Le site historique de sanitaires en céramique Jacob Delafon repris par la PME française Kramer

Le site historique de sanitaires en céramique Jacob Delafon repris par la PME française Kramer

« Qui sème la misère, récole la Kohler », lit-on sur les tee-shirts accrochés par les salariés de l'usine Jacob Delafon de Damparis, dans le Jura, qui protestent contre la vente du site par le groupe américain Kohler, le 26 novembre 2020.

Un repreneur français pour l’usine emblématique de sanitaires en céramique Jacob Delafon installée depuis 1889 à Damparis, dans le Jura. Personne n’aurait parié sur cette issue il y a neuf mois, lorsque, en septembre 2020, le groupe américain Kohler, propriétaire du site depuis 1986, a annoncé son intention de s’en séparer. Pour justifier sa décision, il mettait en avant une « surcapacité chronique » du site, et des coûts de production nettement supérieurs à ceux de son usine de Tanger, au Maroc.

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Au terme de plusieurs rebondissements ces derniers mois, le groupe Kramer, 112 salariés (30 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019), fondé dans la Meuse en 1981, a annoncé, vendredi 4 juin dans un communiqué, qu’il était « le nouvel acquéreur » du site et y lancerait son activité à partir du 1er juillet. L’entreprise est spécialisée dans la robinetterie sanitaire de gamme moyenne, et notamment de marques distributeurs en vente dans les chaînes de bricolage, et très haut de gamme (Horus). « A travers l’entreprise Horus, qui propose déjà dans sa collection Classique une gamme de céramique (vasques, baignoires, toilettes…), le groupe développera une douzaine de nouveaux modèles qui viendront enrichir son catalogue d’ici à 2022 » indique Kramer dans son communiqué, mettant en avant le « Made in France ».

Le président du groupe, Manuel Rodriguez, avait expliqué ses motivations au Monde lorsqu’il s’était une première fois porté candidat au rachat, en février. « C’est le dernier site capable de produire de la céramique sanitaire en grès et en porcelaine en France, et sa fermeture signerait la disparition définitive de ce savoir-faire dans notre pays, déclarait-il alors. J’ai eu un réflexe d’entrepreneur et d’industriel. A l’heure où l’on parle de “Made in France” et de réindustrialiser la France, les planètes m’ont semblé bien alignées. »

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Il avait ensuite retiré son offre à la suite de désaccords avec le groupe Kohler. Finalement, « avec l’aide de l’Etat et de la région », il en a formulé une nouvelle en mars. Elle a ceci d’original que c’est la communauté d’agglomération du Grand Dole qui se porte acquéreur du terrain et des bâtiments dont Kramer, grâce à un leasing, sorte de location-vente, pourra devenir propriétaire d’ici quinze ans.

Congé de reclassement

« C’est un procédé intelligent, souligne Jean-Yves Hinterlang, commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises en région Bourgogne-Franche-Comté. Cela atténue les charges pour l’acquéreur et lui permet au départ de consacrer son argent à d’autres priorités, comme le rachat de nouveaux équipements, le développement de nouveaux modèles ou la constitution d’une trésorerie. » Kramer estime son investissement total à près de 5 millions d’euros. La PME espère aussi bénéficier de l’aide du plan de relance.

Toutefois, le tableau n’est pas tout rose. Les désaccords initiaux entre Kramer, l’acquéreur, et Kohler, le vendeur, n’ont pas permis de boucler la vente avant la fin du plan de sauvegarde de l’emploi, signé le 3 mars, actant le licenciement économique des 151 salariés. Les premiers affectés viennent de recevoir leur notification. Ils disposent d’un congé de reclassement qui leur permettra de toucher « quasiment leur salaire pendant un an », indique Rodolphe Gomis, délégué CFE-CGC du site.

Kramer prévoit soixante-cinq embauches au cours de la première année, le temps du développement des modèles, du dessin à la fabrication des moules

Le projet du groupe Kramer prévoit cependant « un programme d’embauches échelonnées dans lequel les anciens salariés du site seront prioritaires ». Une vingtaine de salariés licenciés, et notamment ceux aux savoir-faire les plus spécifiques, indispensables pour relancer la fabrication de nouveaux modèles de sanitaires en céramique, pourraient être réembauchés rapidement sur le site. Kramer s’engage à informer la cellule de reclassement des offres à pourvoir. Il prévoit soixante-cinq embauches au cours de la première année. Le temps du développement des modèles, du dessin à la fabrication des moules. Et ambitionne de retrouver un total de 150 salariés d’ici à 2026, « renouant avec l’effectif de départ du site ».

Les salariés, qui se sont déchirés ces derniers mois sur les stratégies à suivre, ont été informés du rachat, jeudi 3 juin. « Il y a eu un peu tous les ressentis. Certains étaient enchantés de voir qu’ils allaient pouvoir continuer ce métier qui les passionne, d’autres ne reviendront pas », note Isabelle Baudin, déléguée CGT, qui y voit, elle, « une bonne nouvelle ». « On aurait préféré ne pas être licencié ! lance Rodolphe Gomis. Se retrouver plusieurs mois inactif ne va pas être facile. » Mais il y a dans sa voix de l’optimisme et du soulagement : « Enfin, on tient notre chance de recommencer ! »

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LJD

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