mouvement, ce n’est pas le cas de Force ouvrière (FO), pourtant membre de l’intersyndicale formée au moment de la bataille contre la réforme des retraites. « On pensait que les conditions n’étaient pas réunies pour que ça débouche sur un résultat efficace », explique-t-on à la confédération de l’avenue du Maine, à Paris, où l’on considère que « les périodes de crise sociale ne sont pas les plus favorables aux grandes mobilisations ».

Ce premier rendez-vous social de la rentrée intervient dans un contexte qui peut, à la fois, desservir la CGT mais aussi lui apporter des munitions. Côté pile : la reprise de l’épidémie est de nature à saper l’envie de battre le pavé. Côté face : la déconfiture de nombreuses entreprises engendre des troubles sur lesquels la CGT espère capitaliser.

« Sur les lieux de travail, il y a un fort mécontentement »

Un peu partout en France, plus ou moins à bas bruit, les plans de licenciements succèdent aux suppressions de postes, dans des PME ou de grandes entreprises comme Auchan, Airbus, Renault. Dernier exemple en date : l’annonce, mercredi, de la fermeture de l’usine Bridgestone, à Béthune (Pas-de-Calais), qui emploie 863 personnes dans la fabrication de pneumatiques pour voitures.

« Sur les lieux de travail, il y a un fort mécontentement, assure Céline Verzeletti, membre du bureau confédéral de la CGT. Il ne faut pas que chacun se retrouve à essayer de faire face dans son coin, il faut se mobiliser ensemble. » Il y a « une colère sociale », assure Eric Beynel, porte-parole de Solidaires. « La manière dont le Ségur a été conclu est loin d’avoir répondu aux enjeux sur la santé. Les premiers de corvée, eux, n’ont toujours rien vu venir sur leur bulletin de salaire et dans l’éducation nationale, la situation va rapidement devenir ingérable », juge-t-il.

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Comment prouver la discrimination salariale ?

« Depuis la mise en place de l’index pour l’égalité salariale, les entreprises ayant obtenu un score de moins de 75/100 sont tenues de mettre en place des mesures correctives dans un délai de trois ans. »

Si les discriminations au travail sont au cœur des débats publics depuis quelque temps, les condamnations restent rares. La difficulté à rassembler des preuves ne joue pas en faveur des victimes. Toutefois, une récente décision du conseil des prud’hommes de Paris vient faire bouger les lignes.

Cette juridiction s’est prononcée, le 7 septembre, dans le cadre d’un conflit opposant une ex-salariée de La Banque postale Asset Management (LBPAM) à son ancien employeur, sur fond de potentielle discrimination salariale. Salariée au sein du groupe depuis dix-neuf ans, Elodie (dont le nom a été changé à sa demande) exerçait les fonctions de négociatrice. Elle était la seule femme au sein d’une équipe d’hommes. Suite à un conflit portant sur ses horaires de travail, Elodie est licenciée en 2019 pour insuffisance professionnelle.

L’ex-salariée sollicite alors l’un de ses anciens collègues pour qu’il atteste de ses compétences professionnelles. Elle profite de l’occasion pour l’interroger sur sa rémunération. Un chasseur de têtes lui a en effet laissé entendre qu’elle était nettement moins payée que ses homologues masculins : « Il lui a dit qu’il avait déjà reçu d’autres personnes de son équipe et qu’elle était très en dessous de ses collègues en termes de rémunération », affirme son avocate, Me Karima Saïd.

Sa démarche porte ses fruits. Son ancien collègue finit par lui révéler qu’il était beaucoup mieux payé qu’elle : il déclare avoir perçu 85 000 euros brut en 2010, soit près de 15 000 euros de plus que la salariée pour un même niveau de poste et les mêmes fonctions. Alors qu’elle justifiait de l’ancienneté la plus importante.

Une chance pour Elodie : son collègue accepte d’attester ses affirmations par écrit. Forte de ce début de preuve, son avocate demande au bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Paris d’ordonner à LBPAM de communiquer tous les bulletins de paie des anciens collègues masculins, afin d’établir des comparaisons à mêmes niveaux de poste et d’ancienneté. L’avocate fait cette démarche « sans trop y croire », de son aveu même : « Les mesures d’instruction devant le bureau de conciliation sont très difficiles à obtenir. »

Ancienneté biffée

Pourtant, elle obtient satisfaction : le conseil des prud’hommes ordonne à LBPAM de communiquer les bulletins de paie en question. Mais l’identité et surtout l’ancienneté des salariés sont barrées sur ces bulletins, « afin de rendre l’exercice de comparaison beaucoup plus difficile », de l’avis de l’avocate. De son côté, LBPAM aurait invoqué des raisons de respect de la vie privée.

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« Rendre les entreprises compatibles avec la préservation de la biodiversité et du climat »

Tribune. La crise systémique que nous vivons – et que le Covid-19 a révélée plus fortement – nous oblige tous à nous réinventer et à rendre possible ce qui ne l’était prétendument pas. En particulier, la transition écologique de nos modèles de production, de consommation et de nos sociétés apparaît plus que jamais comme une urgence de premier ordre, exigée par une grande majorité de Français ainsi que par la convention citoyenne pour le climat.

Pour être effective, une telle transition écologique doit porter sur l’évolution des modèles d’affaires des entreprises, de manière à les rendre compatibles avec la préservation de la biodiversité, du climat, des ressources naturelles et de la résilience des écosystèmes. Significativement, les dirigeants de trois grandes entreprises – Danone, MAIF, Pfizer France – viennent de lancer une « consultation citoyenne européenne pour repenser le rôle de l’entreprise dans la société ».

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Mais poursuivre un tel objectif implique nécessairement une transformation forte et rapide des systèmes d’information utilisés par les entreprises. Les règles qui encadrent le reporting extra-financier des entreprises, la déclaration de performance extra-financière (DPEF) où sont consignées les informations concernant les dimensions sociales et environnementales de leurs activités, souffrent en particulier d’importantes lacunes, dans la mesure où elles ne permettent pas de rattacher véritablement les modèles d’affaires – reposant sur des bases financières – à des données extra-financières.

La déclaration de performance intégrée, un puissant outil

Dans le prolongement des recommandations de 2003 du Conseil national de la comptabilité (CNC), devenu Autorité des normes comptables (ANC) et de l’Autorité des marchés financiers (AMF), ainsi que du rapport Notat-Senard de mars 2018, l’enjeu déterminant consiste aujourd’hui à faire évoluer la DPEF en connectant données financières et données extra-financières dans une recherche de performance globale, avec ce que les professionnels appellent une déclaration de performance intégrée (DPI).

La DPI permettrait d’accompagner au plus près l’indispensable transition écologique en utilisant le nouveau concept comptable de coût à caractère environnemental, qui regroupe les dépenses environnementales (qui visent à prévenir, réduire ou réparer les dommages environnementaux) et les dépenses pour la transition écologique (qui visent à faire évoluer les modèles d’affaires).

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Dans le contexte actuel des plans d’urgence et de relance, cette DPI serait un outil puissant de suivi de la réalité des fonds alloués par les entreprises à la transition écologique, en particulier pour celles qui bénéficient d’aides publiques.

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« Territoires zéro chômeur de longue durée » : adoption par l’Assemblée de 50 nouvelles expérimentations

Des bénéficiaires de l’expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » travaillent dans un jardin potager à Loos, près de Lille, en septembre 2018.

L’Assemblée a adopté mercredi 16 septembre à l’unanimité une proposition de loi de la majorité visant à étendre à 50 nouveaux territoires l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », même si de nombreux élus d’opposition auraient souhaité aller au-delà de ce « numerus clausus ».

Voté en première lecture, le texte est attendu au Sénat a priori début octobre. Il veut étendre pour cinq ans une expérimentation lancée début 2017 et menée aujourd’hui dans dix « territoires » de 5 000 à 10 000 habitants, entre communes rurales et quartiers de la politique de la ville, de Colombelles (Calvados) à Villeurbanne (Rhône).

La ministre du travail, Elisabeth Borne, a estimé que l’élargissement à 50 nouveaux territoires était « un nombre adapté » pour un « laboratoire » et que « le temps est aujourd’hui à l’évaluation et l’optimisation » du dispositif. Elle a aussi laissé entendre qu’il serait possible de rediscuter de ce seuil dans « deux ou trois ans », en assurant que le « guichet ne se fermera pas un beau matin ».

Lire aussi (2019) : Chômage : querelle autour du dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée »

Boris Vallaud (PS) et Pierre Cordier (LR) ont réclamé « une clause de revoyure », pour lever ce « numerus clausus » et ne pas « frustrer » des territoires motivés. Le sujet devrait à nouveau animer les débats au Sénat. Les députés, dont la rapporteuse LRM Marie-Christine Verdier-Jouclas, avaient déjà pesé pour aller au-delà du seuil de 30 territoires supplémentaires proposé au départ.

D’autres dispositions incluses dans la proposition de loi

Inspirée par ATD Quart Monde en 2015, puis défendue par l’ex-député PS Laurent Grandguillaume, la philosophie générale des « Territoires zéro chômeur longue durée » est d’affirmer que personne n’est inemployable et qu’en subventionnant la reprise d’emploi, l’Etat économisera autant en prestations sociales et coûts indirects du chômage.

Ont ainsi été créées 13 entreprises à but d’emploi (EBE), qui embauchent sur la base d’un smic, en CDI et sans sélection, des personnes privées d’emploi depuis plus d’un an pour des activités utiles à la société mais censées ne pas concurrencer le secteur privé. Depuis 2017, 1 112 personnes « sont sorties de la privation d’emploi », directement (770) ou indirectement, selon la proposition de loi.

Pour comprendre : Les entreprises à but d’emploi : une alternative pour ceux qui n’en ont pas

L’Etat contribue à hauteur de 18 000 euros par an, par emploi, ce qui correspond aux économies attendues pour les finances publiques : arrêt du versement du RSA ou des indemnités chômage… Le reste du budget doit venir de la croissance du chiffre d’affaires des EBE, de subventions ou de concours bancaires. Mais le coût et le ciblage du dispositif font débat, la plupart des entreprises à but d’emploi restant déficitaires. Fin 2019, deux rapports ont questionné le « modèle économique » des EBE.

La proposition de loi votée mercredi comprend par ailleurs d’autres mesures pour simplifier l’insertion par l’activité économique, comme la suppression d’un agrément obligatoire auprès de Pôle Emploi. Elle crée un « CDI inclusion » pour des personnes de plus de 57 ans en difficulté, ou prolonge des expérimentations comme le « CDI à temps partagé ». Le gouvernement souhaite enfin tester un « contrat passerelle », afin de faciliter le recrutement en entreprises classiques de personnes en fin de parcours d’insertion.

Lire aussi la critique : Un documentaire de Marie-Monique Robin raconte l’une de ces expérimentations

Le Monde avec AFP

Fauché par la crise, Fauchon ferme deux de ses trois magasins place de la Madeleine, à Paris

Célèbre pour son épicerie fine mais laminé par les mouvements sociaux puis la crise sanitaire, le traiteur Fauchon va fermer deux de ses trois magasins place de la Madeleine à Paris, ce qui entraîne 77 licenciements, a-t-il annoncé mercredi 16 septembre.

Le tribunal de commerce de Bobigny « a approuvé le plan de continuation » présenté par l’entreprise, qui sort ainsi de son redressement judiciaire et conserve dans la capitale son hôtel, le Grand Café Fauchon et une boutique consacrée au thé, précise la société dans un communiqué.

Le groupe s’est diversifié récemment dans l’hôtellerie de luxe avec l’ouverture, en 2018, d’une première adresse à la Madeleine en partenariat avec Esprit de France. Il avait été placé en redressement judiciaire en juin. « C’est la conséquence de tout ce que l’on a subi », expliquait alors Samy Vischel, le PDG du groupe, énumérant les attentats de 2015, puis les mouvements des « gilets jaunes » en 2018, les manifestations contre la réforme des retraites fin 2019 et début 2020, et enfin la crise due au Covid-19, qui a entraîné la fermeture complète des établissements mi-mars.

Cette procédure concernait ses activités en propre, c’est-à-dire le siège social et les trois magasins parisiens situés place de la Madeleine, adresse parisienne emblématique de la marque depuis plus de cent trente ans, regroupés au sein de la filiale Fauchon SAS. Celle-ci n’emploiera donc plus que 30 salariés, contre 107 jusqu’ici.

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« Il faut aller de l’avant »

« Ce n’est pas un moment facile, mais il faut aller de l’avant, c’est le monde qui bouge, à nous de revoir notre copie », a déclaré Samy Vischel, précisant que l’avenir est aux boutiques de plus petite taille, « 100 à 200 m2, plus proches des clients », alors que la clientèle étrangère chassée par la pandémie de Covid-19 n’est pas revenue dans la capitale.

Les activités parisiennes du traiteur avaient vu leur chiffre d’affaires baisser depuis quatre ou cinq ans, avec les attentats de 2015, les mouvements sociaux et les grèves de Noël 2019, une période où Fauchon réalise 30 % de son chiffre d’affaires annuel, avant que la fermeture administrative imposée par le Covid ne leur donne le coup de grâce.

Le traiteur, qui compte cinq autres filiales employant quelque 1 500 salariés, gère actuellement 73 boutiques, points de vente et restaurants dans le monde, dont 30 au Japon, trois en Corée, six en Europe, deux au Chili, 15 au Moyen-Orient et, en France, 17 exploités en franchise. Son actionnaire principal est l’entrepreneur Michel Ducros, entré au capital en 1998. Fauchon va désormais « recentrer son activité sur des modes de vente plus en phase avec les nouvelles attentes des consommateurs, à Paris, en France et dans le monde », déclare-t-il. Le groupe veut rester un « porte-étendard de l’art de vivre à la française », dans le cadre d’une « stratégie de déploiement globale incluant des hôtels, des écoles et d’autres projets », dit-il.

Le Monde avec AFP

Pour les salariés en chômage partiel, « le plus dur à supporter est l’incertitude »

A Bordeaux, le 5 septembre 2020.

Elle court. Elle pédale aussi, beaucoup. Pendant des heures, tous les jours ou presque, Alice Pinet sillonne la région parisienne à vélo. « Je me suis réfugiée dans le sport, c’est le meilleur remède contre l’anxiété », confie la jeune femme de 33 ans. Réceptionniste au Signature Saint-Germain-des-Prés, un petit hôtel indépendant du 7e arrondissement parisien, elle est au chômage partiel depuis le confinement.

Après trois mois de fermeture, l’établissement a rouvert. Mais, en raison de la désertion des touristes, une partie des salariés est restée à la maison, comme Alice. « Ce sont les montagnes russes. Je suis la seule de mon groupe d’amis à ne pas avoir repris le travail », ajoute-t-elle. Le contact avec les clients, les échanges avec l’équipe de l’hôtel à l’ambiance familiale lui manquent. « Le plus dur à supporter est l’incertitude : quand pourrai-je retrouver une vie normale ? »

L’incertitude. Ne pas savoir quand elle pourra reprendre le chemin du bureau, ni ce à quoi ressemblera son métier à l’avenir : Sylvie Bougard en souffre elle aussi. Animatrice culturelle au CSE de la direction générale industrielle d’Air France, à Orly, elle est au chômage partiel depuis six mois. Distanciation physique oblige, les expositions et activités diverses qu’elle organisait pour les salariés du groupe ont presque toutes été suspendues. « Si l’on ajoute à cela les difficultés du secteur aérien, je ne sais absolument pas quand je pourrai retravailler, explique-t-elle. Je m’accroche à l’espoir que les vols et les voyages reprennent un jour. »

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Des situations pas toujours comparables

Comme elle, 2,4 millions de salariés étaient encore en activité partielle en juillet, selon les derniers chiffres du ministère du travail. En avril, pendant le confinement, ils étaient 8,8 millions. Fin juillet, le gouvernement a également instauré l’activité partielle de longue durée (APLD) pour les entreprises confrontées à une réduction durable d’activité. Jusqu’à 2021, voire 2022, des centaines de milliers de Français seront encore sous ce dispositif.

Certains salariés sont rassurés par ces aides à l’activité partielle qui, dans bien des cas, évitent des licenciements

Selon le secteur, la région, le métier, la taille de l’entreprise ou encore l’âge, les situations ne sont guère comparables et sont vécues de façons très contrastées. Certains salariés sont rassurés par ces aides qui, dans bien des cas, évitent des licenciements. D’autres ne se font guère d’illusion, et redoutent de se trouver sans emploi à la sortie. D’autres, encore, parce qu’ils ont un profil demandé, ou parce que leur secteur a rebondi depuis le confinement, ont surtout profité du temps dégagé pour souffler.

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