Métiers du digital : l’évasion des femmes

Métiers du digital : l’évasion des femmes

En trente ans, plusieurs femmes ingénieures en informatique est passé, en France, d’un tiers des effectifs à seulement 15 %. Associations et pouvoirs publics tentent de modifier cette disposition.

Des employés d’une start-up à Paris, en février 2018.

Des employés d’une start-up à Paris, en février 2018. BENOIT TESSIER /REUTERS

C’est transformé une habitude. Depuis dix ans qu’elle travaille dans le développement de logiciels, Léa, 30 ans, a constamment été la seule femme au sein d’équipes uniquement composées d’hommes. « Mon premier contrat, je l’ai effectué dans une boîte de communication spécialisée dans le jeu vidéo. Mes collègues garçons étaient très sympas mais le patron faisait des remarques sexistes. Actuellement, je suis la seule développeuse d’un service informatique. Personne ne relit mon code mais cela ne préviens pas certains collègues de me diviser la parole en réunion. »

L’acte d’échec est alarmant après des années de politiques publiques pour la présence des femmes dans les métiers du digital. A peine 33 % des emplois dans ce domaine sont utilisés par des femmes, selon la Fondation Femmes@numérique. Parmi elles, uniquement 15 % occupent des fonctions techniques dans la production ou l’exploitation de projets informatiques. La majorité (75 %) travaille dans les fonctions supports : ressources humaines, administration, marketing, communication… Les développeuses, celles qui engendrent les algorithmes omniprésents dans nos vies quotidiennes, demeurent trop rares dans les entreprises.

Plus absorbant, dans un contexte général de pénurie d’ingénieurs et de techniciens, la situation s’est abaissée en France. En trente ans, le nombre de femmes ingénieures en informatique y est passé d’un tiers des effectifs à 15 %. Alors que dans les années 1980, le secteur était le deuxième en nombre de femmes diplômées, elles y sont de moins en moins représentées.

Construction d’une mythologie

Comment en est-on arrivé là ? Dès 2002, deux experts américains, Jane Margolis, sociologue à l’université de Californie à Los Angeles, et Allan Fisher, informaticien à l’université Carnegie Mellon (Pennsylvanie), attaquaient dans leur livre Unlocking the Clubhouse : Women in Computing (MIT Press, 2002, non traduit) la construction, à partir des années 1980, d’une mythologie dont les héros sont quasi uniquement masculins, passionnés par les technologies. L’ordinateur, vendu comme un jeu pour garçons, est alors perçu, particulièrement au cinéma, comme un objet de fantasmes de pouvoir, associé aux hommes.

Plus de 15 ans après cette étude, la figure du geek reste puissante. « Dans les familles, il y a des idées ancrées, des représentations très fortes, constate Cécile Favre, chercheuse à l’université Lyon-II sur l’informatique et le genre. Si l’on n’a pas bidouillé étant petit, par exemple, on ne fera pas un bon informaticien. Le pire, c’est que l’école concède aussi ces stéréotypes. Lors d’un nouveau atelier avec des collégiennes, plusieurs m’ont restitué que leur conseillère d’orientation leur avait dit que l’informatique n’était pas pour les filles. »

 

 

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LJD

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