Avec le télétravail, la diplomatie gagne du temps mais perd en complicité

Avec le télétravail, la diplomatie gagne du temps mais perd en complicité

Une vidéoconférence entre le président chinois, Xi Jinping, la chancelière allemande, Angela Merkel, le président français, Emmanuel Macron, le président du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 30 décembre 2020.

La politique étrangère et la politique de défense se prêtent mal au télétravail. « Ce domaine régalien qui est caractérisé par le secret dans l’échange d’informations nécessite des contacts très réguliers », observe Delphine Deschaux-Dutard, maîtresse de conférences en science politique à l’université de Grenoble-Alpes, dans une étude pour la Fondation pour les sciences sociales. Pendant la crise liée à l’épidémie de Covid-19, en 2020-2021, les diplomates ainsi que les acteurs civils et militaires de la défense n’ont cependant guère eu le choix : il leur a fallu, comme tout le monde, renoncer aux voyages et aux échanges face à face.

Le télétravail est-il possible dans un domaine où le secret gouverne les échanges d’informations ? Comment conduire des négociations diplomatiques en format virtuel ? Pour répondre à ces questions, la politiste a interrogé, après les confinements de 2020, de nombreux acteurs de la politique étrangère et de la politique de défense de l’Elysée, des Nations unies, des ministères ou des états-majors. Et sa conclusion est claire : si la virtualisation des échanges ne change pas fondamentalement leurs pratiques, elle les prive des contacts informels qui forment l’essence de leur métier.

Lorsque la pandémie a commencé, en 2020, la numérisation des pratiques mise en place depuis quelques années s’est brutalement accélérée. « Pour les réunions du chef de l’Etat ou de son équipe diplomatique avec leurs homologues étrangers, le téléphone est privilégié pour les réunions courtes (moins de trente minutes), la visioconférence pour les réunions longues à plus de deux interlocuteurs », détaille Delphine Deschaux-Dutard. Ce sont ces types de format qui sont retenus, en 2020-2021, pour la préparation de la présidence française de l’Union européenne (UE) ou pour le point hebdomadaire de la ministre des armées de l’époque, Florence Parly, avec ses homologues de la force « Takuba » au Sahel.

Importance de la « diplomatie de couloir »

Si les conférences au téléphone ou en visio exigent une lourde préparation en amont, elles se révèlent d’une grande utilité : la souplesse des outils numériques permet, selon la politiste, de multiplier et d’approfondir les contacts avec les partenaires de coopération – au point que ces pratiques apparues pendant le confinement lui ont survécu. « En 2022, nombre de réunions avec les partenaires étrangers, voire en interne ou en interministériel, sont demeurées au format distanciel ou hybride du fait de la flexibilité et du gain de temps de transport que cette solution offre à des agents aux agendas surchargés », souligne Delphine Deschaux-Dutard.

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LJD

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