« Il est temps d’envisager le chômage comme une transition au service de la santé au travail »

Les débats, vifs et nombreux, à propos de la nouvelle réforme de l’assurance-chômage intègrent peu la question de la santé des chômeurs. Cet oubli semble d’ailleurs chronique, tant l’attention portée à la santé des personnes privées d’emploi est absente aussi bien de l’élaboration des réformes successives que de la définition des mesures et dispositifs d’accompagnement vers l’emploi.

Dès 2016, un avis du Conseil économique, social et environnemental soulignait que le chômage constitue un « véritable problème de santé publique ». On y lisait que « 14 000 décès par an lui sont imputables ». Toutes les données épidémiologiques disponibles, notamment les travaux de Pierre Meneton, chercheur à l’Inserm, qui souligne depuis fort longtemps les risques pour la santé du chômage, ou ceux de Michel Debout, professeur de médecine légale et de droit de la santé, sur le traumatisme du chômage, indiquent clairement que les chômeurs ont un risque accru de connaître des problèmes de santé par rapport aux travailleurs en emploi.

Ainsi, le chômage est associé à une mortalité, toutes causes confondues, de 60 % supérieure à celle des non-chômeurs : le risque de suicide y est multiplié par trois en comparaison avec les personnes en activité professionnelle ; les risques de cancer, d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral sont accrus de 80 % par rapport à celui des « actifs ». Même tableau concernant la santé mentale : le risque de connaître un épisode dépressif y est multiplié (24 % des hommes et 26 % des femmes, selon une étude de la Dares) et un épisode de chômage d’au moins six mois, même passé, peut contribuer à affecter le bien-être d’une personne à long terme.

Contexte de précarité accru

Enfin, rappelons que la santé dépend des conditions de vie. Ici, il faut souligner – tant les représentations du chômeur « fraudeur », « paresseux » sont persistantes – que plus de 35 % des personnes privées d’emploi vivent en dessous du seuil de pauvreté. C’est le cas aussi d’un tiers des seniors sans emploi ni retraite. Ou des jeunes : les 18-24 ans connaissent un taux de pauvreté près de deux fois plus élevé que la moyenne française. Ils enchaînent trop souvent emplois de courte durée et périodes de chômage, ou ne trouvent pas d’emploi, voire se résignent à l’inactivité.

Lire aussi (2021) : Article réservé à nos abonnés Les effets nocifs du chômage sur la santé remis en lumière par une étude

Quant aux femmes, on sait que l’emploi est l’instrument de leur émancipation. Son absence ou sa précarité menacent l’autonomie, exposent à la dépendance au conjoint, ce qui n’est pas sans effet en matière de risques de violences sexistes et sexuelles. Mais comment penser l’accès ou le retour à l’emploi face à un dilemme : mort sociale dans l’enfermement à domicile, ou galère des petits boulots bien souvent à temps partiel contraint ?

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Recrutement : quand les entreprises raffolent du « travail gratuit » demandé aux candidats

« Cela m’a pris deux jours et demi, et je ne sais pas comment j’aurais pu faire plus court. » Alma (les personnes citées par leur prénom ont préféré ne pas donner leur nom de famille) est en recherche d’emploi. Cette cadre, qui tient prudemment à rester anonyme, cumule depuis cet hiver les déconvenues face aux exigences de certains employeurs.

Avant de proposer un contrat de travail, certains ont parfois recours à des tests professionnels poussés. « Le dernier en date, une institution de premier plan, m’a demandé de faire un plan de communication pour un de leurs événements, raconte Alma. J’y ai travaillé d’arrache-pied, ma mère est venue pour garder les enfants car je n’avais pas d’autres options, je leur ai livré le travail… puis plus rien. »

Ces parcours du combattant, nombre de candidats à l’embauche sont amenés à les vivre. Le plus souvent dans la plus grande indifférence. « La difficulté avec ces abus réside dans le fait qu’on est dans une zone grise, concède Félix Guinebretière, avocat associé chez Alkemist Avocats. C’est typiquement le cas quand on demande à un graphiste de faire une campagne de promotion pour un client, qu’il y passe le week-end, qu’il travaille beaucoup sans pour autant y passer deux semaines entières, et qu’on lui rétorque, s’il se plaint, qu’on n’attendait pas de lui qu’il y passe autant de temps. »

Ces dérives portent souvent sur la durée du travail exigé, trop longue pour une simple présélection. « Parfois, les entreprises sous-estiment le temps que le candidat va y passer, indique Léo Bernard, formateur en recrutement chez Blendy. Elles se disent aussi que les plus motivés y arriveront. »

Dans certaines activités comme la communication ou le développement informatique, « la difficulté réside dans le fait qu’il n’y a pas de temps donné pour réaliser une tâche », explique Julien. Convoqué à un entretien, cet informaticien s’est vu demander par la start-up en question, le vendredi précédent en fin de journée, un « cas pratique » en prévision de cette rencontre. « Il m’a fallu corriger un code », se souvient-il, sans être surpris par l’exercice en tant que tel, « puisqu’il n’y a pas d’autre moyen pour vérifier les compétences ». Seul souci : il n’était pas libre ce week-end-là. « J’ai quand même dû travailler environ deux heures par jour pendant trois jours », détaille-t-il, sans avoir osé faire la moindre remarque : « L’employeur aurait pu se retourner contre moi en disant qu’elle cherchait quelqu’un de plus expérimenté et donc de plus rapide. »

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L’IA et les « fantômes »

Carnet de bureau. Le 21 mai, le cabinet de conseil PwC alerte sur l’accélération du besoin de compétences en intelligence artificielle (IA) dans les offres d’emploi ; le lendemain, le site américain d’accompagnement à la recherche d’emploi CVGenius met en garde l’écosystème du recrutement sur les « annonces fantômes », et, le surlendemain, la plate-forme d’emploi HelloWork, qui a interviewé les recruteurs, révèle que les usages de l’IA générative sont encore très timides.

Le salon Viva Technology, qui s’est tenu à Paris du 22 au 25 mai, était certes une bonne période pour communiquer, aux yeux de ces acteurs de l’emploi. Mais le contraste des résultats de leurs travaux mérite de s’y arrêter. L’IA aurait-elle largement investi le marché de l’emploi ?

L’analyse de 500 millions d’offres d’emploi dans quinze pays, c’est ce que met en avant le cabinet PwC pour souligner le sérieux de sa mesure de l’impact de l’IA sur le marché du travail. Dans cet univers de petites annonces, le nombre de celles qui exigent des compétences en IA augmente 3,5 fois plus vite que les autres, selon la dernière étude du cabinet de conseil, « Baromètre mondial de l’emploi en IA » (« AI Jobs Barometer : a Workforce Transformed »), publiée le 21 mai.

Une montée en puissance à relativiser

Un phénomène qui s’amplifie si l’on zoome sur la France : « On y a multiplié par sept le nombre d’offres qui concernent l’IA, passé de 11 000 en 2018 à 77 000 en 2023 », précise Philippe Trouchaud. Pour le chief technology and products officer de PwC France et Maghreb, « les dirigeants savent que la transformation de leur activité est urgente, sauf à condamner leur entreprise. En France, le premier secteur en demande de compétences IA, c’est l’industrie, qui vient chercher des gains de productivité ».

L’IA serait ainsi en bonne place dans les échanges entre recruteurs et candidats, particulièrement en France. L’accélération est avérée, mais la montée en puissance de l’IA dans l’économie doit être relativisée : 77 000 annonces est un volume très modeste au regard des 3,5 millions d’offres recensées par France Travail en 2023. D’autant que, sur ce total, il faut décompter les « annonces fantômes », un phénomène qui s’est accru depuis vingt ans.

Selon les données diffusées par CVGenius, sur 1,3 million d’annonces analysées, il y aurait 338 000 « fantômes » potentiels : des offres qui restent en ligne parce que les recruteurs ne les ont pas supprimées bien que le poste soit pourvu, ou encore des annonces multiples et continuellement renouvelées pour un seul et même poste, afin de se constituer des « réserves de talents ». Pour l’équipe de CVGenius, l’émergence de l’IA sur le marché de l’emploi, c’est avant tout un plus grand intérêt des recruteurs pour la capacité d’adaptation et la rapidité d’apprentissage des candidats, qui devront se former plus régulièrement.

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« Nous ne percevons pas d’urgence à la mise en œuvre d’une nouvelle réforme de l’indemnisation du chômage »

La ministre du travail, Catherine Vautrin, a annoncé, le 17 mai, les grandes lignes proposées par l’exécutif pour réformer à nouveau l’assurance-chômage, reprenant ainsi la main aux organisations syndicales et patronales.

L’objectif fixé à l’évolution des règles est l’atteinte du plein-emploi. Le lien ainsi fait entre réforme des droits à indemnisation et plein-emploi tient en deux hypothèses. Premièrement, les règles d’indemnisation du chômage auraient un effet majeur sur les comportements des demandeurs d’emploi en matière de reprise d’une activité professionnelle. Deuxièmement, une accélération du retour au travail des chômeurs aurait un effet majeur sur le volume d’emplois disponibles.

Si elles peuvent paraître vraisemblables, ces deux hypothèses n’ont en réalité rien d’évident : les comportements de recherche d’emploi et d’embauche ont bien d’autres déterminants que les règles d’indemnisation du chômage (besoins de l’économie, formation, situations personnelles).

De même, une accélération du retour à l’emploi peut certes se traduire par une baisse du chômage, mais celle-ci peut être de courte durée en raison d’une modification des conditions de rotation de la main-d’œuvre (contrats plus courts, moins bonne adaptation entre les missions du poste et les compétences des salariés, allers-retours plus fréquents entre emploi et chômage). Entre différents mécanismes possibles aux effets potentiellement contradictoires, seule une analyse précise du marché du travail peut permettre de trancher.

Délai incompressible

Or, le marché du travail français vient de connaître des réformes majeures dont les effets sur l’emploi ne sont pas encore évalués. Les effets sur le niveau d’indemnisation sont certes connus (baisse du nombre d’indemnisés et de l’indemnisation moyenne) ; il existe quelques indices de changements sectoriels (notamment dans le cas des saisonniers). Mais les effets d’ensemble sont encore à déterminer.

Or, des évaluations de la réforme 2019-2021 sont précisément en cours. Commandées par le ministère du travail, elles sont réalisées par des équipes de chercheurs indépendants, sous le contrôle d’un comité scientifique chargé d’en attester la qualité. Les caractéristiques de l’assurance-chômage expliquent un délai incompressible de plusieurs mois pour que les données soient disponibles avant de pouvoir être analysées. La publication des premiers résultats est prévue à la fin de l’année 2024.

La nécessité de réaliser des évaluations avait été présentée comme un élément central au moment de la discussion de la loi sur l’assurance-chômage. Bien sûr, la politique publique a son autonomie propre et ne nécessite pas toujours une validation scientifique préalable, mais une action publique raisonnée, tout comme le débat démocratique, ne peut se satisfaire d’une accumulation successive de réformes dans un temps très court, sans même prendre le temps de tirer les enseignements des réformes précédentes.

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PFAS : les pompiers sont « aux premières loges » dans la contamination aux « polluants éternels »

Lors d’une manifestation de pompiers à Paris, le 16 mai 2024.

Nul ne se faisait d’illusion sur les résultats des analyses. Ils seraient inévitablement positifs, pressentaient le 16 mai, place de la République à Paris, les pompiers venus de toute la France pour réclamer une meilleure prise en compte de la dangerosité de leur métier. A commencer par les dix-neuf volontaires prêts à se faire prélever des mèches de cheveux afin de mesurer leur exposition aux très toxiques substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS).

Les résultats sont « alarmants », ont révélé mardi 28 mai lors d’une conférence de presse commune les neuf organisations syndicales des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et Les Ecologistes (ex-EELV), alliées dans cette opération alors que la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux PFAS, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 4 avril, arrive au Sénat jeudi 30 mai.

Sur les vingt échantillons analysés – les cheveux des 19 pompiers et ceux de Marie Toussaint, tête de liste écologiste aux élections européennes, qui s’est aussi prêtée au test –, tous sont positifs à au moins un des douze « polluants éternels » recherchés, dix-neuf à au moins deux. Trois sont positifs à quatre polluants, deux à cinq, et un affiche même le score de six PFAS.

Tous les prélèvements capillaires des pompiers révèlent en outre la présence de PFOA, une substance interdite depuis 2019 et classée « cancérogène pour l’humain », et plus de la moitié présentent des traces de PFOS, molécule interdite depuis 2009 et classée « cancérogène possible ».

« Renforcer notre suivi médical »

Le plus jeune des pompiers testés, Florian Dallant, 23 ans, s’est aussi révélé l’un des plus contaminés, avec un total de cinq polluants identifiés. « Alors que je ne suis pompier que depuis six ans ! Je me doutais que j’étais exposé, mais ça prend une tout autre dimension de voir les résultats noir sur blanc, explique-t-il, sous le choc. Ça me fait réfléchir aux risques que je prends et m’interroge même sur la suite de ma carrière… »

Testé positif à trois PFAS, Arnaud Decosne, 45 ans, pompier à Blaye (Gironde), ne peut s’empêcher une pensée pour son père et son grand-père. « Ils étaient pompiers tous les deux et sont morts d’un cancer, l’un à 63 ans, l’autre à 67 ans. Bien sûr, il n’y a pas de fatalité mais si je fais la moyenne ça veut dire qu’il me reste vingt ans à vivre… On se met en danger pour les gens, mais une fois qu’on a fini notre carrière, on a envie de vivre ! »

« Je me pose sérieusement la question de continuer à former les agents de mon SDIS sur feu réel en caisson, qui m’expose davantage… Je me sens un peu à un tournant de ma carrière », réagit Laure Moriot, 39 ans, de la caserne d’Elbeuf (Seine-Maritime), positive à trois PFAS.

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La rémunération des grands dirigeants, un débat perdu d’avance

Gouvernance. Le montant des rémunérations des grands dirigeants d’entreprise revient désormais dans l’actualité avec la régularité de ce que le langage journalistique appelle un « marronnier ». Autrement dit, une information aussi récurrente et sans conséquence que la chute des feuilles en automne. Les termes du débat, les arguments convenus et les indignations résignées sont connus d’avance. On sait qu’ils ne changeront rien.

Ainsi la rémunération extravagante de 36 millions d’euros obtenue pour l’année 2023 par Carlos Tavares, dirigeant du groupe Stellantis, n’a pas longtemps intéressé le public, et la courte sidération de certains a été finalement oubliée dans l’indifférence fataliste de beaucoup.

Réalité brutale

C’est qu’il semble désormais admis que la gratification des grands dirigeants relève du contrat privé, supposé conclu avec les seuls actionnaires, et que ceux-ci l’ont accordée à M. Tavares par une majorité de 70 % lors de l’assemblée générale. La critique s’essouffle alors comme si elle devenait inconvenante quand elle n’est pas interprétée, dans les termes fréquents d’un psychologisme primaire, comme le fruit de jalousies inassouvies ou d’un supposé complexe des Français à l’égard des grandes fortunes.

Finalement, savoir si M. Tavares mérite un tel niveau de revenu plutôt qu’un autre soulève des questions morales et politiques vues naguère comme essentielles à l’ordre social, mais qu’il semble inutile de poser encore. Car la réalité brutale est que cette rémunération a été obtenue parce que Carlos Tavares bénéficie d’un rapport de force favorable dans la gouvernance de son entreprise :

– D’une part, les succès économiques de Stellantis lui permettent d’influer sur les critères définissant le calcul de son bonus (qui intègre par exemple les performances financières mais pas les impacts écologiques à long terme de sa stratégie) ;

– d’autre part, pour les actionnaires qui le valident, son montant reste dérisoire relativement au coût d’une protestation visant à l’efficacité. M. Tavares fait payer sans réticence le prix spectaculaire d’un privilège de situation.

Un débat pipé

Mais il n’est pas le seul. Des acteurs le font partout, comme l’a montré l’actualité récente. Ainsi les personnels de la SNCF ont-ils réussi à négocier une adaptation de leurs conditions de départ à la retraite plus favorable que celles que la loi de 2023 impose à l’ensemble des salariés : ici encore, savoir si la pénibilité de leurs métiers mérite un traitement d’exception ouvre un débat pipé.

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Paris 2024 : l’Etat accroît d’« une dizaine de millions d’euros » son soutien à la sécurité privée pour l’aider à recruter

L’Etat a amplifié son « coup de pouce » à la filière de la sécurité privée afin que celle-ci soit en mesure de fournir 17 000 agents en moyenne quotidienne – 22 000 au pic – durant les Jeux olympiques et paralympiques cet été. Ce sont tout d’abord les sommes engagées pour les formations aux métiers de la sécurité, notamment à destination des demandeurs d’emploi, afin de les faire embaucher par les entreprises du secteur pour les Jeux, qui ont été augmentées.

« L’Etat, sous l’autorité de la ministre du travail, vient de remettre une dizaine de millions d’euros », a déclaré le préfet de la région Ile-de-France, Marc Guillaume, le 24 mai sur le plateau de Figaro TV. Le soutien de l’Etat s’élève ainsi désormais à « plus d’une cinquantaine de millions » d’euros.

Initialement, ce sont 46 millions d’euros qui avaient été débloqués (dont 31 millions sur la seule année 2023) pour acheter 20 000 formations relatives aux métiers de la sécurité. Soucieux d’anticiper les possibles no show, c’est-à-dire le défaut de présentation des agents de sécurité sur leur lieu de travail, le gouvernement a revu à la hausse, en avril, les objectifs de formation et de recrutement. C’est ce qui a conduit à accroître les financements.

Pour la seule région Ile-de-France, où se concentrent les sites olympiques et paralympiques, et donc les besoins de sécurité, « nous devions faire 20 000 formations. Nous sommes à 23 000 réalisées, pour [un objectif de] 25 000 à fin juin », selon le préfet de région. Sur le plan national, 28 000 entrées en formation et 20 000 recrutements sont prévus.

Une « aide exceptionnelle » pour attirer les candidats

Le soutien de la puissance publique à la filière de la sécurité privée ne se borne pas à proposer des formations « gratuites ». Pour attirer des candidats vers ces métiers, où les conditions de travail et les rémunérations ne sont pas des plus attractives, une « aide exceptionnelle » a été instituée afin de favoriser les recrutements.

Il s’agit d’une prime de 600 euros, proposée depuis le début d’avril par l’Etat. Acté le 29 mars par le conseil d’administration de France Travail, ce soutien financier vise aussi bien les demandeurs d’emploi que les étudiants volontaires, à la condition qu’ils ne résident pas en Ile-de-France.

Le conseil régional d’Ile-de-France a, en effet, lui-même mis en place une prime de 600 euros pour celles et ceux qui s’engagent dans une formation – avec possibilité d’un versement de 1 400 euros supplémentaires en cas de contrat de travail (sans condition de durée) conclu avant le 30 septembre.

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Assurance-chômage : une réforme au goût amer

Le durcissement des règles de l’assurance-chômage constituera l’un des principaux marqueurs des deux quinquennats d’Emmanuel Macron. Avec en ligne de mire l’atteinte du plein-emploi en 2027, le président de la République a multiplié les changements de règles, qui se sont traduits par trois réformes en moins de cinq ans. Les détails de la dernière ont été précisés, dimanche 26 mai, par le premier ministre, Gabriel Attal, dans un entretien à La Tribune Dimanche. Il s’agit d’un nouveau tour de vis, qui entrera en vigueur le 1er décembre.

La rhétorique du gouvernement consiste à convaincre que, pour préserver notre modèle social, il est indispensable de s’attaquer à sa générosité. Les chômeurs sont d’importants contributeurs à cette logique. Jugeant que les règles actuelles d’indemnisation ne sont pas suffisamment incitatives à la reprise d’activité, l’idée consiste à rogner sur les droits des sans-emploi. La France se rapprocherait ainsi des standards en vigueur en Europe.

Le temps de travail nécessaire pour prétendre à une allocation est sensiblement allongé, la durée d’indemnisation, elle, est raccourcie. Et, en cas d’amélioration du marché du travail, les règles seront encore durcies. L’Etat resserre ainsi un peu plus son emprise sur un régime qui est théoriquement géré par les partenaires sociaux, mais dont la gouvernance relève de moins en moins du paritarisme.

Finalité discutable

Les modalités par lesquelles le gouvernement compte atteindre ses objectifs posent néanmoins des questions en termes de cohérence, de finalité et de justice. La cohérence manque cruellement. Ce nouveau durcissement intervient au moment où le marché du travail marque le pas. Le principe de contracyclicité qu’a voulu instaurer le gouvernement se trouve donc en porte-à-faux. Par ailleurs, cette réforme est annoncée alors que l’impact des deux précédentes n’a pas été pleinement évalué. La méthode donne le sentiment que le gouvernement avance à tâtons sans nécessairement prendre en compte les conséquences sociales, qui laisseront un goût amer à nombre de chômeurs.

La finalité est également discutable. Les nouvelles règles doivent permettre de pourvoir 90 000 postes. L’objectif paraît bien peu ambitieux au regard des enjeux financiers affichés. Les économies attendues se chiffreraient à 3,6 milliards d’euros par an, soit plus de 10 % du montant total des allocations versées en 2023. De quoi interpréter cette réforme davantage comme une façon de trouver dans l’urgence des marges de manœuvre budgétaires, plutôt que d’apporter des solutions pérennes au chômage de masse.

Enfin se pose la question de la justice sociale d’une réforme qui va affecter en premier lieu les jeunes et les plus précaires (intérimaires, saisonniers, salariés en contrats courts). S’attaquer à la prétendue « générosité » du système, c’est aussi oublier qu’un peu moins de la moitié des personnes sans emploi ne touchent aucune indemnité. En contrepartie, l’effort demandé aux employeurs pour apporter leur contribution à l’amélioration du marché du travail n’est à ce stade qu’une promesse. L’éventuel durcissement des sanctions contre l’abus des contrats courts est renvoyé à un futur texte dont les contours restent flous.

Quant au dispositif consistant à préserver le salaire des chômeurs les plus âgés acceptant de reprendre un emploi moins bien payé que leur ancien poste, il risque d’inciter les employeurs à recruter des salariés expérimentés à bon compte, le tout financé par la collectivité. Le gouvernement accélère sur la route du plein-emploi au risque de confondre vitesse et précipitation.

Lire aussi le portrait | Article réservé à nos abonnés Catherine Vautrin, ministre du travail à temps partiel

Le Monde

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Semaine décisive pour l’avenir d’Ascometal, en redressement judiciaire

Dans l’usine Ascométal de Hagondange, en mai 2014.

En Lorraine et dans la Loire, l’annonce a fait l’effet d’une bombe. Dans un courrier très argumenté, le sidérurgiste italien Acciaierie Venete a fait savoir, jeudi 23 mai, à l’administrateur chargé du redressement judiciaire d’Ascometal qu’il se retirait des discussions sur la reprise du pôle automobile, qu’il négocie pourtant depuis des mois. Une catastrophe pour les 627 employés des sites de Hagondange (Moselle), qui abrite le siège social, le centre de recherche sur les aciers spéciaux et une usine, de Custines (Meurthe-et-Moselle) et du Marais à Saint-Etienne. Venete est le seul repreneur déclaré. Et la date limite de dépôt des candidatures est fixée à lundi 27 mai à minuit, le tribunal de commerce de Strasbourg devant se prononcer jeudi 30 mai.

En redressement judiciaire depuis le mois de mars, après le désengagement de son actuel actionnaire Swiss Steel, le sidérurgiste Ascometal (1 125 emplois répartis sur cinq sites) joue son avenir devant le tribunal de commerce de Strasbourg, et les doutes de ces derniers jours n’augurent rien de bon. Sa vente à la découpe pourrait connaître des fortunes diverses. Si les discussions autour du pôle automobile sont au point mort, celles pour la reprise des sites de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et Dunkerque (Nord) ont bien avancé.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Ascométal : vers un troisième redressement judiciaire en dix ans

Sur le sujet épineux – celui du pôle automobile – une des conditions suspensives de son offre, depuis plusieurs mois, n’a toujours pas été levée. Elle exige que le désamiantage et le dépoussiérage de l’usine de Hagondange, chiffrés à 11 millions d’euros, soient pris en charge par Swiss Steel. Alessandro Banzato, président de Venete, émet aussi des doutes sur les financements publics en complément de son apport en capital de 30 millions d’euros. Selon lui, ils ne suffiraient pas à compenser « la dégradation de contexte du marché, [à répondre aux] préoccupations sur la véritable valeur des stocks et moins encore [à] financer les coûts de désamiantage et de dépoussiérage ».

« Un cataclysme incroyable »

L’annonce a agité lors du dernier week-end de mai les services de l’Etat et plus précisément le comité interministériel de restructuration industrielle chargé d’accompagner cette transition, qui se voulait en douceur. Gabriel Attal devait recevoir, lundi après-midi, Franck Leroy, président de la région Grand-Est. « L’échec de cette reprise serait un cataclysme incroyable pour le territoire. Hagondange possède de vrais atouts avec des équipements rares et à la pointe. On doit trouver une solution. On y travaille avec Roland Lescure, le ministre de l’industrie, la région Grand-Est et les collectivités locales », martèle le député Renaissance messin Belkhir Belhaddad. Il veut remettre tout le monde autour de la table des négociations. « On a besoin d’encore un peu de temps. La priorité est d’obtenir une prolongation du redressement judiciaire afin d’arriver à un accord sur cette question du désamiantage. L’Etat italien étant déjà présent au côté de Venete, cette offre doit aussi être renforcée par une prise de participation de l’Etat français. Il faut obtenir un co-investissement, notamment en mobilisant Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations, et pas juste une garantie d’emprunt », poursuit l’élu de Moselle.

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