Accident mortel dans un silo : Cristal Union et son sous-traitant condamnés en appel pour homicides et blessures involontaires
Arthur Bertelli avait 23 ans. Vincent Dequin, 33. Cordistes intérimaires, ils sont morts asphyxiés dans un silo à sucre du groupe coopératif Cristal Union à Bazancourt (Marne), le 13 mars 2012. La cour d’appel de Reims a confirmé, mercredi 24 novembre, le jugement qui, en première instance, avait reconnu l’entreprise, en tant que personne morale, son directeur, Michel Mangion, et son sous-traitant Carrard Services, coupables d’homicides et blessures involontaires par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence. Elle l’infirme pour le chef d’établissement de Carrard Services, dont il n’est pas clairement établi qu’il avait reçu une délégation de pouvoir de son directeur régional.
Dans son arrêt, dont Le Monde a pris connaissance, la cour d’appel estime ainsi qu’il y a un « lien de causalité certain entre les manquements aux dispositions légales et réglementaires et le décès des deux victimes et les blessures de la troisième [Frédéric Soulier] ».
Plan d’urgence « gravement lacunaire »
Ce 13 mars 2012, une équipe de six cordistes employés par Carrard Services, dont trois intérimaires (les deux victimes, et le blessé), doit procéder au nettoyage du silo no 4, le plus grand de la sucrerie de Bazancourt : une contenance de 25 000 tonnes, 24 mètres de circonférence, 53 mètres de haut.
Le code du travail prévoit qu’avant toute opération de ce type, les chefs des deux entreprises, celle qui demande l’intervention, et celle qui intervient, procèdent « en commun » à une analyse des risques, et décident du plan pour les prévenir. D’où leur condamnation commune alors qu’elles se renvoyaient la responsabilité à l’audience.
Ce plan de prévention a bien été élaboré. Mais il était, note la cour, « gravement lacunaire ». D’abord parce qu’il l’a été sur la base d’une situation qui ne correspondait pas à celle que les cordistes ont découvert ce matin-là. Et qu’il n’a pas été modifié en conséquence.
Quand ils arrivent, le niveau de sucre dans le silo est plus élevé que prévu. Il dépasse une porte latérale, à 7 mètres de haut, qui devait être ouverte par sécurité. Alors que tous s’étaient préparés à une opération d’écrêtage et de grattage du sucre resté collé sur les parois, avec des cordistes en suspension, la mission qui leur est confiée d’emblée est de dégager cette porte. Pour cela, ils descendent depuis le haut du silo, et travaillent en appui sur le sucre. Tandis que le plan de prévention a pris en compte un risque de chute, les cordistes courent alors principalement un risque d’ensevelissement.
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