Suite à la ruine de British Steel, l’usine d’Hayange craint pour son ravitaillement

L’usine d’Hayange, en Moselle, en mars 2017.
L’usine d’Hayange, en Moselle, en mars 2017. Vincent Kessler / REUTERS

Les 420 travailleurs de l’usine British Steel d’Hayange, en Moselle, ne sont pas aussitôt concernés par la ruine de leur maison mère au Royaume-Uni. Mais ils craignent de ne plus être ravitaillés en matière première pour produire des rails.

Depuis mercredi midi, il s’essaie de dissimuler les inquiétudes des 420 travailleurs. « Notre société n’est pas dans le périmètre de la ruine de British Steel », insiste-t-il. Grégory Zabot, le secrétaire CFDT du comité social et économique (CSE) de l’usine d’Hayange, en Moselle, en a eu la confiance : ce site de production dépend directement de la société Olympus Steel Limited, propriété du fonds d’investissement britannique Greybull Capital. « Olympus Steel n’est pas en faillite, ajoute le représentant syndical. Les fonds de notre société ne sont pas bloqués et il n’y a pas de mandataire judiciaire. »

Pour autant, les travailleurs hayangeois ne sont pas intégralement rassurés. En effet, leur usine, qui produit des rails pour des lignes de chemin de fer, de tramway ou de métro, pourrait se percevoir sans provision. « Pour fabriquer des rails, nous utilisons exclusivement des blooms [des barres d’acier] produits à Scunthorpe, au Royaume-Uni, sur des hauts-fourneaux appartenant à British Steel, souligne Tony Greco, le directeur du site. Or ces aménagements sont aussitôt menacés par la ruine. Si la production s’arrêtait à Scunthorpe, l’usine d’Hayange ne serait plus alimentée en matière première. »

Certes, l’usine possède un stock de blooms formé en vue du Brexit. Mais, déclare M. Greco, « il nous permettrait de tenir environ un mois et demi. Après, c’est l’incertitude ». « Pourtant, et c’est là le grand paradoxe de notre situation, le carnet de commandes n’a jamais été aussi plein. Nous avons déjà vendu 280 000 tonnes de rails pour l’année 2019 », ajoute-t-il.

L’usine British Steel d’Hayange fourni 320 000 tonnes de rails chaque année, surtout à destination de l’Europe. Ce sont des rails de 108 mètres de long, avec une centaine de profils différents. A elle seule, la SNCF achète un tiers de la production de l’usine. « Notre savoir-faire est reconnu », souligne Grégory Zabot.

Déclin de la métallurgie lorraine

« Cette usine est spécialisée dans un segment du marché sur lequel il y a peu de concurrents, expose de son côté le maire RN (ex-FN) d’Hayange, Fabien Engelmann. C’est la raison pour laquelle je reste optimiste. » Le site a d’ailleurs contrarié au lent déclin de la métallurgie lorraine, même si les grandes manœuvres capitalistiques dans l’économie de l’acier l’ont conduit à changer de mains et de noms à plusieurs reprises depuis sa création : Saint-Jacques, Sacilor, Unimétal, Corus Rail, puis Tata Steel en 2010 et, enfin, British Steel en 2016. En Europe, son principal rival sur le marché des rails est ArcelorMittal.

USA : « Captiver les plus diplômés dissimule un défi déterminant, l’économie a une nécessité urgent… de main-d’œuvre peu compétente »

« Ironiquement, la volonté de Donald Trump de limiter l’immigration peu qualifiée pourrait nuire à un autre projet phare de son mandat : la rénovation massive des infrastructures du pays (routes, aéroports), et ceci faute de main-d’œuvre suffisante. »
« Ironiquement, la volonté de Donald Trump de limiter l’immigration peu qualifiée pourrait nuire à un autre projet phare de son mandat : la rénovation massive des infrastructures du pays (routes, aéroports), et ceci faute de main-d’œuvre suffisante. » Ingram / GraphicObsession

Le professeur de sciences politiques, Paul May critique à l’administration Trump de protéger l’immigration des élites alors que des secteurs de l’hôtellerie, l’agriculture et la construction carence affreusement de main-d’œuvre.

Le 16 mai, le président des Etats-Unis, Donald Trump a divulgué son projet de réforme du système d’immigration, qui devra être controversé au Congrès dans les mois à venir. Son but admet à « attirer les meilleurs et les plus brillants à travers le monde ». Présentement, environ deux tiers des nouveaux résidents incessants sont acceptés sur une base familiale (souvent parce qu’un membre de leur famille vit déjà dans le pays), tandis que 12 % sont admis en raison de leurs expériences professionnelles ou de leurs diplômes.

Le gouvernement assure vouloir modifier ces proportions. Pourtant, cette accentuation sur le besoin de captiver les plus diplômés dissimule un défi décisif pour le pays : des secteurs entiers de l’économie américaine ont un besoin urgent… de main-d’œuvre peu qualifiée. Cette réalité peut avérer contre-intuitive à une époque où il est convenu d’accentuer l’importance des investissements dans les technologies du numérique et dans l’économie du savoir.

Or, il s’aperçoit que la prospérité américaine ne repose pas seulement sur les entrepreneurs et les ingénieurs de la Silicon Valley, mais aussi sur les cohortes de travailleurs peu qualifiés dans des secteurs comme l’hôtellerie, l’agriculture ou la construction. Les représentants de ces secteurs assurent régulièrement avoir des nécessités à recruter des candidats pour combler certains postes de base au sein de leurs entreprises. Ils se dirigent alors vers la main-d’œuvre immigrée, que celle-ci soit entrée constitutionnellement sur le territoire ou non.

Forte demande de travail peu qualifié

D’après les chiffres diffusés par le PEW Research Center, les immigrés occupent 46 % des emplois dans le domaine de l’agriculture, de la pêche et la foresterie, 35 % dans le domaine du nettoyage et de l’entretien des bâtiments, et 27 % dans la construction et l’extraction. De surcroît, selon les évaluations du ministère du travail (Department of Labor), les sans-papiers sont très présents dans certaines professions : ils rappelleraient 47 % des ouvriers agricoles, 29 % des couvreurs, et 24 % des agents d’entretien. Cette sollicitation de travail peu qualifié touche également le secteur tertiaire, et augmentera dans les années à venir : les services de complément aux personnes âgées et de soins à domicile sont spécialement concernés en raison du vieillissement de la population.

Ironiquement, la volonté de Donald Trump de borner l’immigration peu qualifiée pourrait nuire à un autre projet phare de son mandat : la réhabilitation massive des infrastructures du pays (routes, ponts, aéroports), et ceci faute de main-d’œuvre suffisante. Dans le secteur agricole, les carences de main-d’œuvre ont d’ailleurs déjà entraîné une perte de revenus de 3 milliards de dollars entre 2002-2014.

Le travail pénible, un problème mondial

Quoi d’habituel entre une Ethiopienne travaillant dans l’une des usines textiles de son pays, rémunérée 23 euros par mois à coudre des vêtements pour les grandes marques occidentales, et le porteur à vélo qui sillonne Paris, Londres ou New York pour quelques euros, au péril de sa vie ? Entre la jeune Malgache qui chemine vingt heures par jour chez un propriétaire aisé, avec à peine de quoi pourvoir à ses besoins, et l’ouvrier du bâtiment grec qui fait des chantiers au noir pour « arranger » son patron ? Aux yeux de l’Organisation internationale du travail (OIT), aucun d’eux n’utilise ce qu’il est convenu d’appeler un « travail décent ». Un travail irréprochable, correctement payé, qui s’exerce dans de bonnes conditions de sécurité et qui procure un minimum de protection sociale pour le travailleur et sa famille. Un travail qui laisse la possibilité d’entrevoir un avenir meilleur.

Déduction pour laquelle l’OIT et l’Agence française de développement (AFD) arrangent le 24 mai, à Paris, la conférence « Emplois décents et lien social : un enjeu démocratique mondial »

A l’échelle universelle, outre la lutte contre le chômage, l’enjeu est actuellement de défendre l’éventualité pour chacun d’accéder à un travail décent, un concept élaboré il y a une quinzaine d’années par l’OIT, dans le sillage de la crise économique et financière de 2008. « En 2015, au cours de l’assemblée générale, les Nations unies ont inscrit le travail décent comme un facteur de développement et non comme une résultante », déclare Cyril Cosme, directeur de l’OIT pour la France.

80 % des sociétés sont informelles

Et l’enjeu est de taille. Selon les chiffres de l’OIT, 50 % de la main-d’œuvre mondiale (2,5 milliards de personnes) exerce des activités de production dans le secteur officiel. Une expertise déjà étendu, qui monte à neuf personnes sur dix dans les pays à revenu faible, contre deux sur dix dans les pays développés. « 80 % des entreprises du monde sont informelles, ce qui recouvre l’économie non déclarée ou non couverte par la loi comme le travail domestique. Il se peut aussi que la loi existe mais ne protège pas, car elle n’est pas appliquée, spécifie Philippe Marcadent, coordinateur des travaux sur le travail informel à l’OIT. On est donc, au bout du compte, sur la très grande majorité des travailleurs : au fond, c’est plutôt l’emploi formel qui fait exception. »

Les secteurs les plus affectés par le travail informel sont aussi ceux qui font amplement vivre les pays en développement : l’agriculture et la pêche, premier secteur inventif d’emplois dans le monde, qui relève de conditions très précaires ; l’exploitation des ressources naturelles telles que le cacao et le tabac, le textile, l’habillement… Des secteurs où bien fréquemment le travail ne protège pas de la pauvreté et de l’insécurité : en 2015, selon les chiffres des Nations unies, 2,2 milliards de personnes vivaient avec moins de 2 dollars par jour, dont 780 millions employaient pourtant un emploi ; en 2018, toutes les quinze secondes, une personne mourait, quelque part dans le monde, d’un accident ou d’une maladie liés au travail ; plus de 45 % des travailleurs domestiques dans le monde n’ont aucun jour de congé (OIT 2013) ; neuf laborieux sur dix en Afrique subsaharienne n’ont aucune protection sociale (AFD 2018)…

Ce serait malgré cela une erreur de croire que la question ne touche que les pays les plus pauvres. La notion de législation ne suffit pas pour qu’un emploi puisse être qualifié de « décent ». « En Grèce, par exemple, environ 35 % du travail n’est pas déclaré, mais il s’exerce souvent dans des entreprises qui, elles, sont déclarées », précise Philippe Marcadent. Par ailleurs, les pays les plus riches protègent ou entretiennent à leur manière le fléau à travers leurs chaînes d’approvisionnement, qu’il se réalise de textile, de minerai, de cacao ou d’autres matières premières.

« Accroître les protections »

C’est légitimement la diversité des conditions et des formes de travail qui rend complexe la question du travail décent. Si le travail au noir, en Europe par exemple, peut être contrôlé et sanctionné par des structures adéquates, telles que les services d’inspection du travail, « en Afrique, pour les travailleurs des rues, cela ne servirait strictement à rien, souligne Philippe Marcadent. La ligne fondamentale est d’accroître les protections ; si certaines personnes ne vont jamais entrer dans un travail formel, on peut néanmoins essayer d’obtenir des conditions de travail meilleures, la base étant une protection sociale pour tous ».

Agir en faveur de l’emploi décent implique donc d’appréhender les situations de manière différente selon les pays, les situations personnelles et les parcours des individus, les secteurs concernés… L’OIT mène en partenariat avec l’Agence française de développement (AFD) et d’autres institutions de nombreuses actions sur le terrain, à la fois pour assister l’accès d’un maximum de personnes à l’emploi salarié ou à l’autoemploi, pour conduire les personnes en renforçant l’employabilité à travers la formation ou la qualification. Dernièrement, dans un camp de réfugiés syriens installé en Jordanie, l’OIT, en lien avec l’Union européenne, a organisé un « marché de l’emploi » entre les entreprises locales et les hommes et les femmes du camp, pour leur permettre de trouver un travail rémunéré et améliorer leurs conditions de vie. Autre exemple, totalement différent : un projet mené à Madagascar. Il s’agissait de découvrir les situations de servitude des enfants, pour les inciter à faire évoluer leur condition. Définitivement, 200 enfants sont entrés en formation et 2 500 ont abandonné leur « emploi ». Peu, au regard du nombre d’enfants intéressés par le travail forcé dans le pays, évalué à 2 millions, mais qui peut protéger une prise de conscience collective.

Ce dossier est accompli dans le cadre d’une collaboration avec l’AFD.

« Emplois décents et lien social »

La conférence « Emplois décents et lien social : un enjeu démocratique mondial », structurée par l’Agence française de développement (AFD) et l’Organisation internationale du travail (OIT), se développera le 24 mai, à Vivacity, 155, rue de Bercy, Paris (12e).

9 h Discours d’ouverture. Rémy Rioux, DG de l’AFD ; Moussa Oumarou, DGA du Bureau international du travail (BIT).

9 h 30 « Points de vue sur l’avenir du travail », avec Anousheh Karvar, déléguée du gouvernement français au conseil d’administration de l’OIT.

10 h 30 « Emplois décents et mondialisation. Comment promouvoir des chaînes d’approvisionnement responsables ? », avec Vic van Vuuren, directeur du département des entreprises du BIT.

11 h 45 « L’égalité professionnelle : comment favoriser l’accès des femmes aux opportunités économiques ? », avec Shauna Olney, chef du service genre du BIT.

14 h « Les facettes de l’informalité : quels leviers pour protéger les travailleurs et développer l’emploi ? », avec François Roubaud, directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement.

15h45 « Le climat et la transition juste : comment protéger le travail ? », avec Gaël Giraud, chef économiste de l’AFD.

17h Clôture. Laurence Breton-Moyet, directrice exécutive de la stratégie, des partenariats et de la communication (AFD), et Cyril Cosme, directeur du bureau de l’OIT.

La bataille des petits constructeurs italiens pour survivre

Un atelier de réparation de bateaux, à Meta di Sorrento, dans le sud de l’Italie.
Un atelier de réparation de bateaux, à Meta di Sorrento, dans le sud de l’Italie. SANDRO MADDALENA / AFP

En trois générations, l’entreprise familiale Vanzini, à Turin, a émotionné le fond.

A 5 h 45, le soleil est aussi bas et Stefano Vanzini est dès maintenant au bureau. Les enfants reposent. « Nous sommes débordés, par la faute de la bureaucratie. Il y a dix ans, nous envisagions d’acheter des bâtiments et des entrepôts, maintenant nous pensons à les vendre. »

Son entreprise artisanale était une petite autorité de peinture, modèle d’absolue dans l’industrie du bâtiment, engendrée par son père Franco en 1945. Juste après la seconde guerre mondiale, il y avait urgence à lancer l’économie et Fiat, à Turin, a été l’une des premières entreprises à quitter. En peu de temps, elle est transformée le client le plus solide de M. Vanzini. Puis, dans les années 1960, Sip, l’entreprise italienne de télécommunications, arrière-grand-mère de Telecom, s’y est additionnée, assuré à l’artisan turinois et à ses salariés la peinture des cabines téléphoniques.

A cette époque, Turin, capitale industrielle du nord de l’Italie, captivait des trains d’immigrants du sud ; signe du climat d’espoir et d’augmentation économique, le Circarama, un système de projection à 360 degrés de Walt Disney, était même parvenu dans la ville. Né en 1962, Stefano Vanzini s’évoque du travail acharné et de l’enthousiasme de son père, qui ne s’est jamais agréé un seul jour de vacances et qui « a réinvesti dans l’entreprise tout ce qu’il a gagné ». Ce n’est que grâce « aux efforts de mon père, explique-t-il, que nous sommes là actuellement, car sinon la crise de l’après-2008 nous aurait emportés ».

L’édifice est resté le même, bâtit par les meilleurs ingénieurs de l’époque, et les machines, le mélangeur de 360 kg et l’affûteuse à rouleaux en granit, cheminent continuellement. « Mon père les a achetées à Virgilio Maroso del Grande Torino, qui écrivait des chocolats. C’est difficile à croire, mais les mêmes machines sont utilisées pour traiter le chocolat et les peintures. »

Une augmentation atone, la plus faible d’Europe

Au plus fort de son dilatation, dans les années 1980 et 1990, le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise était de 1,2 million de lires. Suffisamment pour offrir à la famille Vanzini un niveau de vie commode, des vacances dans les stations chics de la Riviera Ligure et à la montagne, avec deux nounous pour les enfants. L’entreprise artisanale usait soixante ouvriers. « Je peux dire que nous n’avons jamais licencié personne », déclare M. Vanzini.

La silice, ce minéral qui expose « un danger sanitaire très élevé » pour les employées

L’Agence nationale de sécurité du travail préconise des mesures d’appui affermies contre ce minéral cancérogène.

Alerte à la silice cristalline ! Ce minéral, très commun dans plusieurs secteurs d’activité – la construction, surtout –, présente « un risque sanitaire particulièrement élevé » pour des dizaines de milliers de salariés. C’est la conclusion d’un « avis » distribué mercredi 22 mai par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). L’expertise, d’une quarantaine de pages, formule beaucoup de recommandations pour progresser la « protection » des personnes en « milieu professionnel ».

La toxicité éventuelle de la silice cristalline est identifiée depuis longtemps. En 1997, elle avait été ordonnée « en tant que substance cancérogène avérée pour l’homme » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Dans plusieurs pays (Israël, Espagne, Etats-Unis…), des recherches avaient par ailleurs présenté des « cas de silicoses graves » imputables « à l’usage de pierres reconstituées contenant de forts pourcentages » de ce minéral.

L’Anses a donc désiré procéder à un « état des lieux » sur la problématique, en mettant la focale sur le monde du travail. Car la silice fait l’objet d’une multitude d’« applications » : fonderie, verrerie, peintures, etc.

De cette enquête, il ressort que « près de 365 000 travailleurs » en France subsisteraient en contact, par inhalation, avec de la silice cristalline. Pour 23 000 à 30 000 d’entre eux, le niveau d’exposition dépasserait « la valeur limite » admise en situation professionnelle par la codification – soit 0,1 mg par m³, à l’heure actuelle. Quatre branches d’activité « sont plus particulièrement concernées » : le bâtiment et les travaux publics, en tout premier lieu, suivis par les entreprises fabriquant des produits minéraux non métalliques (ciment, verre, briques…), la métallurgie et les industries extractives.

Une instruction européenne de 2004 à appliquer

Or il se trouve que « l’exposition professionnelle à la silice est associée, de manière certaine, à plusieurs atteintes pulmonaires », surtout la silicose. Le lien avec le développement du « cancer broncho-pulmonaire » est aussi « confirmé », tout comme le risque accru de contracter une « maladie auto-immune » (par exemple la polyarthrite rhumatoïde) ou des « pathologies respiratoires non malignes » comme la tuberculose.

De 2001 à 2017, un peu plus 4 500 « problèmes de santé en relation avec le travail, réunis à la silice » ont été dénombrés. Dans deux cas sur trois, il s’agissait d’un cancer du poumon ou d’une silicose.

Dès lors, des comptes s’imposent. Avec un antérieur indispensable, insiste l’Anses : il faut dorénavant que la France place une directive européenne de 2004 relative à « la protection des travailleurs » mesurés, dans leurs tâches, à des agents cancérogènes – ce qui n’est pas le cas, actuellement. Autre recommandation : réviser les « valeurs limites » en vigueur pour les laborieux, le seuil de 0,1 mg par m³ n’étant « pas suffisamment protect[eur] ».

Des recommandations sont aussi formulées pour « les particuliers » qui utilisent des matériaux contenant de la silice cristalline ou accomplissent « des opérations de bricolage » (découpage de carrelage ou de béton, ponçage de mortier…) : pour eux, il pourrait être inventé « de nouveaux moyens de communication et d’information » sur les essaies encourus.

 

En Afrique du Sud, le parcours des problèmes pour avoir un job

Des partisans du nouveau président Cyril Ramaphosa, à Johannesburg, le 12 mai, lors d’un rassemblement après la victoire de son parti, le Congrès national africain, aux élections générales.
Des partisans du nouveau président Cyril Ramaphosa, à Johannesburg, le 12 mai, lors d’un rassemblement après la victoire de son parti, le Congrès national africain, aux élections générales. Ben Curtis / AP

Cyril Ramaphosa, le nouveau président sud-africain,  qui sera assailli samedi 25 mai, s’est fixé une mission : réduire un chômage endémique, qui touche 27,6 %  de la population active et marque un jeune sur deux.

« Vous lui direz ? Vous lui parlerez à Cyril Ramaphosa que je ne trouve pas de travail malgré mes deux diplômes ? » Maurice Zondo, 25 ans, écume Vilakazi Street, la rue la plus touristique de Soweto, à Johannesburg. A défaut d’un travail, le jeune homme mendie quelques pièces pour pouvoir manger. « Ma famille se plaint de moi. Mais j’ai fait des photocopies de mon CV, je les ai laissées partout depuis trois mois, et rien ! », se lamente-t-il.

Comme un jeune sur deux au pays de « Madiba », Maurice est sans emploi, un malheur qui touche 27,6 % de la population active, d’après les chiffres publiés mardi 14 mai par l’Institut sud-africain de statistiques. Suite directe d’une économie morose et d’un taux d’accroissement qui s’approche habituellement de zéro depuis 2008, le manque d’emploi sera la première des priorités de Cyril Ramaphosa, dont le parti – le Congrès national africain (ANC) – est sorti victorieux des élections générales du 8 mai. Et ce, malgré l’usure du pouvoir et le discrédit causé par des scandales de corruption qui ont plombé la présidence de Jacob Zuma (2009-2018). La performance est octroyée à Cyril Ramaphosa : rond et accommodant, il tranquillise les milieux d’affaires et apparaît comme l’homme de la situation pour rétablir l’économie.

Le triptyque chômage-drogue-criminalité

La tâche du nouveau président – qui sera assiégé samedi 25 mai à Pretoria – est grandiose : en Afrique du Sud, le chômage est structurel et devance les 20 % de la population active depuis 1994. Héritage du régime de l’apartheid sous lequel les populations noires ont été dépouillées de la terre et intentionnellement parquées en dehors des centres urbains où s’assemble l’activité économique, il se développe aussi par des raisons seulement démographiques : le nombre de créations d’emplois ne suit pas la croissance de la population. Comme ailleurs, la crise économique de 2008 et la dépendance du pays aux matières premières qui ont aggravé sa vulnérabilité aux nombreux licenciements dans le secteur des mines ont augmenté le phénomène. Enfin, le système éducatif, décrié de toutes parts, est au bord de l’implosion et ne fait qu’appuyer des différences qu’il serait censé corriger.

Dans le cas de Maurice, pas besoin d’explorer bien loin ce qui pourrait rejeter de potentiels employeurs : le jeune homme sort tout juste de prison, où il a parvenu ses certificats, en cuisine et en soudure. A lui seul, il incarne le triptyque infernal chômage-drogue-criminalité, qui intoxique la jeunesse sud-africaine, tout spécialement la génération des « Born Free », née après 1994, qui n’a pas connu l’apartheid.


Le destin de British Steel, au bord de la ruine

A l’usine British Steel de Scunthorpe, dans le nord de l’Angleterre, en septembre 2016.
A l’usine British Steel de Scunthorpe, dans le nord de l’Angleterre, en septembre 2016. LINDSEY PARNABY / AFP

Le métallurgiste pourrait installer le bilan dès mercredi si l’état britannique ne lui accorde pas une aide de 30 millions de livres sterling.

Le métallurgiste British Steel est au bord de la ruine et pourrait déposer le bilan dès mercredi 22 mai, faute d’un accord avec le gouvernement britannique pour un plan de sauvetage de dernière minute. L’entreprise, qui emploie 5 000 personnes, sollicite une aide de 30 millions de livres sterling (34 millions d’euros) à l’Etat britannique, mais, selon nos informations, les négociations en cours étaient dans la difficulté, mardi 21 mai au soir.

A la veille des élections européennes (les Britanniques votent jeudi), l’affaire prend un tour politique. Jeremy Corbyn, le chef de l’opposition travailliste, appelle à mobiliser partiellement l’entreprise en cas d’échec du plan d’aide. « Le gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir, dans les strictes limites légales », a répliqué confusément Andrew Stephenson, secrétaire d’Etat aux entreprises.

Dans les 20 000 emplois indirects sont en jeu. En France, le sort de l’usine d’Hayange (Moselle), déchaînée par British Steel, est problématique. « Des assurances ont été données, affirme une source à Bercy. L’ex-Sogérail, qui produit des rails pour les réseaux ferroviaires, dépend d’une structure juridique différente de British Steel UK et devrait donc survivre à une défaillance de cette entreprise. » De même, la reprise d’Ascoval, avisée le 2 mai, est pour l’heure réaffirmée, son acquisition étant accomplie par Greybull Capital, la maison mère de British Steel, et non cette dernière.

« Fric, fric, fric »

Si le dépôt de bilan de British Steel se réaffirme, cela viserait un échec supplémentaire pour Greybull Capital, derrière lequel se découvrent le Français Marc Meyohas et son associé britannique Daniel Goldstein. Le fonds d’investissement, établi à Londres, est spécialisé dans la correction d’entreprises dont plus personne ne veut.

« Marc Meyohas est un businessman, peu bavard, en mode fric, fric, fric », développe un salarié d’Ascoval, qui l’a aperçu. Le délégué syndical CGT Nacim Bardi (présent sur la liste PCF aux élections européennes) révèle pour sa part que « c’est quelqu’un qui sait ce qu’il veut, avec un profil type financier ». Et d’additionner : « Ce qui l’intéresse, c’est le gain, gagner de l’argent. »

Une source patronale qui a dû négocier avec lui confirme cette impression, tout en y additionnant un important bémol : la compétence. « Greybull Capital est un chasseur de primes, mais plus professionnel que les autres. Ils éprouvent très bien le marché de l’acier. Leur projet est sérieux : ils se sont assuré qu’il y aurait des débouchés, particulièrement à Hayange et aux Pays-Bas, où ils ont racheté [en 2017] FN Steel. »

« Revenir sur le barème de rémunération serait un signal périlleuse pour les sociétés »

« Avoir peur d’être licencié est légitime, mais avoir peur de ne jamais rebondir est une sanction plus terrible encore que ni l’employeur ni le salarié n’ont envie de connaître. » (Photo : conseil des prudhommes, à Nantes.)
« Avoir peur d’être licencié est légitime, mais avoir peur de ne jamais rebondir est une sanction plus terrible encore que ni l’employeur ni le salarié n’ont envie de connaître. » (Photo : conseil des prudhommes, à Nantes.) ALAIN LE BOT / Photononstop

François Asselin, chef d’un syndicat d’employeurs, met en garde contre les récentes remises en cause par les tribunaux de l’ordonnance bornant les compensations prud’homales.

Il n’y a pas si considérablement, lors de mes rencontres avec les chefs d’entreprise, la peur de recruter était le sujet qui, méthodiquement, revenait au cœur de nos échanges.

Parmi les ordonnances travail, nos discussions ont spécialement évolué. On ne me parle plus de peur de recruter mais de difficultés à trouver des compétences. Même si cette évolution n’est pas totalement satisfaisante, reconnaissons qu’elle est cependant plus rassurante. Elle permet à ceux qui prospectent un emploi d’attendre rebondir.

Pourquoi ce changement ?

Trois principes issus des ordonnances travail en sont la raison.

Le fond prime sur la forme

Tout d’abord, la constitution d’un barème obligatoire de rémunération en cas d’ajournement sans cause réelle et sérieuse. On peut ensuite invoquer le fait que le fond prime aussitôt sur la forme et, enfin, que la réduction du délai de recours a été ramenée de trois ans à un an.

Ces trois points indispensables ont mis fin à la financiarisation des conflits prud’homaux devenus, au fil des ans, une vraie loterie. Rien à perdre, tout à gagner !

D’une juridiction à une autre, pour des cas similaires, l’entreprise dominait se voir solliciter des sommes allant du simple au quintuple. Une simple erreur de forme, bien que une faute grave que personne ne pouvait contredire, et l’employeur se trouvait lourdement condamné. Et près de trois ans après avoir quitté l’entreprise, un salarié pouvait soudainement décider que, définitivement, il y avait lieu de traîner son ancien employeur devant les prud’hommes.

Tout cela est dorénavant terminé, car les ordonnances ont eu l’immense mérite de remettre du bon sens dans la procédure.

Combat personnel

Mais certains avocats se sont jurés de restituer en cause le fameux barème obligé. Ils en font un combat personnel. Rappelons malgré cela que ce barème n’est pas le fruit du hasard. Il a été établi en se basant sur la moyenne des sommes allouées lors des procès rendus dans les différents conseils.

Appuyons aussi qu’il permet une juste réparation lorsque l’ajournement a été jugé sans cause réelle et sérieuse. Sans oublier le fait que ségrégation et harcèlement n’entrent pas dans le barème. Précisons enfin qu’il ne restitue pas en cause la marge d’appréciation des juges en leur laissant une faculté de s’inscrire dans une fourchette.

De plus, il expose l’immense avantage de protéger les parties, qu’il s’agisse des entreprises ou des salariés, en leur évitant une action souvent longue, coûteuse et anxiogène, en les encourageant à négocier.

 

En France, les grandes pénuries des familles monoparentales

Christelle, 45 ans est la maman de deux filles : Maeva, 13 ans et Eve 7 ans, dont elle s’occupe seule. Elle exerce le métier d’assistante maternelle. Francheville (métropole de Lyon), le jeudi 2 Mai 2019.
Christelle, 45 ans est la maman de deux filles : Maeva, 13 ans et Eve 7 ans, dont elle s’occupe seule. Elle exerce le métier d’assistante maternelle. Francheville (métropole de Lyon), le jeudi 2 Mai 2019. 

En trente ans, le nombre de familles monoparentales a presque dépassé. 85 % sont faites par des femmes, fréquemment en grande nécessité.

C’est son « heure de pointe » à elle, chaque jour entre 11 h 45 et 13 heures. A peine dissimulée de l’école, il faut faire absorber les six enfants dans sa cuisine de quelques mètres carrés de l’Ouest lyonnais. Ses filles de 13 et 7 ans et les quatre petits qu’elle garde, âgés de 6 mois à 3 ans. Au pied de la gazinière, le blondinet sur son chaise longue recrache la purée qu’elle lui tend, durant que l’adolescente se plaint de rater de rösti. « Prends les miens », répond Christelle N. en tranchant le poulet. « Il faut avoir des yeux à 360 degrés et trois bras », badine l’assistante maternelle en fortifiant les manches qui immergent dans les carottes râpées. Fréquemment, elle en oublie de manger.

Depuis sept ans, c’est son tourbillon quotidien. A la rengaine « métro-boulot-dodo », Christelle N. a inventé la sienne : « maman solo-boulot-bobo ». Comme un quart des familles françaises, elle et ses filles forment un « foyer monoparental ». En trente ans, leur nombre a augmenté de 87 %.

Nouvelle priorité du quinquennat présidentiel

Le pays semble malgré cela les ­découvrir, à la faveur de la crise sociale des « gilets jaunes ». En novembre, les mères célibataires – 85 % des familles monoparentales sont coalitions par des femmes − ont été abondantes à gagner les ronds-points pour résilier leurs difficultés à attacher les fins de mois, au point qu’Emmanuel Macron en a fait une nouvelle préséance de son quinquennat.

A 45 ans, Christelle N. n’était pas de celle-là. « Comment je trouverais le temps de manifester quand aller aux toilettes est déjà un luxe ? », se questionne t-elle. La mère de famille a suivi « devant son écran » les luttes, qui, selon elle, ont autorisé de« rappeler qu’on tape toujours sur les mêmes, et que les banques trouvent toujours des moyens d’aider les riches à être plus riches et les pauvres à être plus pauvres ». Mais Christelle N. reste incrédule sur l’évolution du mouvement et la violence qu’il produit. « Au bout d’un moment, chacun veut tirer la couverture à soi. »

Les CV sont une longue énumération de ces petits boulots sous-payés, généralement féminins, qui abîment les corps.

Christelle N. a connu son lot de galères, même si elle a continuellement travaillé. Son CV est une longue litanie de ces petits boulots sous-payés, en majorité féminins, qui abîment les corps : femme de ménage, aide-soignante, serveuse, opératrice téléphonique… Les contrats, quand ils existent, sont continués au compte-gouttes.

Les grands groupes payent les études de leurs salariés

« Starbucks, qui a démarré son programme en 2014, est à l’avant-garde d’un effort de formation dans lequel se sont engagées de multiples compagnies. » (Photo: Starbucks, Los Angeles, 2018).
« Starbucks, qui a démarré son programme en 2014, est à l’avant-garde d’un effort de formation dans lequel se sont engagées de multiples compagnies. » (Photo: Starbucks, Los Angeles, 2018). Mike Blake / REUTERS

Plein emploi impose, pour se différencier de la concurrence, les sociétés américaines offrent à leurs salariés, souvent sans qualification, la possibilité de prendre le chemin de l’université.

Fiamma, 24 ans, la serveuse d’un Starbucks de Greensboro en Caroline du Nord, vient de fêter sa maîtrise de sciences politiques et de relations internationales à l’université d’Etat d’Arizona. Son mari avait même fait l’expédition pour la voir, en longue robe couleur framboise et mortier assorti, encaisser son diplôme. Un voyage tous frais payés, et les encensements de la direction du groupe Starbucks, ravie de voir sa barista réussir ses études supérieures.

La jeune étudiante est la première de sa famille à commercer les bancs virtuels de l’université. Et son employeur l’y a bien assisté. Quand elle a passé son entretien d’embauche chez Starbucks, on lui a de suite parlé des éventualités de formation interne. Ceux qui œuvrent au moins vingt heures par semaine peuvent s’inscrire aux 80 programmes en ligne offerts par l’université d’Arizona, s’étalant de la philosophie à l’ingénierie électrique. Starbucks s’engage à leur acquitter les quelques milliers de dollars de frais d’inscription.

« Mon manageur m’a bien soutenue, décalre Fiamma. Il m’a montré comment monter mon dossier et il s’est arrangé pour me faire travailler seulement deux jours par semaine. » Fiamma fait partie des 12 000 employés du groupe qui convoient les cours de l’Arizona State University et devraient admettre à l’entreprise d’atteindre son objectif de 25 000 diplômés en 2025.

Pour un dollar par jour

Starbucks, qui a commencé son programme en 2014, est à l’avant-garde d’un effort de formation dans lequel se sont embauchées de multiples compagnies. Les hypermarchés Walmart, les parcs d’attraction Disney, les restaurants Taco Bell et Chipotle, les cartes de crédit Discover, les grands magasins de bricolage Lowe’s… tous présentent à leurs troupes de retourner à l’école.

« Offrir des formations n’est pas nouveau, nuance Nicole Smith, économiste en chef du CEW (Center on Education and the Workforce) à l’université Georgetown (Washington DC). Depuis amplement, les grands groupes proposent à leurs cadres de se perfectionner. Mais ce qui est nouveau, c’est que tous les échelons de la hiérarchie sont actuellement concernés, du plus petit jusqu’au sommet. » Disney en Amérique a prévus de mettre 150 millions de dollars (135 millions d’euros) dans l’éducation de ses guides, artistes, caissières… Walmart, le numéro un mondial des hypermarchés, a ouvert en 2018 des cours en ligne de gestion, des formations sur la chaîne d’accumulation et des séances de leadership dans trois établissements, l’université de Floride, Brandman et Bellevue.