Coronavirus : comment le chômage partiel comptera-t-il pour la retraite ?

Coronavirus : comment le chômage partiel comptera-t-il pour la retraite ?

Les périodes de chômage partiel donnent droit, sous certaines conditions, à des points de retraite Agirc-Arrco.
Les périodes de chômage partiel donnent droit, sous certaines conditions, à des points de retraite Agirc-Arrco. Achim Sass/Westend61 / Photononstop

Quasi neuf millions de salariés. Le dernier chiffre communiqué sur le dispositif exceptionnel d’activité partielle mis en place dans le contexte de la pandémie donne le vertige. L’indemnité de chômage partiel ne constituant pas un salaire et n’étant donc pas soumise à cotisations retraite, se pose, pour les actifs concernés, la question de l’impact de cette situation sur leurs futures pensions…

« Autant rassurer tout de suite : pour la plupart des salariés, les conséquences sur la retraite de quelques semaines de chômage partiel seront inexistantes ou faibles. Notre système de retraite est protecteur, les règles de calcul des pensions permettent aux salariés de ne pas y laisser trop de plumes quand ils font face à un accident de la vie et ne cotisent pas », souligne Dominique Prévert, du cabinet Optimaretraite.

Aucun trimestre perdu pour la plupart des salariés

« On ne peut toutefois pas dire que le chômage partiel sera sans effet. Pour comprendre les potentiels impacts, et qui serait concerné, il faut entrer dans le détail du calcul des pensions, qui est tout sauf simple », poursuit-il.

Commençons par les pensions de base du régime général, versées par l’Assurance-retraite. La règle est la suivante : le chômage partiel ne permet pas d’engendrer des trimestres, contrairement au chômage indemnisé « traditionnel ».

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N’en déduisez toutefois pas, si vous êtes au chômage partiel, que vous serez amené à partir plus tard à la retraite. La plupart des salariés en activité partielle auront tout de même leurs quatre trimestres en 2020. Rappelons en effet que pour engranger quatre trimestres sur l’année civile, un salaire de 6 090 euros touché en 2020 suffit (soit 600 fois le montant du smic horaire) – le salaire brut requis pour valider un trimestre s’élevant à seulement 1 522,50 euros.

Autrement dit, si le reste de l’année, vous avez ces 6 090 euros de salaire brut en dehors de votre indemnité de chômage partiel, vous ne subirez aucune perte de trimestres. Un salarié payé au smic, par exemple, remplit cette condition en seulement quatre mois de salaire.

Les temps très partiels affectés

« La question de l’impact en termes de trimestres se pose uniquement pour les personnes qui, à cause de leur chômage partiel, seront amenées à percevoir moins de 6 090 euros de salaire brut au total dans l’année », note M. Prévert. Celles travaillant à temps très partiel, notamment.

Pour un salarié à temps partiel, dont le salaire brut s’élève habituellement à 550 euros par mois, et 6 600 euros sur l’année (rémunération sur douze mois), un mois de chômage partiel abaissera par exemple sa rémunération brute annuelle soumise à cotisations à 6 050 euros, ce qui ne lui permettrait de valider que trois trimestres, en l’état actuel de la réglementation (il n’atteindrait pas les 6 090 euros).

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« L’impact du chômage partiel sur les très bas salaires annuels dépendra de combien de temps durera la situation », ajoute M. Prévert. Pour un salarié rémunéré 600 euros bruts par mois et donc, habituellement, 7 200 euros sur l’année, un mois de chômage partiel fera passer sa rémunération annuelle à 6 600 euros en 2020, montant suffisant pour obtenir quatre trimestres. Deux mois, en revanche, lui feraient perdre un trimestre (rémunération brute abaissée à 6 000 euros).

Un dispositif dérogatoire en vue ?

Pas sûr, toutefois, que des trimestres soient réellement « perdus » dans l’affaire, même pour les salariés travaillant à temps très, très partiels. Le gouvernement réfléchit en effet à introduire un dispositif dérogatoire à même de neutraliser l’impact pour les personnes concernées.

Pour le calcul des trimestres, les périodes d’activité partielle pourraient par exemple être considérées comme des « périodes assimilées », comme le sont déjà les arrêts-maladie ou encore le chômage indemnisé classique.

« Il n’y a pas de raison, dans le contexte, de traiter différemment une personne en arrêt pour maladie, une autre en congé pour garde d’enfant, et une autre en activité partielle », confie un proche du dossier.

L’impact sur le salaire de référence et les points Agirc-Arrco

« Si elle n’impactera pas le quota de trimestres de la plupart des salariés, la période d’activité partielle pourrait affecter, à la marge, le montant de la future pension de base si elle joue sur le salaire de référence pris en compte pour calculer la pension de base, le salaire moyen des vingt-cinq meilleures années », complète Dominique Prévert. « Mais là encore, pour des raisons très techniques relevant du complexe calcul de la pension de base, l’impact devrait être généralement faible ou inexistant. »

Le principal risque est qu’en réduisant le salaire soumis à cotisation que vous recevrez en 2020, votre période de chômage partielle ne fasse sortir cette année de vos vingt-cinq meilleures, si toutefois elle devait y figurer, pour la remplacer par une autre année…

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Quid des pensions complémentaires, versées par l’Agirc-Arrco ? Si vous touchez une indemnité d’activité partielle, des points peuvent vous être attribués à une condition : que la durée de l’activité partielle dépasse soixante heures en 2020. Ce qui devrait être le cas pour la plupart des salariés concernés.

Et le congé pour garde d’enfant ?

Autre dispositif exceptionnel ouvert depuis la fermeture des crèches et écoles le 16 mars : l’arrêt de travail pour garde d’enfant. Les indemnités journalières versées par l’Assurance-maladie ne sont pas soumises à cotisations, mais les périodes compteront quand même pour la pension de base du régime général : un trimestre sera accordé tous les soixante jours d’indemnisation (sans pouvoir vous amener à dépasser quatre trimestres sur l’année). Ces indemnités ne compteront en revanche pas dans le calcul du salaire moyen de vos vingt-cinq meilleures années.

Pour la pension Agirc-Arrco, ces semaines seront traitées comme des périodes d’incapacité de travail et conféreront donc des points seulement si l’arrêt dure au moins soixante jours consécutifs. Combien de points seront acquis si vous entrez dans ces critères ? Autrement dit, si le dispositif demeure ouvert au moins soixante jours et que vous avez pris le congé sans interruption sur ce nombre de jours – compliqué si le congé a été partagé entre les deux parents. Le calcul sera généralement basé sur les points acquis en 2019.

Exemple : Tom a acquis 120 points en 2019, donc 0,3288 point par jour. S’il prend en 2020 quatre-vingt-dix jours de congé garde d’enfant, il obtiendra, au titre de l’incapacité de travail, 90 x 0,3288 = 25,59 points – en plus des points acquis par ses cotisations du reste de l’année (sans pouvoir acquérir, au total en 2020, plus que les 120 points de 2019).

Combien de points ? « L’attribution se fera non pas sur la base de l’indemnité touchée, mais du salaire touché l’année de l’activité partielle », explique François-Xavier Selleret, directeur général du régime. Le nombre de points obtenu au final sera celui que vous auriez eu si vous aviez touché votre salaire habituel pendant la période, légèrement diminué en raison de la période de carence de soixante heures qui s’applique.

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Le calcul est le même que l’employeur de M. Durand l’indemnise ou non au-delà des 70 % de son salaire brut prévus, dans le dispositif, pour les salariés gagnant plus que le smic, précise l’Agirc-Arrco.

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