Tous les articles par dans LJD

Joignable….ou dérangeable ?

« Je peux t’appeler ce soir ou ce week-end ? » Selon l’enquête Eurofound de novembre 2023, 73 % des salariés européens connectés disent être dérangés hors temps de travail par des collègues, et 67 % par leur manageur. Donc pas seulement les techniciens d’astreinte, ou le cadre en cas d’urgence. Et plus seulement par leur hiérarchie.

Après le confinement et son empilement de canaux de communication (courriels, textos, Zoom, Slack…) depuis banalisé, l’appel téléphonique direct hors temps de travail d’un salarié a acquis un caractère d’urgence. Le vieux « coup de fil » ? Pas du tout : l’appeler hier à son domicile sur sa ligne fixe familiale n’a rien à voir avec le joindre directement sur son portable professionnel à des heures indues.

Comment réguler ? Dans notre monde connecté où chaque adolescent passe cinq heures par jour rivé à son portable avec les conséquences décrites par l’enquête PISA de 2024, l’essentiel ne passe pas par la loi, qui reste indispensable face à une hiérarchie envahissante.

Lire aussi la chronique | Article réservé à nos abonnés La délicate preuve des « heures sup »

Il s’agit d’abord de culture d’entreprise. L’hyperconnexion étant une maladie hiérarchiquement contagieuse, l’attitude personnelle du dirigeant et des manageurs est déterminante. D’où l’importance des accords collectifs, issus d’un consensus interne. Ainsi de l’accord Schneider Electric du 27 juin 2022 « Qualité de vie au travail » : « Les parties sont convaincues que le non ne doit pas être perçu comme une action négative, mais [comme] une plus grande valeur donnée à ce qu’elle met en jeu par ailleurs, dans le oui, à un meilleur équilibre de vie, une meilleure santé mentale pour, notamment, une meilleure performance au travail. » Mais les choses évoluent sous la pression des jeunes générations trouvant décalés ces boomeurs osant cette intrusion dans leur vie privée.

65 000 euros d’heures supplémentaires

Du côté du droit, au-delà de l’obligation générale de sécurité (Chambre sociale, 2 mai 2024), ces défaillances organisationnelles peuvent coûter cher à l’entreprise. D’abord par une requalification du repos en « astreinte » indemnisée si les sujétions sont importantes : fréquence, temps de réaction. Un directeur des systèmes d’information devant être disponible six jours sur sept a ainsi obtenu 508 000 euros (Chambre sociale, 29 janvier 2014). Un rêve fou pour un travailleur indépendant.

Voire en « temps de travail effectif », lorsque le salarié est soumis « à des contraintes d’une intensité telle qu’elles affectent, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités, et de vaquer à des occupations personnelles ». Avec lourd rappel d’heures supplémentaires, et infraction aux durées maximales de travail, et minimales de repos.

Il vous reste 24.31% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

En Europe, ces gouvernements favorables au « travailler plus » pour relancer l’économie

De gauche à droite, le ministre allemand de l’économie, Robert Habeck, le chancelier Olaf Scholz, et le ministre des finances, Christian Lindner, à Berlin, le 13 décembre 2023.

L’affaire semble entendue : économiquement, l’Europe décroche face à l’Amérique. En 2000, le produit intérieur brut (PIB) par habitant de la zone euro était l’équivalent de 78 % de celui des Etats-Unis (en parité de pouvoir d’achat), selon l’Organisation de coopération et de développements économiques (OCDE). En 2019, après la décennie perdue de la crise de l’union monétaire, il était de 72 %. En 2022, après la pandémie de Covid-19 et le début de la guerre en Ukraine, il était de 70,5 %.

Parmi les mille et une raisons évoquées pour expliquer ce fossé croissant, une petite musique de fond monte en Europe. Le patron de l’énorme fonds souverain norvégien, Nicolai Tangen, l’a résumée fin avril dans le Financial Times : « Les Américains travaillent tout simplement plus durs. » A l’entendre, le Vieux Continent a la dolce vita et les vacances, tandis que les Etats-Unis ont la croissance et le goût du labeur.

De prime abord, les statistiques de l’OCDE semblent donner raison à cette observation : les Américains travaillent 1 811 heures par an en moyenne, contre 1 528 heures pour les pays de la zone euro. Certes, ces données ne sont pas parfaitement comparables pour des raisons méthodologiques, mais l’écart est suffisamment large pour donner un ordre de grandeur. Et cette différence n’est pas tant due au rythme de travail hebdomadaire (37,9 heures en Amérique du Nord, contre 37,2 heures en Europe, selon le Bureau international du travail) qu’aux vacances, bien plus nombreuses sur le Vieux Continent.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Plongée dans une Amérique devenue hors de prix pour les Européens

Inquiets face aux performances décevantes de leur économie, plusieurs gouvernements européens ont, dans ces circonstances, décidé d’augmenter la quantité de travail de leurs citoyens. En Allemagne, « homme malade » du moment, la coalition au pouvoir prépare un projet de relance pour juin, qui doit notamment défiscaliser les heures supplémentaires pour encourager les entreprises à y recourir. La Grèce a récemment allongé la durée maximale de travail quotidien autorisé. D’autres pays envisagent d’augmenter le nombre de personnes qui travaillent, plutôt que le nombre d’heures par personne. La France a ainsi repoussé l’âge de la retraite à 64 ans, et s’apprête à durcir l’accès aux allocations chômage. Dans une version plus incitative, le Royaume-Uni est en passe d’introduire plus d’heures de crèche subventionnées, afin d’aider le retour au travail des parents – et essentiellement des femmes.

Travailler plus, pour enrayer le décrochage économique de l’Europe, donc. Encore faut-il que le diagnostic posé soit le bon. Sébastien Bock, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), est le coauteur d’un récent rapport sur ces questions. Sa principale conclusion n’a rien à voir avec le temps de travail : le Vieux Continent a pris du retard à cause de son manque d’investissement dans les nouvelles technologies. « Les gains de productivité horaire ont augmenté aux Etats-Unis de 1,5 % par an en moyenne entre 2000 et 2019, contre 0,8 % par an en Europe », explique-t-il. Le manque en recherche et développement et la faiblesse du nombre de brevets déposés sont autant de signaux d’alertes économiques, selon lui. « Vu les innovations technologiques [actuelles], notamment avec l’intelligence artificielle, si on n’a pas les investissements nécessaires, on risque de louper cette prochaine vague. »

Il vous reste 74.25% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Suppression de l’allocation solidarité spécifique : Catherine Vautrin temporise

La ministre française du travail, de la santé et des solidarités, Catherine Vautrin, lors de la séance de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, à Paris, le 28 mai 2024.

L’exécutif temporise sur l’allocation de solidarité spécifique (ASS). La ministre du travail, des solidarités et de la santé, Catherine Vautrin, a reçu, lundi 3 juin, une quinzaine d’associations de solidarité, pour leur présenter les priorités du gouvernement. Lors de cette réunion, elle a laissé entendre, selon ses interlocuteurs, que la suppression de l’ASS n’était plus à l’ordre du jour.

Le premier ministre, Gabriel Attal, avait annoncé la bascule de cette prestation créée en 1984 vers le revenu de solidarité active (RSA), lors de sa déclaration de politique générale au Parlement en janvier. Mais le sujet n’a plus été abordé depuis. Si le projet n’est plus d’actualité à court terme, le gouvernement assure qu’il n’est pas enterré pour autant. « La ministre a (uniquement) indiqué qu’au moment où le gouvernement fait la réforme de l’assurance-chômage, ce n’est pas un sujet d’actualité immédiat », a rapidement précisé le cabinet de Mme Vautrin.

L’ASS, qui est financée par l’Etat – pour un coût estimé à 1,65 milliard d’euros en 2024 – est accordée, sous certaines conditions, aux demandeurs d’emploi ayant épuisé tous leurs droits à l’assurance-chômage. Si elle était supprimée, les chômeurs en fin de droits devraient demander le RSA qui est, lui, pris en charge par les départements. Ces derniers, comme la gauche, les syndicats et les associations de lutte contre la pauvreté, sont fermement opposés au projet du gouvernement.

Une ministre « à l’écoute »

« On peut se réjouir de cette décision », a réagi Noam Leandri, le président du collectif Alerte, qui rassemble 34 associations de lutte contre la pauvreté, lors d’une conférence de presse organisée après la réunion au ministère. Les déclarations de Catherine Vautrin confirment une volonté de ne pas faire de ce chantier une priorité puisqu’elle avait déjà tenu ce genre de propos lors d’une réunion avec les députés de la majorité. « Je pense que le projet est abandonné car il entraînerait une hausse des bénéficiaires du RSA, et je suppose que les départements sont montés au créneau pour s’y opposer », devine un député Renaissance spécialiste de ces sujets.

Les responsables d’associations, qui ont participé à la rencontre de lundi, ont noté deux autres points positifs. Selon Noam Leandri, « Catherine Vautrin nous a dit se battre pour que l’an prochain, il y ait plus de contrats d’engagement jeunes », un dispositif qui prévoit pour les 18-25 ans un accompagnement de quinze à vingt heures d’activité hebdomadaire en contrepartie d’une allocation mensuelle de 528 euros.

Il vous reste 53.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Conditions de travail : plus de 150 anciens coursiers attaquent Frichti aux prud’hommes pour travail dissimulé

Des livreurs sans-papiers de l’entreprise Frichti manifestent pour réclamer la régularisation de leur situation, le 8 juin 2020, à Paris.

« Le livreur n’était rien qu’une serpillière. Ils ont abusé de tout le monde, ils nous ont maltraités, résume Sékou Fokolo, livreur à vélo sans-papiers pour l’entreprise de livraison de courses et de repas à domicile Frichti, entre 2021 et 2023. On devait parfois monter au sixième étage sans ascenseur pour livrer un pack d’eau ou de bière, et si l’on refusait ou si le client se plaignait, on nous menaçait de supprimer notre compte. On nous avait pourtant dit en entretien que la limite était le troisième étage. »

Le 23 mai, un large groupe d’anciens coursiers de Frichti, majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne comme M. Fokolo, manifestaient leur déception et leur détermination devant le conseil de prud’hommes de Paris. Ce jour-là, une cinquantaine d’entre eux devaient ouvrir le bal d’une vague de plus de 150 ex-livreurs autoentrepreneurs, qui vont demander progressivement aux juges la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail sur des périodes s’étendant de 2017 à 2023, et des dommages et intérêts pour licenciement abusif et travail dissimulé.

Cette audience ayant été renvoyée à décembre, c’est la date du 4 juin qui marque le début officiel de ces contentieux, avec cinq nouveaux demandeurs. En face, c’est l’Agence de garantie des salaires qui opère la défense, car la start-up n’existe plus : elle a pâti de l’effondrement de l’écosystème du « quick commerce », qui promettait de livrer des courses en une vingtaine de minutes. Frichti a en effet été racheté successivement par Gorillas, puis par Getir, toutes deux liquidées. A l’automne 2023, Frichti a été reprise par La Belle Vie, qui a conservé la marque et une partie des effectifs.

Faux numéro Siren

Cette procédure fait suite à un premier groupe de 105 livreurs, qui ont attaqué Frichti pour les mêmes motifs en 2020 et conclu une transaction, à l’été 2022, pour une somme moyenne de 15 000 euros par personne. Le second réunit tous les livreurs qui sont arrivés plus tard dans la structure ou qui avaient trop peur de se joindre à la première vague. Ils décrivent tous leur « recrutement » par d’autres sans-papiers, au nom de Frichti, qui ferme alors les yeux sur leur statut. La plupart d’entre eux obtiennent alors un faux numéro Siren pour s’inscrire sur l’application : c’est le cas d’Adama Konaté, qui « n’avai[t] pas d’autre choix » s’il voulait gagner sa vie : « Ils nous disaient qu’ils savaient d’où venaient [n]os documents, et que si l’on essayait de manifester, ils en parleraient à la police. »

Il vous reste 51.49% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Déclaration de revenus : pourquoi mon salaire net imposable est-il plus élevé que la somme versée par mon employeur ?

Question à un expert

Pourquoi le salaire que je déclare aux impôts dépasse-t-il le salaire que j’ai réellement touché ?

Les salaires sont imposés deux fois. Dans un premier temps, l’employeur précompte les prélèvements sociaux, c’est-à-dire 9,2 % de contribution sociale généralisée, la CSG, et 0,5 % de contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS.

Dans un second temps, les salaires supportent l’impôt sur le revenu, entre les mains du salarié. Cet impôt étant assis sur le revenu net de charges, le salaire imposable est le brut diminué des cotisations salariales et des frais professionnels.

Le salaire imposable devrait donc être également net de prélèvements sociaux. Par exemple, un salaire de 100 euros net de prélèvements sociaux devrait être soumis à l’impôt sur le revenu à hauteur de 90,30 euros (100 euros moins 9,70 euros).

Mais la CRDS n’est pas déductible pour le calcul de l’impôt sur le revenu. De son côté, la CSG ne l’est qu’à hauteur de 6,8 %. Concrètement, l’impôt sur le revenu afférent à un salaire de 100 euros est donc calculé sur 93,20 euros (100 euros moins 6,80 euros), alors que l’employeur ne verse que 90,30 euros au salarié.

De l’impôt sur l’impôt

A concurrence de la différence, soit 2,90 euros (93,20 euros moins 90,30 euros), le salarié paye de l’impôt sur l’impôt sur le revenu sur les prélèvements sociaux non déductibles. Le salaire imposable est donc plus élevé que la somme encaissée par le salarié. Cela revient à imposer un revenu virtuel.

Or rappelons qu’en décembre 2023 la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour violation du droit au respect des biens proclamé par l’article premier du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme. Le résultat des entrepreneurs individuels non adhérents d’un centre de gestion agréé était majoré de 25 %.

La Cour a considéré que l’imposition de ce résultat virtuel était contraire au droit au respect des biens. Ce raisonnement peut être transposé aux prélèvements sociaux non déductibles pour le calcul de l’impôt sur le revenu.

« Rendre la sobriété accessible à tous »

Alors que les effets du dérèglement climatique deviennent de plus en plus manifestes, les appels à consommer différemment se heurtent désormais à de fortes résistances. Le Rassemblement national (RN) engrange ainsi des centaines de milliers de voix en fustigeant l’écologie « punitive », son caractère moralisateur, sectaire, liberticide…

Comment expliquer l’intensité de ces résistances malgré la prise de conscience des risques ? Notre hypothèse est que, en réalité, diminuer ses émissions de gaz polluants et de déchets en consommant « moins mais mieux » est aujourd’hui un luxe inaccessible à beaucoup. Pas étonnant si les appels à la sobriété engendrent de la frustration de la colère.

La sobriété, un luxe ? Il est évidemment plus facile d’acheter un appareil électroménager ou un vêtement durables, des légumes bio ou une voiture électrique quand on en a les moyens financiers. Mais la qualité des services publics s’avère déterminante en réalité pour « démocratiser » la sobriété et, à cet égard, les élus, et singulièrement les maires, ont de véritables marges de manœuvre, chacun sur son territoire.

Créer de nouveaux espaces collectifs

On pense naturellement au développement des transports en commun et des pistes cyclables, certes coûteux mais indispensable pour limiter le recours à la voiture individuelle. Les élus peuvent aussi mettre à disposition du public des lieux attractifs, des parcs où prendre du bon temps sans consommer, des jardins potagers qui donnent accès à des légumes sans pesticides. Faciliter l’accès à la culture au sens large participe du même mouvement car les sorties jouent le rôle d’alternatives aux virées shopping et à la consommation d’objets. D’autres pistes, plus nouvelles, peuvent aussi être explorées.

Ne pourrions-nous pas envisager que soient créés dans chaque commune, dans chaque quartier, de nouveaux espaces collectifs, à l’image des médiathèques et de ludothèques, où chacun pourrait trouver et emprunter gratuitement le matériel nécessaire pour réparer, recoudre, entretenir ses objets du quotidien, du grille-pain au chemisier en passant par l’ordinateur ou la machine à laver ?

Dans le cadre de ces « outils-thèques » bâties sur le modèle des « repair cafés » et des tiers lieux qui se multiplient actuellement, les citoyens pourraient aussi être conseillés et formés pour moins gaspiller. Ils diminueraient leurs émissions polluantes, gagneraient en autonomie, tout en économisant, ce qui est un enjeu majeur en période d’inflation. Dans le contexte d’épuisement des ressources qui est le nôtre aujourd’hui, de tels espaces relèvent du service public.

Il vous reste 48.59% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

En Nouvelle-Calédonie, inquiétudes sur les salaires et l’emploi

Devant les bureaux endommagés d’une entreprise de location de voitures, dans la zone industrielle de Ducos, à Nouméa, le 29 mai 2024.

L’économie de la Nouvelle-Calédonie, l’archipel français du Pacifique Sud, a été littéralement balayée par trois semaines d’émeutes, qui ont détruit une partie de l’agglomération nouméenne, son poumon économique. Publié à l’occasion d’une conférence de presse réunissant le gouvernement local et les représentants du monde des affaires, vendredi 31 mai, le bilan s’élève déjà à plus de 1 milliard d’euros, à mettre en rapport avec un produit intérieur brut (PIB) annuel de l’ordre de 10 milliards. Près de 500 entreprises ont été détruites ou n’ont plus la capacité de produire.

Ce bilan, qui repose sur les déclarations auprès des assureurs, n’est cependant pas exhaustif. Certaines PME n’ont pu accéder à leurs locaux que très récemment et les autorités ont rappelé que près de 30 % des entreprises néo-calédoniennes ne sont pas couvertes contre les risques.

Avant d’envisager la reconstruction, il va falloir traiter les urgences, et la première d’entre elles, ce sont les paies. « C’est la fin du mois, on a dix jours pour verser les salaires », alerte Mimsy Daly, la présidente du Medef NC. Quelques entreprises dont la situation financière était saine ont pu rémunérer leurs salariés pour le mois écoulé, sans avoir toutefois plus de perspectives. « Il me restait un peu de trésorerie, mais c’est fini, je ne peux plus », explique Xavier (il préfère garder l’anonymat), un chef d’entreprise qui emploie six personnes dans la communication. La boule au ventre, il devra faire des choix à très court terme, et « c’est une question de jours », avant de devoir se résigner à mettre ses salariés au chômage. Sa société n’a pas été touchée, mais la majorité de ses contrats sont suspendus ou annulés.

Premier coup de pouce

Alexandre, gérant de plusieurs sociétés dans la restauration, connaissait déjà des difficultés. L’une de ces entreprises a été saccagée et c’est certainement le chômage qui attend environ les deux tiers des trente personnes qui composent sa masse salariale. « Les entreprises qui n’ont pas été touchées directement et qui sont dans des domaines d’activité non essentiels vont connaître de grosses baisses d’activité. On craint la fermeture pour bon nombre d’elles », témoigne-t-il.

Une première aide aux PME directement affectées, confirmée hier par la province Sud, devrait donner un premier coup de pouce sur la question des salaires. Mais, dans l’attente des autres mesures, comme beaucoup de chefs d’entreprise, Alexandre se retrouve dans l’incapacité de verser quoi que ce soit.

Il vous reste 52.65% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Il faut cesser l’instrumentalisation des JO pour seule intention de faire des indépendants les “low cost” de l’emploi »

A l’approche des Jeux olympiques (JO) de Paris 2024, une petite musique se fait doucement entendre sur l’opportunité que représenterait le travail indépendant pour combler les recrutements difficiles dans les secteurs en tension. Vraie bonne idée ou prélude à la création d’un nouveau régime de l’emploi au rabais ? Si le régime de l’autoentrepreneur connaît un vrai succès, il doit rester cette porte vers la liberté universelle d’entreprendre auxquelles aspirent celles et ceux qui y ont recours depuis sa création.

Pour l’Union des autoentrepreneurs (UAE), Union-Indépendants et la CFDT, les autoentrepreneurs n’ont pas vocation à devenir les « low cost » du salariat, pas plus que la variable d’ajustement à bon compte du CDD ou de l’intérim. Il s’agirait d’une forme d’extension des dérives amenées par l’ubérisation et l’organisation du travail par les plates-formes.

Alors que le gouvernement a déjà par deux fois pris le prétexte des JO pour apporter des dérogations majeures au code du travail, en entretenant la confusion entre travail indépendant et salarié, il risquerait d’ouvrir la voie à une modification préjudiciable des règles de l’entrepreneuriat individuel et particulièrement du régime de l’autoentrepreneur.

Repenser les secteurs dits « en tension »

Disons-le clairement, ce régime n’est pas construit pour contourner les règles du salariat. S’engager dans les prémices d’une confrontation entre ces deux formes d’activités professionnelles serait parfaitement préjudiciable, aussi bien sur le plan économique que social.

Par extension, ce serait une chimère de laisser imaginer que dès qu’un employeur ou une branche professionnelle rencontre des difficultés de recrutement il pourrait recourir à un sous-traitant « subordonné », sans répondre au code du travail, qui régit les liens de subordination. Salariat et indépendance se complètent, ils ne se remplacent pas !

Les secteurs dits « en tension » doivent être repensés, car l’essoufflement des embauches témoigne davantage de la dureté des conditions de travail et d’emploi, de la faiblesse des rémunérations, d’un déficit d’anticipation en matière de formation, bref d’une absence d’attractivité globale qui perdure dans ces secteurs depuis des décennies.

Professionnaliser les autoentrepreneurs et les accompagner

Court-circuiter la pénurie en détournant les indépendants de leur autonomie ne ferait que jeter toute une population dans une sorte de précarité, car personne ne pourrait croire que ces « indépendants intérimaires » seraient mieux rémunérés et protégés pour ces mêmes activités que des salariés introuvables.

Il vous reste 49.99% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.