« Cadres noirs » : guerre de ressources humaines

« Cadres noirs » : guerre de ressources humaines

Une entreprise organise une fausse prise d’otages pour départager des candidats : l’objectif est de recruter le cadre idéal pour mener à bien une grosse restructuration. L’intrigue est celle d’un polar de Pierre Lemaitre publié en 2010 chez Calmann-Lévy, aujourd’hui adapté en bande dessinée, après avoir été transposé en minisérie par Arte (Dérapages, 2020). Mais pas seulement.

Elle s’inspire aussi d’un sinistre fait divers bien réel. En 2005, Philippe Santini, le patron de la régie publicitaire de France Télévisions, transformait un séminaire de cadres en prise d’otages fictive – sans en avoir informé les participants – afin de tester la gestion du stress par ses équipes. Il finira condamné au pénal. Nulle surprise que Pierre Lemaitre y ait trouvé matière à tricoter un habile thriller social, lui qui a fait de la domination un des thèmes-phares de son œuvre, tous les genre confondus.

L’adaptation en BD, scénarisée par Pascal Bertho, se déploie en trois tomes, dont le deuxième vient de paraître. Et prend le temps de camper son personnage principal, Alain Delambre, un DRH lessivé par quatre ans de chômage, dessiné par Giuseppe Liotti avec un physique à la Patrick Dewaere et quelque chose dans le regard de Pierre Lemaitre lui-même.

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Aux abois, Delambre saute sur une annonce d’assistant RH pour un grand groupe et ne recule pas même devant la perspective d’organiser ce fameux kidnapping comme épreuve d’embauche. Mais quand, à quelques jours du recrutement, il découvre que le poste tant convoité est déjà pourvu et que l’éprouvante sélection à venir n’est qu’une mascarade, son sang ne fait qu’un tour. Le « jeu » de ses recruteurs va se retourner contre eux.

Un univers déshumanisé

Un engrenage se met en route, dont les rouages sont astucieusement montés dans le désordre par le scénario de Pascal Bertho, qui multiplie flash-back et détours chronologiques, comme pour mieux cerner les motivations profondes d’un homme aussi ambigu que désespéré. Car dès la couverture du premier tome, Delambre apparaît maîtrisé par les hommes du RAID, le regard traversé par une lueur de satisfaction, laissant penser que tout ce qui va suivre (son emprisonnement, son procès) est prémédité.

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Dans le deuxième volume, la bataille de l’opinion est engagée, et certains commencent à le voir comme un lanceur d’alerte sur les dérives du monde du travail. Un univers déshumanisé, où les cadres supérieurs seraient embauchés pour leur sang-froid, véritables « cadres noirs », plus proches de tueurs que de manageurs bienveillants.

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LJD

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