Sandra Mielenhausen, chocolatière : « Quand j’étais enfant, la vie de famille n’était pas très drôle. Alors le samedi, je faisais un gâteau au chocolat. C’était mon refuge, mon doudou sucré »
« Dès l’âge de 9 ou 10 ans, j’ai préparé des gâteaux au chocolat. Le samedi après-midi, à la maison, j’avais le droit d’utiliser la cuisine à condition que je range bien après. Tout le monde vaquait à ses occupations après le déjeuner et moi je faisais un gâteau au chocolat. C’était mon refuge, mon doudou sucré. J’avais un père très dur, une mère qui lui était assez soumise, et ce n’était pas toujours facile pour mes deux frères et moi. C’était mon moment à moi, puis c’est devenu une façon de donner de l’amour à mes proches.
Je piochais des recettes dans les fiches cuisine de ma mère, c’est là que j’ai trouvé le gâteau reine de Saba, où la poudre d’amandes remplace la farine. C’était mon goûter préféré. La passion du chocolat me vient certainement de mon père, diabétique, qui mangeait rituellement un carré de chocolat noir en guise de dessert. J’ai pris la même habitude et j’étais connue, au travail, pour avoir toujours du bon chocolat dans mes tiroirs.
Mon père, allemand, est arrivé en France à 40 ans. Il était prof d’allemand, donnait des cours du soir, à ma mère notamment, c’est ainsi qu’ils se sont rencontrés. Elle était beaucoup plus jeune que lui. Il était très strict et notre vie de famille à Lyon n’était pas très drôle.
Quitter son job
L’amour de ma mère m’a aidée à vivre, mais je me suis plutôt construite avec des modèles extérieurs. Ils sont morts tôt, mon père d’abord, puis ma mère quelques années plus tard, quand j’avais 25 ans. De ce père misogyne, j’ai gardé l’habitude du carré de chocolat après le repas et surtout la conviction qu’il fallait que je gagne de l’argent pour assurer ma liberté.
Pendant mes études, j’ai été serveuse dans une brasserie Bocuse, ce qui m’a familiarisée avec les bons produits et la gastronomie. J’ai fait une classe préparatoire, une école de commerce et je me suis passionnée pour l’univers du luxe, l’histoire, le savoir-faire, l’excellence français… ce qui m’a menée chez LVMH, où j’ai travaillé quinze ans. Notamment chez Dior, en marketing et développement de produit, à raconter l’histoire et l’esthétique du parfum J’adore.
J’ai rencontré Nicolas [Rozier-Chabert] dans cet univers. Directeur commercial au sein d’une agence de création graphique, il réalisait un petit film sur J’adore et avait apporté du chocolat Pierre Hermé sur le tournage. Nous nous sommes découvert cette passion partagée pour le chocolat, les pâtisseries et les produits bons, simples et bruts.
Nicolas a décidé de quitter son job pour monter son affaire, je lui ai emboîté le pas peu après. Parallèlement, nous découvrions, à New York notamment, le mouvement bean to bar (de la fève à la tablette, soit de l’achat chez le producteur à la fabrication du chocolat). Nous sommes allés nous former au Venezuela avec Chloé Doutre-Roussel, aka “Madame Chocolat”.
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Elle nous a appris à décoder l’univers du sourcing (la recherche de producteurs vertueux) et les secrets de la torréfaction. On a pratiqué chez nous pendant un an et demi, avant d’ouvrir notre petite manufacture, rue du Nil, dans le 2e arrondissement de Paris. On voulait un lieu simple et chaleureux. Un commerce de proximité pour un produit de luxe, qui nous ressemble. »
Manufacture-boutique, 4, rue du Nil, Paris 2e. Nouvelle adresse (ouverture le 14 décembre), 57, rue du Cherche-Midi, Paris 6e. plaqchocolat.com