Les entreprises de taille intermédiaire, championnes de la création d’emplois en France

A l’usine Armor-Lux, à Quimper, en octobre 2013.
A l’usine Armor-Lux, à Quimper, en octobre 2013. FRED TANNEAU / AFP

Plus agiles que les grands groupes, plus résilientes que les PME, les entreprises de taille intermédiaire (ETI) s’affirment comme les locomotives de l’emploi en France. « Sur la période 2009-2019, elles ont été, de loin, les plus créatrices d’emplois », constate David Cousquer, responsable de Trendeo. Selon les données compilées par l’institut et publiées jeudi 27 février, les ETI ont créé 22 % d’emplois de plus que les PME et microentreprises, entre 2009 et 2019, et 7,4 fois plus que les grandes firmes.

Une tendance corroborée par les données de l’Insee. Selon les derniers chiffres disponibles, les ETI – c’est-à-dire, les sociétés de 150 à 5 000 salariés – ont créé 337 500 emplois, entre 2009 et 2015, et emploient plus de 3 millions de personnes.

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Frédéric Coirier, président du directoire de l’entreprise de fumisterie Poujoulat et coprésident du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI) explique ce dynamisme par leur structure actionnariale. Dans un cas sur deux, ce sont des entreprises familiales, parfois sur plusieurs générations. L’âge moyen des 500 plus grandes ETI françaises s’élève à 67 ans et une sur cinq a même soufflé ses cent bougies. Un « capital patient », selon l’expression de M. Coirier, qui n’a pas les yeux rivés sur les résultats trimestriels, mais recherche plutôt la pérennité, la stabilité. « C’est pourquoi, lorsque les choses vont un peu moins bien, elles préfèrent garder leurs effectifs, ce qui leur permet de redémarrer plus vite lorsque la reprise arrive », explique M. Coirier.

Difficultés à recruter

Détenue à 60 % par deux associés, Armor-Lux, entreprise de confection bretonne installée à Quimper, n’a pas eu à ferrailler avec des investisseurs privilégiant le court-termisme. « Il y a vingt ans, nous avons décidé de miser sur nos valeurs historiques et d’aller à l’encontre des tendances de la mode : on a pris un risque énorme, mais ce qui est certain c’est que nous n’avons pas eu personne à convaincre de nous suivre », raconte aujourd’hui Jean-Guy Le Floch, l’actuel PDG. La stratégie a payé. Avec un effet notable sur l’emploi : les effectifs sont passés d’environ 400 personnes, il y a quinzaine d’années, à 580, aujourd’hui.

A Libourne (Gironde), Marc Prikazsky, le PDG de Ceva (santé animale) met en avant le fort ancrage territorial des ETI pour expliquer leur propension à recruter : « Nous sommes tous très attachés au territoire, et nous avons envie de l’aider à prospérer. »

Coronavirus : « Face à l’épidémie, les entreprises doivent se mettre en ordre de marche »

« Une assistance d’ordre psychologique par des intervenants externes pourrait s’avérer opportune afin d’accompagner d’éventuelles situations d’isolement professionnel » (Virus SARS-CoV-2, orange, du Covid-19, image prise au microscope électronique).
« Une assistance d’ordre psychologique par des intervenants externes pourrait s’avérer opportune afin d’accompagner d’éventuelles situations d’isolement professionnel » (Virus SARS-CoV-2, orange, du Covid-19, image prise au microscope électronique). AP

Tribune. Le coronavirus ralentit sa propagation en Chine, mais le risque d’une extension s’accroît avec le développement de plusieurs foyers dans d’autres pays, dont la France.

Dans ce cadre, le gouvernement français a ouvert depuis le 2 février le bénéfice des indemnités journalières (IJ) aux salariés et travailleurs indépendants faisant l’objet d’une mesure d’isolement ou de maintien à domicile après avoir été en contact avec une personne touchée par le coronavirus ou après avoir séjourné dans une zone concernée par l’épidémie, dans des conditions d’exposition de nature à transmettre cette maladie.

Deux concepts juridiques

La durée maximale de versement des IJ dans ces conditions est fixée à vingt jours, même si la personne n’est pas diagnostiquée malade du coronavirus.

Maintenant que l’épidémie semble avoir gagné la France, les entreprises doivent se mettre en ordre de marche pour apporter des solutions conformes à leurs obligations de prévention des risques, en y associant la médecine du travail et, lorsqu’elles en sont dotées, le comité social et économique (CSE).

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Deux concepts juridiques sont ici principalement mobilisés : d’une part, l’obligation de prévention des risques professionnels ; d’autre part, le droit de retrait des salariés.

En premier lieu, il appartient à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur doit aussi veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte de l’évolution de la situation et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Télétravail ou dispenses d’activités rémunérées

Au titre des actions à mettre en place, les employeurs doivent veiller, d’une part, en application de leur pouvoir de direction et sous réserve d’un délai de prévenance raisonnable, à rapatrier les salariés en mission ou en détachement dans les zones touchées par l’épidémie, et d’autre part à reporter les déplacements envisagés dans lesdites zones.

Pour les salariés ayant voyagé récemment dans les régions concernées par l’épidémie ou ayant été en contact avec des malades, les employeurs sont invités à recourir, pour la période correspondant au délai d’incubation tel que communiqué par les autorités de santé, et après avoir recueilli l’accord préalable des salariés concernés, à la mise en place du télétravail ou de dispenses d’activités rémunérées.

Les comptes de l’assurance-chômage reviendront dans le vert en 2021

Les comptes de l’assurance-chômage devraient, comme prévu, revenir à l’équilibre en 2021, mais l’amélioration pourrait être un petit peu moins nette que celle qui était anticipée il y a quelques mois. C’est l’un des enseignements des dernières « prévisions financières » dévoilées, mardi 25 février, par l’Unédic, l’association paritaire cogérée par les syndicats et par le patronat qui pilote le régime.

Dans le rouge depuis 2009, le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi va, selon toute vraisemblance, enregistrer à nouveau un déficit, en 2020 (− 900 millions d’euros), avant de renouer avec les excédents. Le solde serait de + 4,2 milliards en 2022 : un résultat inégalé depuis 2008, mais qui est inférieur de 400 millions aux précédentes prévisions réalisées en novembre 2019 par l’Unédic. Quant à la dette accumulée par le dispositif, elle culminerait à 38,4 milliards d’euros cette année, puis se réduirait graduellement, à un peu moins de 32 milliards fin 2022.

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D’un point de vue strictement budgétaire, les tendances devraient donc rester positives, malgré le tassement de la croissance économique et « l’environnement incertain » qui prévaut, comme l’a indiqué Eric Le Jaouen, le tout nouveau président (Medef) de l’Unédic, lors d’une conférence de presse, mardi. Si le régime se rapproche de la ligne de flottaison, c’est, notamment, en raison de la baisse du nombre de personnes qu’il prend sous son aile : fin 2018, on dénombrait quelque 2,8 millions de demandeurs d’emploi indemnisés ; leurs effectifs devraient repasser sous la barre des 2,6 millions en décembre 2022. Une évolution imputable au reflux du chômage mais aussi au bouleversement des règles qui encadrent l’octroi et le montant d’une allocation.

Refonte des règles

L’an passé, le gouvernement avait, en effet, pris plusieurs mesures dont l’entrée en vigueur a été étalée dans le temps. Depuis le 1er novembre 2019, les conditions d’accès au dispositif sont plus dures qu’auparavant (allongement de la période travaillée pour être éligible à une prestation, etc.). A compter du 1er avril, les modalités de calcul de l’indemnisation changeront : dans de nombreux cas, les sommes en jeu risquent de baisser, tout en étant allouées sur des durées plus longues, comme l’a rappelé, mardi, Pierre Cavard, le directeur général par intérim de l’Unédic.

Finalement, les « dépenses d’allocation (…) diminueraient à partir de 2020, sous l’effet conjugué de la conjoncture et de la nouvelle réglementation » : − 2,2 % cette année, − 5,8 % en 2021, − 2,8 % en 2022.

Fort de « résultats record », PSA annonce une prime d’intéressement de 4 100 euros pour les plus bas salaires

Chez PSA-Peugeot à Mulhouse, en avril 2019.
Chez PSA-Peugeot à Mulhouse, en avril 2019. SEBASTIEN BOZON / AFP

Le constructeur automobile PSA, qui a publié mercredi 26 février un bénéfice net « record » pour 2019, va verser à ses salariés aux plus faibles salaires une prime d’intéressement de 4 100 euros, a annoncé sur RTL le président du directoire du groupe, Carlos Tavares.

« Les résultats record (…) nous permettent de faire en sorte que les primes d’intéressement et de participation versées à nos salariés soient elles aussi en augmentation. Nos salariés qui ont les salaires les plus bas, inférieurs à deux fois le smic, vont recevoir 4 100 euros » soit « environ deux mois et demi de salaire », a précisé Carlos Tavares.

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PSA, en cours de fusion avec Fiat Chrysler, a enregistré un bénéfice net en 2019 en hausse de 13,2 % à 3,2 milliards d’euros, malgré la baisse du marché automobile mondial. Le groupe aux cinq marques (Peugeot, Citroën, DS, Opel, Vauxhall) a également publié un chiffre d’affaires record, à 74,7 milliards d’euros (+ 1 %), et une marge opérationnelle historique, parmi les plus élevées du secteur, à 8,5 % des ventes tant pour l’ensemble du groupe (+ 0,8 point) que pour la seule division automobile (+ 0,9 point).

Une stratégie centrée sur les ventes rentables

Il s’agit de la deuxième année record successive pour le constructeur qui tire les bénéfices d’une stratégie centrée sur les ventes rentables au détriment des volumes. PSA avait déjà publié en janvier des ventes en recul de 10 % l’an dernier, à près de 3,5 millions de véhicules. Le groupe souffre de son absence du marché américain, où il a annoncé vouloir revenir, et de son échec en Chine, où il est devenu un acteur marginal, avec à peine 0,5 % du marché après des années de dégringolade.

Le business chinois a amputé de 700 millions d’euros les bénéfices de l’an dernier. PSA a annoncé des mesures de réduction des coûts pour redresser la situation. En revanche, la fin de l’activité en Iran, imposée par les sanctions américaines, n’a aucun impact financier car elle n’était pas consolidée. Le constructeur écoule désormais 90 % de sa production en Europe, région où il est solide numéro deux, derrière l’allemand Volkswagen.

Cette dépendance au marché européen peut inquiéter sur les perspectives de croissance. Mais à court terme, contrairement à ses concurrents allemands, le constructeur est immunisé contre le recul du marché chinois enclenché depuis un an et demi, et qui pourrait s’aggraver avec l’épidémie de Covid-19.

Les ventes des constructeurs français ont reculé en 2019

Dans un marché automobile mondial en recul de près de 5 % en 2019, les deux constructeurs français Renault et PSA affichent aussi des résultats commerciaux en baisse, mais de façon contrastée. Avec 3,75 millions de véhicules immatriculés en 2019, les ventes de la marque au losange se sont repliées de 3,4 %. Pour PSA, la chute est plus marquée (– 10 %, avec 3,49 millions de voitures vendues l’an dernier). Peugeot-Citroën-DS-Opel, qui donne la priorité à la rentabilité plutôt qu’aux volumes, souffre surtout de sa descente aux enfers en Chine (– 55 %) et marque le pas dans son pré carré européen (– 2,5 %). Si le groupe dirigé par Jean-Dominique Senard s’en tire mieux, c’est surtout grâce à ses low cost Dacia (+ 5 %) et Lada (+ 3,6 %) ; la marque Renault, elle, peine davantage (– 7 %).

Recherche publique et entreprises privées : les liens se resserrent

Marina Caruso/Ikon Images / Photononstop

Plusieurs mesures de la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) entrées en application depuis le 1er janvier visent à simplifier les démarches des chercheurs qui souhaitent créer une entreprise, faire des missions de conseil ou participer au capital d’une start-up. L’objectif étant que le secteur privé profite plus facilement des connaissances développées dans le monde de la recherche publique.

Les travaux de recherche alimentent l’innovation qui, à son tour, nourrit le développement économique. Mais pour que ce cercle vertueux fonctionne, il faut que les chercheurs et les entreprises entretiennent une relative proximité, qu’ils échangent, partagent… « La porosité est d’autant plus nécessaire entre ces univers que le rythme de la recherche s’est accéléré, passant de quelques années à quelques mois, selon les disciplines. Et du côté des entreprises, quels que soient leurs investissements en recherche et développement [R&D], elles ne peuvent plus couvrir tous les sujets. Elles multiplient donc les relations avec des laboratoires de recherche publique », explique Jean-Luc Beylat, président des Nokia Bell Labs France et président du pôle européen du numérique Systematic.

En décembre 2019, Naval Group a ainsi signé un accord de partenariat avec l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria). « L’Inria va nous aider à innover sur trois sujets essentiels, l’intelligence artificielle, la cybersécurité et le traitement du signal », détaille Hervé Guillou, PDG de Naval Group. Les logiciels sont devenus vitaux pour notre compétitivité dans le domaine de la marine. Nous devons accélérer notre innovation. »

Jusqu’à 32 % du capital

Profitables aux entreprises, les nouvelles mesures le sont aussi pour la recherche publique. Depuis la loi Allègre (1999), qui leur a autorisé la création d’entreprise, plusieurs modalités ont été simplifiées, voire supprimées. « Des obstacles ont été levés, mais seulement quelques centaines de chercheurs ont franchi le pas de la création depuis la loi Allègre il y a vingt ans », souligne Laurent Kott, président du directoire d’IT-Translation, qui investit et cofonde des start-up issues de la recherche.

Jusque-là les chercheurs étaient contraints par un système rigide de demandes d’autorisations et de délais imposés, notamment pour réaliser des missions dans le secteur privé. Parmi les principales nouvelles mesures introduites en 2020, la commission de déontologie qui délivrait les autorisations de mission est remplacée par une déclaration et un contrôle a posteriori, ce qui réduit à deux semaines le délai d’approbation de la mission qui pouvait durer plusieurs mois auparavant.

« “Signée dans un contexte de violence morale”, une rupture conventionnelle est frappée de nullité »

Façade du bâtiment de la Cour de cassation, à Paris
Façade du bâtiment de la Cour de cassation, à Paris Fred De Noyelle/Godong / Photononstop

Carnet de bureau. A 34 ans, et seize ans d’ancienneté, une jeune responsable de magasin a vécu un retour de congé maternité pour le moins houleux : propos agressifs et misogynes de son patron, « très mécontent » et « très en colère » de l’arrêt de travail pour une grossesse, qui « nuisait au bon fonctionnement de l’entreprise », rétrogradation et promotion d’un de ses collègues au poste de responsable, puis demandes répétées de quitter la société et d’accepter une rupture conventionnelle. La dégradation de son état de santé a suivi : dépression, troubles psychologiques. La jeune femme a finalement cédé à la pression et accepté la convention de rupture. Mais la Cour de cassation a tout annulé dans un arrêt du 29 janvier.

Une convention de rupture « signée dans un contexte de violence morale » est frappée de nullité, a jugé la plus haute juridiction. Le document avait pourtant bien été paraphé par la salariée responsable de magasin et par son employeur, puis dûment homologué par l’administration. Mais la salariée étant à la date de la signature en proie à des troubles psychologiques provoqués par un harcèlement moral, la Cour de cassation estime que « son consentement a été vicié ».

En dix ans, le recours aux ruptures conventionnelles a quasiment doublé, avec une moyenne de 39 000 demandes par mois au premier semestre 2019, contre environ 21 000 fin 2009, chiffre l’Unédic. Le dispositif s’est très rapidement imposé comme un nouveau mode de sortie de l’entreprise, apprécié tant par les employeurs que par les salariés, en particulier pour les 30-49 ans ou à l’approche de la retraite, note la direction des études et des statistiques du ministère du travail.

Sécurité financière et juridique

L’Unédic précise que 40 % ont moins de 35 ans, qu’il y a plus de candidats à la rupture conventionnelle parmi les plus diplômés, et que 20 % ont plus de dix ans d’ancienneté. Depuis la création du dispositif, en août 2008, les dépenses d’indemnisation pour licenciement économique et pour licenciement pour raison personnelle ont baissé, tandis que celles pour rupture augmentaient.

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L’innovation plébiscitée par tous les acteurs de l’entreprise a été la sécurité financière et juridique. La rupture du contrat peut se substituer tantôt à la démission décidée par le salarié, qui part désormais avec une indemnisation et peut sereinement amorcer une reconversion, par exemple ; tantôt au licenciement prévu par l’employeur, désormais protégé contre d’éventuelles poursuites prud’homales.

Le télétravail et les frais du salarié

« Mais que dit le droit sur les dépenses du salarié liées au télétravail ? Sont-elles soumises à cotisations et contributions sociales dès lors que l’employeur les paie en totalité ou en partie ? »
« Mais que dit le droit sur les dépenses du salarié liées au télétravail ? Sont-elles soumises à cotisations et contributions sociales dès lors que l’employeur les paie en totalité ou en partie ? » Vlada Kramina/Ikon Images / Photononstop

Droit social. Le développement d’outils de communication et leur sécurisation, les transformations de l’organisation du travail, les aspirations de certains salariés et, plus récemment, les grèves dans les transports publics ont conduit au succès grandissant du télétravail. Ce que l’article L.1222-9 du code du travail décrit comme des formes « d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication ». Mais que dit le droit sur les dépenses du salarié liées au télétravail ? Sont-elles soumises à cotisations et contributions sociales dès lors que l’employeur les paie en totalité ou en partie ?

Deux qualifications sont applicables aux frais d’acquisition des indispensables matériels informatiques et périphériques, à l’abonnement de connexion, aux frais de mobilier, de sécurisation électrique du domicile, etc.

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Les frais liés au télétravail peuvent, d’une part, être qualifiés d’« avantage en nature ». En effet, l’utilisation à des fins privées, par exemple de l’ordinateur, mis à disposition ou acheté ou loué par l’employeur, ou de la connexion Internet payée par l’entreprise, est considérée en principe comme constitutive d’un avantage en nature (« du fait du travail »). C’est alors une rémunération soumise à cotisations sociales.

Mais ils peuvent être considérés, d’autre part, comme des « frais professionnels », qui « ne constituent pas un revenu d’activité » mais qui représentent « des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi des travailleurs salariés ». Ils sont alors exonérés de toute cotisation (article L.136-1-1 du code de la Sécurité sociale).

Allocations forfaitaires

Concernant le calcul des « frais professionnels » liés au logement et au mobilier utilisés pour le télétravail, un arrêté ministériel du 20 décembre 2002 modifié le 25 juillet 2005 précise que le montant du loyer exonéré est la valeur locative brute au prorata de la superficie affectée au travail.

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On peut également y lire que l’assiette d’exonération pour l’achat du mobilier par le salarié pour le compte de l’entreprise (« le salarié restant toutefois propriétaire ») est de 50 % de la dépense réelle et que le calcul de l’exonération des cotisations se fait en principe en application d’annuités d’amortissement comptable du mobilier. Sauf pour le « petit mobilier », pour lequel « la valeur annuelle de l’année d’acquisition » est exonérée !

« Développement (im)personnel » : stop à la « positivité de comptoir »

« Développement (im)personnel. Le succès d’une imposture », de Julia de Funès. Editions de L’observatoire, 2019, 176 pages, 16 euros.
« Développement (im)personnel. Le succès d’une imposture », de Julia de Funès. Editions de L’observatoire, 2019, 176 pages, 16 euros.

Livre. En philosophie, la tendance à privilégier la réalité des mots sur la réalité des choses s’appelle le nominalisme. En langage courant, c’est ce que l’on nomme les bons sentiments, et ils ont envahi le monde de l’entreprise. Voyez les manuels de développement personnel qui nous conseillent de positiver et gagner en estime de soi. Ecoutez les coachs, et leurs promesses d’assurance et de sérénité. Cette « positivité de comptoir » révolte Julia de Funès : « Il n’y a plus de “malaise de la civilisation”, l’épanouissement personnel est devenu le nouvel “opium du peuple”. »

Si ces artifices et artificiers rencontrent un tel engouement, affirme la docteure en philosophie, c’est davantage « par l’attrait de leurs promesses et les attentes de personnes assoiffées, que par la rigueur de leur contenu et des aides proposées. » Son essai, Développement (im) personnel (Editions de L’Observatoire), trace la généalogie du besoin d’épanouissement personnel.

Quelles techniques le développement personnel met-il régulièrement en œuvre ? Quelles idéologies véhicule-t-il insidieusement, et comment s’en libérer ? Pour affranchir l’individu de toutes ces balises comportementales, l’ouvrage convie les grands penseurs, de Nietzsche à Tocqueville, de La Boétie à Bergson. Ils nous permettent de déverrouiller les grilles de lecture, de déjouer les farces et attrapes pour « oser la difficile liberté d’être soi-même. »

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Loin de se réduire à une simple caractéristique psychologique, l’épanouissement personnel représente une véritable donnée historique et sociale, estime Julia de Funès. L’affirmation de l’individu, la concentration sur soi-même et le désintérêt des idéaux supra-individuels irriguent tout le XXe siècle, dans toutes les sphères de son existence. L’individu moderne est alors pensé comme un Narcisse, « au sens où la sphère privée culmine dans tous les domaines de la vie sociale, et où les questions subjectives sont surinvesties par rapport aux enjeux supérieurs et au “soi”. »

Soumission psychologique

En devenant un code social, l’épanouissement personnel perd en singularité : comment le développement personnel ne peut-il pas devenir impersonnel en s’adressant à chaque lecteur comme à tout autre ? « C’est l’un des grands paradoxes de ce type d’ouvrages prétendant parler du “moi” le plus intime à des milliers de lecteurs ! »

L’enjeu du livre n’est pas d’attaquer les coachs ou les auteurs de développement personnel, mais de « révéler les méthodes rhétoriques utilisées derrière l’efficacité promise, ainsi que les opinions véhiculées sous la pseudo-sagesse affichée. Une vision de l’individu illusoire et culpabilisante en découle, qui loin de libérer asservit. »

Lionel Honoré : « Dans la grande majorité des cas, la religion pose peu de problèmes au travail »

Tribune. Les prises de position du président de la République sur l’islam en France sont un événement important. Enfin, un discours politique pose sans caricature les enjeux : énoncer ce qui est acceptable ou non, ce qui doit être combattu et ou au contraire protégé. Il faudra, bien sûr, que les mots soient suivis d’actions réelles : celles-ci permettront à la République de combattre les discours religieux qui la remettent en cause mais aussi de protéger la très grande majorité des musulmans des risques de stigmatisation ainsi que du prosélytisme rigoriste.

Présence affirmée de l’islam

La question de la place de la religion dans la société a été régulièrement posée au fil de l’histoire. La présence affirmée de l’islam l’a réactualisée ces dernières décennies. Sur ce sujet, les échanges manquent souvent de modération entre ceux qui accusent leurs adversaires de remettre en cause le vivre-ensemble républicain et ceux qui les accusent en retour d’islamophobie.

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Les entreprises ne sont pas épargnées. En France, plus des deux tiers d’entre elles sont concernées, de différentes façons, par la question des faits et comportements religieux au travail. La problématique de la place de la religion au travail éclaire celle de la place de la religion dans la République. Les litiges opposant des employés pratiquants, le plus souvent musulmans, et leurs employeurs sont fréquents. Cependant, dans les entreprises, deux réalités très différentes coexistent.

Dans la grande majorité des cas, soit environ 90 % des entreprises, la religion pose peu de problèmes. La plupart des salariés n’expriment leur religiosité qu’à la marge du fonctionnement organisationnel. Ils ne donnent pas toujours de raison religieuse à une demande d’absence et, s’ils prient au travail, c’est discrètement et pendant leurs pauses. Même le port du hidjab, qui est pourtant une question très sensible en France, génère peu de tensions. Les musulmanes qui le portent au travail refusent rarement de le retirer lorsque cela est demandé par l’entreprise. Les personnels sont dans l’ensemble peu revendicatifs sur ce type de sujets et donnent la priorité au travail sur leur pratique religieuse.

« Les salariés comme les manageurs savent de mieux en mieux ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dans le contexte de leur entreprise »

De leur côté, les manageurs ont une approche pragmatique de ces questions. Leurs décisions, face à une demande d’un salarié, sont prises en considérant en priorité l’impact sur le travail et non la justification religieuse de la demande. Ils ne considèrent pas la religion pour elle-même mais comme une des dimensions de la personne qu’est le salarié. Les salariés comme les manageurs savent de mieux en mieux ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dans le contexte de leur entreprise. Il peut bien sûr exister des frictions et de la frustration, mais la discussion reste le plus souvent ouverte. Le principe dominant est celui de la construction d’arrangements locaux qui préservent à la fois le bon fonctionnement de l’entreprise et la liberté religieuse.