Le turn-over des infirmiers aux urgences
Dans les hôpitaux parisiens, les infirmiers ne demeurent en moyenne que trois ans dans les services d’urgence, selon des estimations. Un déséquilibre des équipes qui brouille encore un peu plus le travail des soignants.
Ce sera la deuxième fois qu’elle immobilise les urgences. Mais cette fois, pour de bon. Anne-Claire Rafflegeau redonnera franchement sa blouse d’ici à la fin de l’année et changera de métier, après six ans aux urgences du Kremlin-Bicêtre, au sud de Paris. « Je voulais être infirmière depuis l’âge de 15 ans mais là, je suis à bout. Physiquement, psychologiquement. J’ai 31 ans, je suis célibataire, je ne gagne pas hyper bien ma vie. J’ai fait mon temps aux urgences. »
Quand elle sort diplômée de son école d’infirmières il y a huit ans, son ultime stage la projette aux urgences. Elle adore : « La proximité avec le patient, les différentes pathologies, l’adrénaline… on ne sait jamais ce qui va se passer ! » Mais déjà, les conditions de travail sont embrouillées et, au bout de trois ans, Anne-Claire fait un « burn-out » à la suite d’une attaque physique. « La direction ne m’a absolument pas accompagnée. J’étais dégoûtée. »
La jeune soignante abandonne alors son service pour atteindre une habitation privé. Mais au bout de deux ans, l’envie de récupérer les urgences l’emporte : revenue comme infirmière de nuit au Kremlin-Bicêtre, elle ne convient plus son service. 80 % de l’équipe qu’elle éprouvait est partie, dit-elle. Depuis, face à la détérioration des conditions de travail, Anne-Claire Rafflegeau s’est nommée et fait actuellement partie du collectif Inter-Urgences, qui a déterminé lundi 17 juin de continuer le mouvement de grève.
« Nous sommes les pièces d’une machine qui nous broie »
S’il n’existe pas de statistiques officielles sur le turn-over des paramédicaux dans les services d’urgence ; plusieurs déclarations font état d’une forte instabilité des équipes. Selon l’évaluation de Christophe Prudhomme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France (AMUF), accomplie à partir d’attestations de cadres de santé, une infirmière demeure en moyenne trois ans dans un service d’urgence parisien. Certes, « c’est plus stable dans les petits services de province, mais dans tous les grands hôpitaux, il y a une très forte rotation, assure M. Prudhomme. A l’hôpital Lariboisière, où les conditions sont particulièrement difficiles, la moitié du personnel est partie en un an ! »