Modification de la fonction publique : « Le gouvernement doit faire son changement digital »

Modification de la fonction publique : « Le gouvernement doit faire son changement digital »

Manifestation des agents de la fonction publique pour l'emploi et les salaires, à Nantes, en 2013.
Manifestation des agents de la fonction publique pour l’emploi et les salaires, à Nantes, en 2013. Alain Le Bot / Photononstop / Alain Le Bot / Photononstop

Interruption, clientélisme et démobilisation sont les signes d’une administration qui repose sur l’emploi à vie, déclare l’économiste Olivier Babeau.

La discussion touchant les évolutions souhaitables de la fonction publique est rendu très pénible en France par le poids des idées obtenues. Parmi elles, on peut mentionner la confusion entre action publique et fonction publique (la première n’étant censée pouvoir passer que par la seconde), l’incorporation de toute baisse des effectifs à une diminution, l’irréductible distinction entre secteur public et secteur privé, ou le péril que des allers-retours entre les deux feraient courir à la totalité des agents. Des convictions indiscutées, mais qui ne résistent pas à une réflexion éveillé sur le fonctionnement réel de la puissance publique et sur ses nouveaux enjeux dans un contexte technologique et social fortement nouveau.

L’administration contemporaine est façonnée sur la bureaucratie décrite par Max Weber à l’orée du XXe siècle : division du travail en tâches élémentaires exactement définies, élaboration des pouvoirs, sélection formelle (prenant souvent la forme d’un concours). Dans l’esprit du sociologue allemand, ce modèle souscrivait d’éloigner l’ambigüité, l’inefficacité et le népotisme dont souffraient les entreprises. Le statut de fonctionnaire en est l’accomplissement fidèle.

Or les dérives de la bureaucratie ont été amplement décrites par la sociologie des organisations (notamment Michel Crozier, dès 1963, dans Le Phénomène bureaucratique, qui met en lumière le cercle vicieux de l’inflation régulatrice) et le courant de recherches économiques de l’école des « choix publics » (Gordon Tullock, Mancur Olson, les Prix Nobel Milton Friedman et James Buchanan). Démotivation, gestion inexistante des carrières, accroissement invérifiable des effectifs sans lien avec l’utilité réelle, autojustification des missions, etc. Autant de travers décrits en profondeur par William A. Niskanen dans Bureaucracy and Representative Government (1971). Le problème de l’administration est l’absence de lien mécanique entre son efficacité et ses ressources.

Nouveaux défis

Alors que pour une entreprise, le vide se traduit par la faiblesse à garder des clients et donc à survivre, les administrations profitent de ressources garanties venant de l’impôt. Elles peuvent survivre à leur nullité, voire embellir bien que leur nocivité. La situation de monopole dont jouit le plus souvent le service public rend impossible toute comparaison.

Dans ce flou embellissent les gâchis et sont couverts les clientélismes. Philip Selznick avait présenté, dans TVA and the Grass Roots (1949), comment les objectifs initiaux des agences publiques pouvaient être déformés au profit de certains intérêts singuliers. L’administration publique incarne aussi la préférence française pour le dualisme du marché du travail : d’un côté, les inclus, les fonctionnaires, aux maints privilèges (comme la retraite, comptée sur les six derniers mois et non sur les vingt-cinq meilleures années) contre ceux qui sont exposés, les salariés du privé. Une fois rentrés dans la fonction publique, leur productivité chute, l’absentéisme bondit – une étude Sofaxis rendue publique en novembre 2017 montrait que l’absentéisme dans les collectivités territoriales avait cru de 28 % entre 2007 et 2016. En outre, le rapport sur l’état de la fonction publique et les rétributions, publié en annexe au projet de loi de finances 2017, accentue que le nombre de laborieux absents au moins un jour au cours d’une semaine pour raison de santé est de 4,5 % dans la fonction territoriale contre 3,7 % dans le privé.

 

 

 

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LJD

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