Conditions de travail clémentes, coups de main électoraux… A Marseille, le système de ramassage des ordures craque
ReportageDepuis des décennies, le ramassage des déchets dans la cité phocéenne est soumis à une drôle d’entente entre Force ouvrière et les élus. Un arrangement douteux qui est aujourd’hui remis en question par la fin de l’ère Gaudin et l’érosion du syndicat.
18 h 45, la chaleur retombe à peine sur Marseille et le bruit des boules claque. L’été revient enfin sur la ville et, avec lui, le plaisir de la pétanque. Devant le dépôt métropolitain de la Cabucelle (15e arrondissement), à une heure des premiers départs, on prend le temps de quelques parties. Ici, c’est le « garage », l’antre des « chauffeurs », une des castes du grand monde de la « collecte ». La plus noble parmi celles qui vont « au mastic », comprendre sur le terrain, pour ramasser les 1 000 tonnes d’ordures produites quotidiennement par les Marseillais. Une centaine de gars qui sillonnent la ville tous les soirs au volant de leurs bennes.
Le ciel tourne à l’orange coucher de soleil et les grands rideaux automatiques qui ferment l’accès au dépôt se lèvent lentement. Ce soir, 27 bennes sortent, en deux fournées : 19 h 30 pour ceux dont les tournées sont les plus éloignées, 20 heures pour les autres. Direction le centre-ville, les secteurs de la Timone, de la Plaine, mais aussi quelques quartiers du 6e arrondissement. Tous seront rentrés chez eux, au plus tard, à minuit. « Vous n’écrivez pas pour les boules, hein ? », s’inquiète un des cadres du site.
On blague autour de la machine à café du dépôt, pendant que les bennes font à tour de rôle le plein d’essence. Mais l’ambiance est lourde chez les héritiers de cette aristocratie ouvrière typiquement marseillaise. A partir du 1er janvier 2022, la Métropole Aix-Marseille-Provence – responsable depuis 2000 du nettoiement de 92 communes, dont celui de la deuxième ville de France – sera contrainte par la loi de transformation de la fonction publique d’appliquer un temps de travail de 1 607 heures par an et par agent (soit 35 heures hebdomadaires). Contre moins de 30 heures par semaine actuellement.
Le crépuscule d’un statut plus qu’avantageux
A l’arrière des bennes, on redoute que l’allongement de la durée du travail s’accompagne de suppression de postes. Et, dans les dépôts, on se prépare à perdre une vingtaine de jours de congé. Certains parlent d’une grève, en septembre. Et ce ne sont pas les discours rassurants des délégués Force ouvrière (FO), dépêchés ces derniers jours sur le terrain par Patrick Rué, l’historique secrétaire général du syndicat majoritaire chez les agents territoriaux de Marseille et de la métropole, qui font redescendre la température… Tout le monde sent que le système, qui, des décennies durant, a garanti aux éboueurs un statut plus qu’avantageux, est en train de craquer.
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