Covid-19 : « Avec le télétravail, nous condamnons les jeunes recrutés à être des salariés de “troisième classe” »

Covid-19 : « Avec le télétravail, nous condamnons les jeunes recrutés à être des salariés de “troisième classe” »

Tribune. « Je ne pensais pas démarrer mon premier job sur le canapé de mon salon », « Je n’aurais jamais cru intégrer une équipe sans connaître personne ! », « C’est très dur de découvrir ses collègues via l’écran d’ordinateur ! » Voici quelques-uns des témoignages que j’ai pu recueillir de nouveaux entrants sur le marché du travail.

Certes, ils/elles mesurent leur chance d’avoir décroché un contrat, CDD, CDI (plus rarement), alternance, voire un stage… mais, avec le télétravail, ils ont le sentiment de rester dans un sas, une salle d’attente et de ne pas faire vraiment partie de l’entreprise même après plusieurs semaines.

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Le phénomène n’est pas anecdotique, et il monte en puissance. Avec la systématisation du télétravail, nous condamnons les jeunes recrutés à être des salariés de « troisième classe ». Les faits sont là. Ces nouveaux salariés (d’autant plus si c’est une première expérience) n’ont pas accès aux codes de l’entreprise car intégrer une culture d’entreprise passe par l’informel. Or, l’informel disparaît dans le travail à distance.

Pas d’informel, plus de codes

En télétravail, plus de discussions à bâtons rompus à la machine à café, plus de pauses cigarette où on papote de tout et de rien, plus de clins d’œil, soupirs, grimaces, gestes, petites phrases, prises de bec, rires, private jokes… Et surtout, plus de possibilité d’écouter, d’observer, d’imiter ce que font les autres, ces collègues qui sont dans l’entreprise depuis plus longtemps. Plus moyen d’avoir les codes.

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Car les études montrent que c’est par l’informel qu’on se socialise. Des chercheurs du Center for Creative Leadership de l’université de Princeton ont montré dès les années 1970 que 10 % des apprentissages s’acquièrent par la formation formelle, celle qui entre dans le plan de formation de l’entreprise ; 20 % par le non-formel, des moments pris sur le temps de travail, sans objectifs, sans moyens identifiés mais animés par l’intention d’apprendre et de transmettre ; et 70 % par l’informel, c’est-à-dire tout ce qui est fait du quotidien le plus ordinaire, sans organisation ni structure précise.

C’est donc 90 % de la transmission des apprentissages et des codes qui disparaissent avec le télétravail, excusez du peu ! Pouvons-nous envisager le scénario du pire ? Accepter sur le long terme d’avoir des salariés de troisième classe, qui n’auront jamais accès au pont supérieur du bateau entreprise, ou seulement sur un hasard ou un malentendu. Quel horizon donne-t-on à ces jeunes ?

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LJD

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