Des cours pour apprendre à mémoriser
A l’université d’Evry, des étudiants de première année de licence suivent des ateliers spécifiques pour être plus efficaces dans leurs révisions.
Ces élèves présents ce jeudi approuvent d’un mouvement de tête. Alexandre, étudiant en première année d’administration économique et sociale (AES), prépare ses examens, qui s’étalent jusqu’en janvier. Proposé par l’université d’Evry depuis la rentrée, le module de mémorisation est un des six choix possibles pour les étudiants de première année admis en parcours « oui, si » (l’élève est admis en première année de licence à condition qu’il suive certains modules de méthodologie et de mise à niveau).
Après avoir regardé une vidéo qui explique la méthode Feynman, du nom du physicien américain lauréat du prix Nobel en 1965, Ces élèves choisissent un concept d’un de leurs cours pour s’entraîner à appliquer la méthode. Ce sera le déficit et la dette publique pour Guillaume, et l’économie de l’Antiquité au Moyen Age pour Alexandre.
Outre des techniques comme celle-ci, Eric Marbeau répète et fait continuellement répéter à ses élèves ce qu’il estime être les clés de la mémorisation : l’attention, l’association, la structuration, la répétition, l’émotion et la production.
Comprendre pour retenir
Sur le tableau, on peut lire cette phrase : « On ne le répétera jamais assez : être assidu et attentif en cours, c’est déjà mémoriser la majeure partie du contenu. » M. Marbeau explique que pour retenir une information, il faut la comprendre, et que pour cela, le plus simple est de faire des liens entre les différentes notions. D’où l’importance de structurer l’information avec une notion centrale, et d’autres qui gravitent autour.
« Autre méthode qui peut vous aider : imaginez dans quel contexte vous allez utiliser l’information, explique le coach. C’est lié à la notion d’émotion : si vous vous voyez en train de vous servir de ce que vous apprenez, vous comprendrez en quoi il est utile de l’apprendre. La mémoire est sensible à ce genre de pensée, tout comme au stress. Alors si vous avez prévisualisé votre réussite, par exemple, que vous arrivez à gérer votre stress, vous arriverez plus facilement à vous souvenir des informations. »
Des notions évoquées par enseignante-chercheuse en psychologie cognitive à l’université de Caen-Normandie Sandrine Rossi, qui travaille sur la mémoire de travail. « Cette mémoire de travail fait le lien entre la mémoire à court terme, qui ne permet pas de stocker des souvenirs ou des connaissances, et la mémoire à long terme, qui se définit au contraire par un encodage plus profond, grâce à laquelle une information peut être maintenue trois minutes, des années, voire tout une vie. » C’est donc cette mémoire de travail qu’il faut souvent réactiver pour emmagasiner des connaissances. « Mais elle est très gourmande en énergie, et mobilise beaucoup de capacités attentionnelles », souligne l’enseignante-chercheuse.
Conseils et techniques utiles
Alexandre, qui n’est pas allé au bout de sa première année de droit l’an dernier, estime que les conseils et les techniques délivrés dans ce module lui sont utiles : « Je savais que j’avais une bonne mémoire visuelle. J’ai appris à développer ma mémoire auditive, en me mettant plus près du prof en cours, pour être attentif. Je m’enregistre en train de dire mes cours, cela m’aide à les retenir. »
Pour Guillaume, l’une des principales difficultés qu’il a jusqu’à présent rencontrée est d’apprendre régulièrement. « Au lycée, on avait souvent des contrôles, alors qu’ici on est plutôt livrés à nous-mêmes », constate le jeune homme. Sandrine Rossi confirme que les méthodes d’apprentissage changent entre le lycée et l’université, ce qui peut être déroutant. « Au lycée, l’objectif est de faire assimiler aux jeunes des connaissances que l’on évalue régulièrement, alors qu’à l’université, pendant les cours magistraux, les professeurs donnent des connaissances, mais c’est à l’étudiant de se les approprier grâce à des recherches et une prise de recul sur le thème abordé. »
Autre exercice du jour : noter ses points forts, ses ressources et les obstacles à la réussite. Guillaume inscrit dans cette dernière case les distractions qui l’empêchent de travailler : sorties avec les amis, les jeux vidéo, etc. Sandrine Rossi remarque que les écrans, en général, génèrent un besoin important d’attention, et requièrent donc beaucoup d’énergie. L’enseignante-chercheuse conseille de limiter leur pratique dans le temps.
Au Final, Alexandre range quelques fiches bristol bleues dans son trieur. Guillaume, lui, dit vouloir se mettre à en faire ce week-end. « Les étudiants n’ont pas forcément encore le réflexe d’appliquer les méthodes qu’ils apprennent, constate Eric Marbeau. On sème, ça poussera en temps voulu. »
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