Une France (qui reste) ouvrière

Une France (qui reste) ouvrière

Chronique. Au-delà des stigmates de la crise sanitaire, la « photographie du marché du travail en 2020 », publiée récemment par l’Insee, a été très commentée pour ce qui représente pour certains un cap historique. « Pour la première fois, la part des cadres [et professions libérales] dans l’emploi total dépasse celle des ouvriers : elle atteint 20,4 %, contre 19,2 % pour les ouvriers. Au début des années 1980, les ouvriers étaient près de quatre fois plus nombreux que les cadres. » Ce constat est toutefois trompeur.

D’une part, les cadres ne sont pas la catégorie dominante, ni chez les femmes, ni chez les hommes. La définition des catégories « ouvriers et employés » obéit, en partie, à une division sexuée des activités économiques, parfois cocasse. Ainsi, une conductrice de taxi salariée est classée comme ouvrière car c’est un métier masculin ; en revanche, un conducteur d’un taxi-ambulance est un employé car lié à la santé, une activité « par essence » féminine. Résultat : les femmes sont ultra-majoritaires parmi les employés et 80 % des ouvriers sont des hommes. Les employées pèsent près de la moitié de l’emploi féminin, alors qu’une femme sur six, soit un peu plus de 17 %, est cadre. Du côté masculin, les ouvriers sont toujours les plus nombreux, près de 30 %, contre 23 % pour les cadres.

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On pourrait rétorquer que ce n’est qu’une question de temps puisque le différentiel entre ouvriers et cadres masculins était de trente points il y a quarante ans. La poursuite des tendances n’est cependant pas si évidente. Du côté de l’offre de travail, la stagnation du niveau d’éducation des entrants depuis plusieurs années risque de se muer en dégradation avec la crise éducative née il y a un an. Du côté de la demande, le développement de l’économie des plates-formes s’accompagne d’une forte croissance d’activités comme celle de livreur ou coursier à vélo.

Contrôle permanent

Un livreur de repas à domicile, par exemple, s’il est salarié, est considéré comme ouvrier. Mais la plupart de ces nouveaux livreurs ont aujourd’hui le statut d’autoentrepreneur et sont donc classés comme artisans. Le basculement vers un modèle de salariat, volontaire ou forcé par l’évolution du droit reconnaissant le caractère fictif de l’indépendance, donnerait une photographie plus réaliste de ce pan croissant des ouvriers. Les plans d’infrastructure et de transition énergétique nationaux ou européens constituent une mécanique potentiellement plus massive : ils porteront des activités locales intensives en ouvriers (et ouvrières), notamment dans le bâtiment et les industries associées (fenêtres, etc.).

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LJD

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