Rencontres RH : comment utiliser les formes d’emploi flexibles sans occulter leur précarité
Et si le CDI était voué à s’éteindre à petit feu ? C’est ce que laisse entrevoir l’avis des trois directeurs des ressources humaines qui ont participé à la vingtième édition des Rencontres RH, le rendez-vous mensuel de l’actualité du management créé par Le Monde, qui s’est tenu mardi 7 décembre à Paris, en petit comité.
CDD, intérim, sous-traitance, activité partielle, auto-entrepreneuriat… Le faible nombre de présents dit beaucoup de la frilosité des DRH à parler de la frange précaire de leurs effectifs, pourtant loin d’être dérisoire. L’économiste Thomas Coutrot, souffrant, n’ayant pas pu participer à la discussion en direct, a été joint ultérieurement par téléphone. Il dresse un constat clair : « Les CDD et l’intérim représentent 12 % de l’emploi salarié total en France, contre 5 % au début des années 1980. Sur les embauches, 85 % sont en CDD. Surtout, les contrats sont de plus en plus courts. En quinze ans, ils sont passés de vingt à cinq mois en moyenne. »
Avant d’évoquer la précarité, les DRH présents ont vanté l’utilité du travail flexible dans leur domaine respectif. A commencer par l’entreprise de sécurité privée Panthera, qui compte pourtant 95 % de CDI dans ses effectifs, mais recourt à la sous-traitance et à l’intérim dans l’une de ses filiales. « Dans l’urgence, la sous-traitance et l’intérim sont des outils de flexibilité. L’activité a redémarré mais on craint d’embaucher en CDI, » explique le DRH, Alexis Berthel, qui met en avant l’intérêt d’être souple dans l’incertitude de la crise sanitaire.
Des questionnements sur le CDI
Dans le secteur de la prestation intellectuelle, les consultants sont souvent des indépendants payés à la journée. « La sous-traitance est un de nos piliers, avec un réseau de 1 200 intervenants vacataires, souvent autoentrepreneurs. L’intérêt pour nous, PME de 400 salariés, c’est qu’on ne va chercher leur expertise que ponctuellement », remarque Christophe Le Bars, DRH de la Cegos, leadeur de la formation professionnelle. Laurence Breton-Kueny, la DRH de l’organisme de certification Afnor, fait un constat similaire : « La majorité de nos 1 000 contrats sont en CDI, mais pour les activités de certification, on prend des auditeurs, aujourd’hui environ 1 600. Il y a aussi beaucoup de prestataires sur les métiers informatiques, car c’est très difficile de recruter. »
A ces avantages s’ajoute l’observation que de plus en plus de travailleurs questionnent le CDI à l’ancienne. Selon les trois DRH présents, ce n’est pas la priorité des salariés. « On a des salariés qui quittent l’entreprise pour 30 euros de plus, note Alexis Berthel, donc, pour beaucoup, le CDI ne fait plus rêver, conclut-il. L’avantage du CDD, c’est que les gens perçoivent la prime de précarité, c’est important, surtout dans les activités hypertendues où ils peuvent trouver du travail facilement. C’est le cas de la sécurité privée. » Thomas Coutrot relativise le poids de cette prime : « Une étude de l’Insee de 2019 a montré qu’à un moment donné les CDD ont un revenu équivalant aux CDI grâce à la prime, mais à moyen terme les CDI gagnent bien plus, car ils cumulent de l’ancienneté. »
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