Pour recruter des chauffeurs routiers, « on ne leur vend pas du rêve »
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Il faut du métier pour conduire un semi-remorque de 44 tonnes sur les routes départementales qui mènent à Saint-Laurent-sur-Gorre (Haute-Vienne). Dans ce bout de campagne limousine, les chaussées, bordées de champs et d’arbres, sont étroites. Sylvie Granet en sait quelque chose : elle les sillonne depuis trente-six ans. L’élégante blonde au regard perçant en avait 18 quand André Roulaud lui a confié les clés de son premier camion. C’est pour Laurence, sa petite-fille, que la conductrice parcourt aujourd’hui la France et l’Europe. « Ce travail, confie-t-elle au pied du monstre bleu qui lui sert si souvent de maison, on ne le fait pas parce qu’on n’a rien trouvé d’autre. Il faut aimer ça, être, sans doute, un peu sauvage. » Aussi, les vocations se font rares. Au point de provoquer régulièrement des pénuries de main-d’œuvre.
En 2017, reprise économique oblige, près de 10 600 emplois de chauffeur ont été créés, d’après l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications dans les transports et la logistique (OPTL). La même année, le secteur, tous postes confondus, a passé le cap historique des 700 000 salariés. Mais cela n’a pas suffi. Selon la Fédération nationale des transports routiers, près de 20 000 postes sont toujours à pourvoir.
Pour faire tourner ses soixante poids lourds, Laurence Roulaud a compris tôt qu’elle devrait diversifier ses canaux de recrutement. Intérim, job dating, forums… Avec une trentaine d’autres chefs d’entreprise, elle a également rejoint un groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification (GEIQ) qui forme, chaque année, des dizaines de chauffeurs et mécaniciens pour la Corrèze, la Creuse et la Haute-Vienne. Les intéressés passent de neuf à seize mois en alternance, le temps d’obtenir leur permis puis de se frotter au métier. Une formation entièrement prise en charge financièrement. Résultat : depuis 2011, 260 contrats de professionnalisation ont été signés.
Les chauffeurs disposent encore d’une vraie liberté
« Pour trouver des candidats, Le Bon Coin reste le moyen le plus efficace, mais Pôle emploi a aussi beaucoup amélioré son traitement des demandes, explique François Cenut, le directeur du GEIQ. L’objectif, c’est de détecter des gens qui ont envie de faire ça. On ne leur vend pas du rêve : dans le transport, on sait quand on part, pas quand on rentre. Il y a des découchés, des heures à attendre. Mais pour des jeunes sans diplôme, c’est un moyen de gagner de l’argent. Près de 2 000 euros net avec les primes, en moyenne. »