Retraite complémentaire : qui subit finalement le nouveau malus Agirc-Arrco ?
Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification clé du principe de calcul de la retraite des salariés. Jusque-là, qui obtenait sa pension de base à taux plein au régime de base était généralement assuré de toucher sa complémentaire Agirc-Arrco sans minoration.
Ce n’est plus vrai depuis l’instauration d’un système de malus-bonus temporaire : désormais, même avec le taux plein au régime de base, la pension complémentaire peut être minorée de 10 % ou 5 % durant trois ans si l’on ne décale pas sa retraite d’au moins un an, à partir du moment où sont remplies les conditions du taux plein. Avec des exceptions, notamment pour les plus modestes.
Cette réforme avait été imposée par le Medef pour inciter les séniors à repousser leur retraite, dans le cadre de négociations sur le régime menées avec les syndicats en 2015. L’idée avait à l’époque des visées plus idéologiques et politiques que financières puisqu’il était question que le dispositif fasse économiser au régime quelque 500 millions d’euros par an seulement sur les plus de 6 milliards d’économies que devaient permettre, en 2020, toutes les mesures de l’accord.
Pas de CSG, pas de minoration
L’incertitude régnait toutefois sur les comportements des aspirants à la retraite. Allaient-ils partir avec le malus temporaire ? Attendre un an ? De premiers éléments de réponses ont été fournis fin mai par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) dans son rapport « Les Retraités et les retraites ».
La réforme a été appliquée pour la première fois aux personnes ayant pris leur retraite en 2019, mais celles nées avant 1957 n’étaient pas concernées. Selon la Drees, sur les 371 666 séniors des générations 1957 et suivantes ayant liquidé leur pension Agirc-Arrco en 2019, 183 266 ont écopé d’un malus. La moitié, donc (49,3 %).
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Ces chiffres intègrent les retraités visés par le malus entier de 10 % (ceux qui paient la CSG à taux plein), mais aussi par le « demi-malus » de 5 % (ceux qui la paient au taux réduit de 3,8 %), nous ont précisé les auteurs du rapport.
La réforme a aussi instauré un bonus pour qui prend sa retraite au moins deux ans après le taux plein : durant un an, la pension complémentaire est dopée de 10 % pour un report de deux ans, de 20 % pour trois ans, de 30 % pour quatre. En 2019, les retraités nés en 1957 ou après ne sont que 1 033 à l’avoir perçu (0,3 %), mais cette donnée est pour l’heure peu parlante, car le nombre de séniors éligibles au bonus était réduit en 20191.
Quid des retraités de 1957 ou après ayant échappé au malus comme au bonus ? Ils se divisent en trois groupes :
- 29,2 % (du total) en étaient exemptés d’office. Le sont les foyers modestes (exonérés de CSG), les départs anticipés pour handicap, les inaptitudes au travail, certains aidants familiaux, chômeurs en fin de droit ou titulaires de pension d’invalidité, les bénéficiaires de l’Allocation adulte handicapé (AAH), etc.
- 12,7 % y ont échappé parce qu’ils avaient déjà dépassé leur taux plein d’un an (sans atteindre le bonus).
- 8,5 % n’ont pas subi de malus temporaire mais une minoration définitive. Le malus temporaire est en effet « réservé » aux retraites à taux plein, les autres ont de toute façon une minoration définitive à l’Agirc-Arrco.
Les hommes plus que les femmes
Autre élément : les femmes sont plus souvent automatiquement dispensées de malus que les hommes. Elles sont ainsi 32 % à avoir été exemptées pour situation spécifique (foyer modeste, aidant familial, etc.) contre 26 % des hommes. Et 10 % (contre 7 % des hommes) à ne pas avoir subi de malus temporaire parce qu’elles avaient déjà un malus définitif. Résultat, les hommes sont en proportion davantage touchés par le malus – 51 % contre 47 % des femmes.
Ce ne sont toutefois que des premières données. Il est trop tôt pour tirer le bilan des comportements de la génération 1957, la première concernée par la réforme, les séniors ayant décidé de reporter leur départ d’au moins un an et qui pouvaient partir à compter de 2019 (à 62 ans, l’âge légal) n’apparaissant logiquement pas dans les statistiques des départs de 2019.
Les services de l’Agirc-Arrco ne souhaitent par ailleurs pas commenter ces chiffres pour l’heure, ni fournir plus de détails sur les départs de 2020, car les discussions entre les partenaires sociaux qui copilotent le régime devraient reprendre dans les mois à venir, sur ce sujet et sur les finances du régime en général.
« Les services de l’Agirc-Arrco doivent nous fournir cette année une évaluation plus fine du dispositif et nous pourrons alors voir l’effet de la mesure sur les comportements, savoir quelles populations ont opté pour le malus, etc. Mais ma première impression confirme ce que je pressentais en 2015, la mesure aura peu d’effet sur les comportements, la plupart des gens préfèrent le malus à un report de retraite », réagit Frédéric Sève, secrétaire national CFDT.
Le bilan plus complet des premières années d’application du dispositif ne manquera pas d’être scruté à la loupe dans les mois à venir alors que le débat sur une réforme des retraites et les perspectives financières du système a été relancé.
Combien coûte le malus sur une pension complémentaire de 500 euros ?
Prenons l’exemple, fictif, de Barbara, qui avait prévu de prendre sa retraite au 1er juillet 2021 à 62 ans, avec les 167 trimestres requis pour décrocher le taux plein pour sa génération (1959). Sans le nouveau dispositif de malus-bonus de l’Agirc-Arrco, elle aurait touché 1 650 euros de pension nette : 1 150 euros de pension de base + 500 euros de complémentaire.
Avec la réforme, si elle maintient son départ au 1er juillet 2021, et qu’elle ne compte pas parmi la population exemptée de malus ou concernée par le demi-malus, sa pension complémentaire sera minorée de 10 %, pour trois ans. Jusqu’à juin 2024, elle touchera donc 1 600 euros par mois (1 150 + 450). Et à compter de mai 2022, sa pension intégrale, 1 650 euros, lui sera versée. La réforme lui coûtera au total 1 800 euros (calculs hors revalorisations annuelles). Si elle attend le 1er juillet 2022 pour prendre sa retraite, elle échappera au malus… mais elle renoncera à un an retraite.
1. Pour avoir dépassé dès 2019 le taux plein de deux ans tout en étant né au moins en 1957, et donc être éligible au bonus, il fallait avoir décroché son taux plein au plus tard en 2017. Cela suppose d’avoir eu droit à un départ anticipé à 60 ans ou avant, contre 62 ans dans le cas général.