Avec le plein-emploi, les Etats américains tentent de faire revenir leurs habitants natifs
Aux Etats-Unis, plusieurs Etats volent au secours des employeurs en manque de main-d’œuvre en attirant réfugiés et enfants du pays partis chercher du travail ailleurs en temps de crise.
Article réservé aux abonnés
Mustafa Faek, 24 ans, est un réfugié irakien arrivé il y a quatre ans à Buffalo, dans l’Etat de New York, tout près du Canada. Il s’est vite intégré. « Je suis professeur de musculation, dit-il. Je nage, je fais des photos, je suis agent immobilier. » Toute la journée, M. Faek multiplie les visites d’appartement pour le compte du cabinet immobilier Howard Hanna. Il fait partie de ces jeunes étrangers que les entreprises de Buffalo et de la ville d’Utica, 300 kilomètres plus loin, ont réussi à faire venir, avec l’aide de l’Etat.
« Buffalo a connu son meilleur moment dans les années 1950. Ensuite des usines ont fermé, les habitants sont partis, et ceux qui sont restés ont vieilli », résume Eva Hassett, directrice de l’Institut international de Buffalo. Entre les années 1950 et l’an 2000, la ville a perdu 50 % de sa population. Mais la reprise de l’économie et le plein-emploi ont changé la donne. Les entreprises et commerces locaux (AIM Transportation Solutions, New Wave Energy, Pepsico, Target…) réclament une force de travail plus jeune.
D’où les services offerts par l’Institut international aux réfugiés primo-arrivants et à ceux qu’on appelle les « secondaires », des immigrants qui avaient d’abord élu domicile dans un autre Etat et choisissent finalement de tenter leur chance à Buffalo. « Je le dis à mes amis de Chicago, de Philadelphie, du Texas, s’enthousiasme M. Faek. Ici le potentiel est sans limite ».
Agence pour l’emploi efficace
Le constat est identique à Utica, qui a vu sa population décliner de 40 % en un demi-siècle. Le Mohawk Valley Resource Center for Refugees se veut une machine bien huilée. Depuis ses débuts dans les années 1980, quand le centre accueillait les déplacés de la guerre du Vietnam, 16 500 réfugiés se sont installés dans la région. « Nous voyons passer à l’année 180 réfugiés, plus une centaine de “secondaires” », dit Shelly Callahan, la directrice du centre. Son organisation met à leur disposition 100 interprètes, des cours d’anglais, une aide à la recherche de logement… Et surtout, le centre est une agence pour l’emploi très efficace. Avec un taux de chômage inférieur à 5 % dans la ville, Mme Callahan se fait fort de trouver un poste de débutant dans les deux mois pour tout demandeur intéressé. On peut même créer sa propre entreprise.
Loin des clameurs anti-immigrés de la Maison Blanche, la Westminster Economic Development Initiative (WEDI) trace son chemin d’incubateur à Buffalo. L’organisation, financée par l’agence fédérale des petites entreprises, plusieurs fondations et les largesses de Wall Street, a ouvert un bazar dans un ancien supermarché. Les créateurs de start-up de huit pays différents s’y côtoient : du cabinet comptable birman à l’experte en macramé irakienne, en passant par le restaurant thaïlandais. « Nous avons plus de restaurants birmans que la ville de New York », plaisante Bob Doyle, directeur du développement de WEDI. Ravi de voir les immigrants ouvrir à leur tour des petites ou moyennes entreprises et attirer vers le bazar des clients canadiens et des visiteurs de New York.