«Plus on reste longtemps au chômage, plus il est pénible d’en sortir»
« Il faut voir le chômage comme un phénomène de file d’attente. Certains sont à la porte du marché du travail, d’autres en sont très éloignés, comme les chômeurs de longue durée », explique l’économiste Eric Heyer. REUTERS/Eric GaillardLe taux de chômage en Europe est revenu à son niveau d’avant-crise, mais les sans emploi de longue durée demeurent nombreux partout, inclus en France. L’économiste Eric Heyer explique ce phénomène.
Eric Heyer est économiste auprès de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
L’inactivité de longue durée est-il une succession de la crise ?
Plus on reste longtemps au chômage, plus il est pénible d’en sortir, et cela ne date pas de 2008. La crise a particulièrement augmenté le phénomène. Pendant huit ans, on a produit moins avec moins de gens. Le taux de chômage s’est augmenté, et celui de longue durée avec. La crise ayant tenu longtemps, des personnes qui étaient employables se sont retrouvées clôturées dans le repos.
Est-ce une spécificité française ?
Le marché du travail s’est concentré dans la plupart des pays développés ces dix dernières années. On a créé des fonctions très qualifiés et d’autres peu qualifiés, au dommage des emplois intermédiaires. Or, c’est uniquement ce type de postes qu’occupaient beaucoup de salariés affectés par la crise : des emplois assez habituels, avec parfois un peu d’évaluation. Ce n’est pas une spécificité française.
En contrepartie, nous sommes le pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) où le phénomène des NEET (not in education, employment or training, « ni étudiant, ni employé, ni stagiaire ») améliore le plus. Chaque année, environ 150 000 jeunes jaillissent du système scolaire. Selon des études du Collège de France, on saurait les pénétrer dès la maternelle dans 80 % des cas… Il y a une difficulté au niveau des dépenses d’éducation : plutôt hautes pour le secondaire et le supérieur, elles sont défectueuses dans le préprimaire et le primaire. Ça nourrit le décrochage, de même que les difficultés d’accès au logement.
Quelles politiques ont été mises en place pour diminuer le chômage de longue durée ?
Il faut voir le chômage comme un fait de file d’attente. Certains sont à la porte du marché du travail, d’autres en sont très écartés, comme les chômeurs de longue durée. Seule une forte croissance économique peut admettre à ces derniers d’accéder à l’emploi.
En France, faute d’augmentation, soit on sort les chômeurs de la file d’attente, comme à l’époque des préretraites ou des dispenses de recherche d’emploi pour les seniors, soit on la court-circuite, en créant des mécanismes de formation. Pour les jeunes, il existe depuis les années 1980 des contrats aidés, qui pointent en principe les chômeurs de longue durée. L’objectif est de leur admettre d’acheter une formation et des caractères attestées, particulièrement dans le secteur non marchand. Le problème, c’est que ces mécanismes font baisser les chiffres du chômage, mais ne sont pas continuellement bien ciblés.