A l’ouverture du procès en appel de France Télécom, des prévenus en colère
Deux ans et demi ont passé depuis le jugement qui a fait d’eux les premiers condamnés pour « harcèlement moral institutionnel ». C’était le 20 décembre 2019, et le tribunal correctionnel de Paris faisait entrer dans la jurisprudence cette notion de harcèlement « systémique, managérial », accolée au nom de France Télécom – devenu Orange –, soit une stratégie d’entreprise « visant à déstabiliser les salariés, à créer un climat anxiogène et ayant eu pour objet et pour effet une dégradation des conditions de travail ».
Une victoire historique pour les parties civiles, trente-neuf salariés reconnus victimes, parmi lesquels dix-neuf agents qui se sont suicidés entre 2007 et 2010, et les syndicats à l’origine de la plainte. Une brûlure pour l’ancien PDG Didier Lombard, pour l’ex-numéro deux, Louis-Pierre Wenès, et pour quatre autres cadres ou anciens cadres de l’entreprise, qui ont fait appel de leur condamnation à des peines de quatre à huit mois de prison avec sursis – le maximum encouru était d’un an d’emprisonnement – et à des amendes de 5 000 à 15 000 euros, ainsi qu’au paiement solidaire de près de 3 millions d’euros de dommages et intérêts.
Mercredi 11 mai, leur colère a éclaté dès les premières minutes de l’audience devant la cour d’appel de Paris, quand la présidente, Pascaline Chamboncel-Saligue, a demandé à chacun sa position sur les faits qui leur sont reprochés.
« Contestez-vous votre culpabilité ?
– Absolument », a répondu d’une voix ferme Didier Lombard, premier à s’avancer à la barre.
L’ancien PDG, âgé de 80 ans, a déplié un petit papier. « Je considère que je n’ai pas été écouté et qu’il y a eu un refus manifeste d’essayer de comprendre la politique que nous avons menée. Nous avons été accusés d’avoir mis en place un complot à trois, destiné à harceler les salariés. Imaginer cela, c’est méconnaître le fonctionnement d’une société comme France Télécom. Une telle société fonctionne grâce à des instances de direction, un conseil d’administration où siègent des représentants de l’Etat et des syndicats, ainsi que des comités locaux où siègent les salariés. Aucun mouvement ne peut être décidé sans que ces instances locales ne soient consultées. »
Le ton est donné. C’est un homme « profondément blessé » par les attendus du jugement et un prévenu combatif qui fait face à ses juges d’appel. « France Télécom est ma maison. M’accuser d’avoir voulu ou fait quoi que ce soit pour dégrader les conditions de travail de mes collègues, c’est méconnaître l’attachement d’une vie entière passée au service de France Télécom. Au contraire, j’ai tout fait pour cette maison. (…) J’ai entendu les souffrances exprimées au cours de l’instruction et de l’audience et j’en resterai à jamais profondément désolé. Mais je continuerai de dire que ce n’est pas la politique que j’ai voulue. »
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