A Lyon, les journalistes d’Euronews en grève alertent les dirigeants européens sur « le démembrement de la chaîne »

A Lyon, les journalistes d’Euronews en grève alertent les dirigeants européens sur « le démembrement de la chaîne »

Dans les bureaux d’Euronews, à Lyon, en novembre 2018.

Journalistes et techniciens de la chaîne Euronews se sont mis en grève dans la soirée de jeudi 16 mars, en réaction à la mise en œuvre du plan massif de licenciements annoncé par la direction, au cours d’un conseil social et économique extraordinaire.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés A Lyon, la direction d’Euronews annonce deux cents licenciements et le « redéploiement des équipes de journalistes »

Votée « très majoritairement » en assemblée générale, selon les syndicats, la grève est prévue jusqu’à lundi 20 mars, possiblement reconductible. Pour les salariés en grève, le plan ne relève pas d’une restructuration, comme le prétend la direction, mais d’un « démantèlement, qui remet en cause la vocation essentielle de la chaîne européenne ». « Avec ce plan qui supprime des pans entiers de notre activité, la ligne éditoriale d’Euronews est complètement remise en cause, la marque de la chaîne est désormais détournée. L’information internationale n’est plus du tout la priorité du projet qui nous est imposé », déclare Marie Jamet, déléguée du Syndicat national des journalistes.

Neuf mois après son rachat par le fonds d’investissement portugais Alpac Capital, la chaîne Euronews, située à Lyon, fait l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi, qui prévoit 197 licenciements, sur un effectif de 349 salariés permanents, selon le dernier comptage des syndicats. Ce plan supprime les deux tiers de la rédaction. Seules les équipes française et russe resteraient finalement à Lyon, siège de la chaîne depuis sa création, en 1993.

Une perte de 20 millions d’euros en 2022

L’immeuble à l’architecture futuriste, situé sur les bords de Saône, est mis en vente depuis le début de l’année. En 2022, Euronews a affiché une perte de l’ordre de 20 millions d’euros. Le plan de licenciement a pour but de « sauvegarder » la chaîne, afin qu’elle reste un « véritable média européen », a justifié Guillaume Dubois, directeur général, en annonçant le plan devant les salariés, jeudi 2 mars.

Lire aussi : Des salariés d’Euronews en grève contre la crainte d’un démantèlement

Les effectifs restants seraient redéployés à Bruxelles et répartis dans différentes capitales. « Parmi les journalistes licencié.e.s, se trouvent des consœurs et confrères russes et turcs qui ne peuvent pas rentrer dans leurs pays sous peine d’être emprisonné.e.s », souligne le communiqué de l’intersyndicale. Les syndicats dénoncent l’abandon de tournages et de productions de magazines, transférés à des sous-traitants.

Syndicats et grévistes en appellent désormais aux plus hautes instances européennes, et à chaque dirigeant des Etats membres, pour alerter sur la situation sociale d’Euronews, et la signification politique de cette brutale restructuration.

« Service public essentiel »

« Au moment où la chaîne devait fêter ses trente années d’existence, au moment où l’histoire nous invite à la relance de l’Union européenne face aux crises et à la guerre, la chaîne Euronews est démembrée. Chaque dirigeant politique doit prendre position et nous dire s’il faut nous abandonner, et en finir avec la seule chaîne d’information internationale d’échelle européenne. S’ils ne veulent plus de ce service public essentiel, nous partirons au chômage, mais qu’ils assument devant l’histoire », confie au Monde Alexis Caraco, délégué de la CGT.

La direction affirme que la vocation de la chaîne s’inscrit dans un suivi de « l’actualité des institutions européennes ». Les journalistes d’Euronews craignent que la chaîne européenne ne perde sa vocation informative, au profit « d’une chambre d’écho des lobbyistes, à destination des 10 000 technocrates des structures de Bruxelles », selon Alexis Caraco.

Lire aussi : Chez Euronews, les motifs d’inquiétude se multiplient au sein de la rédaction

Les salariés en grève en appellent particulièrement au président de la République, Emmanuel Macron. « Ne laissez pas un fonds d’investissement nous détourner de notre mission de service public, ne le laissez pas licencier 200 personnes en France, au nom d’un projet incertain », insiste le communiqué de l’intersyndicale de la chaîne.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.