Coronavirus : en France, Amazon poursuit son bras de fer avec les syndicats et la justice
C’est un moment symbolique dans le conflit entre la multinationale Amazon et les syndicats français, devenu affaire nationale et suivi de près au siège américain de Seattle (Etat de Washington) : vendredi 24 avril, la cour d’appel de Versailles a confirmé, tout en l’adoucissant un peu, la décision qui avait ordonné dix jours plus tôt à Amazon de mieux protéger ses salariés du coronavirus et de restreindre d’ici là ses activités aux produits jugés essentiels.
C’est à la suite de ce revers que la société de Jeff Bezos avait décidé de fermer ses entrepôts français. Vendredi, les juges ont de nouveau intimé à l’entreprise de « procéder, en y associant les représentants du personnel, à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 ».
La réaction d’Amazon ne s’est pas fait attendre : le groupe américain a décidé de ne rien changer et de ne pas rouvrir ses entrepôts. Dans un communiqué très vindicatif, il n’hésite pas critiquer vertement la décision de la justice française. « Elle nous conforte dans l’idée que l’enjeu principal n’est pas tant la sécurité, que la volonté de certaines organisations syndicales de tirer parti d’un processus de consultation complexe avec les comités sociaux et économiques », écrit l’entreprise de Jeff Bezos. « Nous ne pensons pas que cette décision soit dans le meilleur intérêt des Français, de nos collaborateurs et des milliers de TPE et de PME françaises qui comptent sur Amazon pour développer leurs activités », ajoute la direction.
Amazon souligne que « ses entrepôts sont sûrs ». Et que les comités sociaux et économiques (CSE) ont été « impliqués » dans la mise en place des mesures anti-coronavirus. Les syndicats dénoncent, eux, une approche « unilatérale », menée seulement au niveau de chaque entrepôt. La cour leur donne raison en demandant une consultation du CSE central.
Culture américaine rétive au syndicalisme
« Amazon, plutôt que de négocier, choisit de poursuivre son bras de fer. La direction joue l’opinion contre la force du droit. Ce n’est plus un problème économique, c’est un problème psychologique. “Je suis l’employeur, je décide”. On est dans le dogme », déplore Laurent Degousée de la fédération Sud-Commerce, auteur de la plainte en première instance et rejoint en appel par la CFDT, la CGT et FO. L’entreprise de Jeff Bezos est connue pour sa culture américaine rétive au syndicalisme.
Pourtant, la décision judiciaire permet à Amazon d’écouler « 50 % de son catalogue », souligne le syndicaliste. La cour d’appel ne donne aucun chiffre mais elle est en effet allée dans le sens du géant américain sur certains points : elle a élargi et précisé les catégories de produits autorisées à la vente, en se référant au catalogue de la plate-forme : « high-tech », « informatique », « bureau », « tout pour les animaux », « santé et soins du corps », « homme », « nutrition », « parapharmacie », « épicerie », « boissons » et « entretien ». Cet éventail large dépasse celui fixé par le tribunal judiciaire de Nanterre, restreint aux seuls produits « alimentaires », « médicaux » et « hygiène ».
Il vous reste 40.01% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.