Au Japon, le rugby universitaire est surtout une passerelle pour l’emploi

Au Japon, le rugby universitaire est surtout une passerelle pour l’emploi

Très populaire, le rugby universitaire japonais peine à faire émerger des champions professionnels, qui restent prisonniers d’un système fonctionnant en circuit fermé.

Par Publié aujourd’hui à 06h15, mis à jour à 11h24

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Dans l’imaginaire rugbystique japonais, le rugby universitaire occupe une place à part. Son championnat annuel, remporté en 2019 par l’université Meiji, reste si populaire que ses phases finales sont retransmises en direct par la chaîne publique NHK, avec de bonnes audiences dans un pays où ce sport n’est pratiqué que par 75 000 personnes.

Ce succès tient à son histoire. C’est à l’université privée Keio de Tokyo que l’Ecossais Edward Bramwell Clarke (1874-1934), diplômé de Cambridge, a créé en 1899 une section rugby, avec Ginnosuke Tanaka (1873-1933), un Japonais lui aussi passé par Cambridge. Le sport s’est développé, conservant une image quelque peu aristocratique, notamment par le soutien du prince Chichibu (1902-1953) dont le stade de rugby de la capitale porte le nom.

Fort engouement dans les années 1980

Après la seconde guerre mondiale, le rugby universitaire a fortement contribué à la renaissance de ce sport et à sa popularité, qui a atteint un paroxysme dans les années 1980. Ainsi, le match du 5 décembre 1982 entre Waseda et Meiji, bastions historiques du championnat universitaire, a attiré 66 999 spectateurs au stade national de Tokyo, construit pour les Jeux olympiques en 1964. Des centaines de milliers de personnes s’étaient vu refuser l’entrée. Les billets avaient été attribués à la loterie.

Au Japon, le rugby a toujours été considéré comme une bonne école pour acquérir les valeurs de l’entreprise, notamment la loyauté, la discipline et l’engagement

« Si vous pouviez jouer dans un match comme Waseda contre Meiji, vous aviez l’impression que vous pouviez mourir tranquille », se souvient Manabu Matsuse, ancien talonneur de l’équipe de Waseda ayant participé à la rencontre de 1982. « L’objectif était de jouer un match Waseda-Meiji. Le reste n’était que bonus. » Au-delà du sport, au Japon, le rugby a également toujours été considéré comme une bonne école pour acquérir les valeurs de l’entreprise, notamment la loyauté, la discipline et l’engagement, et les joueurs universitaires trouvent facilement du travail. Le réseau des anciens leur facilite la tâche.

Mais ce fonctionnement pose un problème pour le rugby lui-même, car il bloque l’émergence de joueurs de haut niveau. « Dans les équipes universitaires, il y a souvent 200 à 300 joueurs. Mais ce sont toujours un peu les mêmes qui jouent les matchs », explique Takanobu Horikawa, manageur de l’équipe de rugby de Yamaha.

Prisonniers du carcan universitaire

Alors que les joueurs dans la même tranche d’âge, entre 18 et 22 ans, font leurs débuts dans les grands championnats français, anglais ou néo-zélandais, voire au niveau international, au Japon ils sont prisonniers du carcan universitaire. « Ça fait comme un trou dans leur carrière. Au lycée, ils sont encore compétitifs par rapport aux étrangers, mais après, ils perdent leurs meilleures années. »

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Dans le même temps, le rugby universitaire fonctionne un peu en circuit fermé, avec un entraînement d’un niveau limité. Ce système avait été critiqué par l’Australien Eddie Jones quand il entraînait le Japon, entre 2011 et 2015. « J’ai assisté à un match universitaire le week-end, et c’était comme si j’avais remonté le temps. Je pensais être dans les années 1950. Je dois être honnête, ce n’est tout simplement pas du rugby. Je ne sais pas ce qu’ils font à l’entraînement, mais ils doivent changer », déclarait-il en 2013, à la veille d’une tournée en Europe sans joueur d’université.

Les seuls joueurs à avoir récemment émergé au plus haut niveau entre 18 et 22 ans sont Kotaro Matsushima et Yoshikazu Fujita (tous deux nés en 1993). Le premier a abandonné ses études après le lycée pour aller s’entraîner à l’étranger, à l’académie des Sharks en Afrique du Sud et dans l’équipe des moins de 19 ans de Toulouse notamment. Le second avait, avant l’université, joué en Nouvelle-Zélande.

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LJD

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