« Les producteurs de matériel médical devraient être des entreprises à mission »
Entreprises. Parmi les leçons de la pandémie actuelle, il y a indiscutablement la nécessité d’éviter la pénurie de matériel médical. Dans l’urgence, des usines ont dû se reconvertir dans la fabrication de masques et des industriels, dont ce n’était pas le métier, se sont lancés dans la production de respirateurs. Initiatives méritoires et solidaires, mais qui ne doivent pas faire oublier qu’il s’agit de pallier l’incapacité des producteurs habituels à répondre à la demande forte engendrée par l’épidémie mondiale.
Il est courant d’expliquer cette incapacité par le caractère exceptionnel et universel de la crise. Mais c’est oublier que l’industrie est coutumière des variations fortes de la demande. En outre, toutes les études sur la défaillance et la sécurisation des approvisionnements, montrent que pour se préparer à de fortes variations de la demande, il n’est pas besoin de connaître exactement la cause de celles-ci.
Pour absorber ces chocs, les sciences de la gestion et du génie industriels offrent une large gamme de solutions : stockage des pièces critiques, diversification des fournisseurs, flexibilité des lignes d’assemblage, modularisation du matériel permettant de sous-traiter tout ou partie des productions, etc. Il faut aussi concevoir à l’avance, des matériels moins sophistiqués, faciles à fabriquer et à déplacer, qui assurent a minima les fonctions essentielles.
Développer un écosystème
Le système hospitalier devrait donc, à l’avenir, obtenir de ses fournisseurs de telles garanties industrielles. Mais cela suffira-t-il ?
Une enquête du New York Times (29 mars 2020, « The US Tried to Build a New Fleet of Ventilators. The Mission Failed ») révèle que, en 2008, face à la série des épidémies virales, les autorités de santé des Etats-Unis ont anticipé un besoin massif de respirateurs. Ils ont alors commandé à une entreprise de nouveaux respirateurs : moins chers, plus faciles à produire et à utiliser en urgence. Mais, en 2012, l’entreprise fut rachetée par un grand du secteur, qui arrêta le projet parce que non rentable selon lui, et en concurrence avec ses propres matériels. L’administration relança plus tard un nouveau projet, mais il était trop tard pour le Covid-19 et les Etats-Unis ont dû improviser face à la pénurie, comme la France.
Il ne suffit donc pas qu’un écosystème industriel se prépare à des variations imprévues de la demande. Il faut aussi que les entreprises de cet écosystème puissent maintenir cette capacité malgré les modifications de leur actionnariat ou leur éventuelle absorption. Or, cette double assurance n’est acquise qu’avec la qualité de société à mission telle que définie par la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). Celle-ci, permet de pérenniser et de contrôler les engagements de l’entreprise. De plus, le système hospitalier pourrait participer au comité de mission. Sans la société à mission, les investissements en faveur d’une réelle robustesse industrielle seraient aisément remis en cause par une nouvelle gouvernance exclusivement financière.
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