US Steel : « la sidérurgie a longtemps été considérée comme un instrument essentiel de souveraineté »

US Steel : « la sidérurgie a longtemps été considérée comme un instrument essentiel de souveraineté »

Une partie de l’usine Edgar Thomson d’US Steel est visible à Braddock, en Pennsylvanie, le lundi 18 décembre 2023.

Le poison de la division n’épargne aucun secteur de la vie américaine. De la musique à la production d’électricité, à l’heure de la polarisation politique, il faut choisir son camp. Il reste pourtant deux sujets qui transcendent les choix partisans : la peur de la Chine et… l’opposition au rachat d’US Steel par son concurrent japonais Nippon Steel.

En visite électorale en Pennsylvanie, la candidate démocrate à la présidentielle, Kamala Harris, a affirmé que le sidérurgiste américain devait être « dirigé par des Américains et possédé par des Américains ». Ce faisant, elle n’a fait qu’inscrire ses pas dans ceux de son mentor, le président Joe Biden. Du côté républicain, Donald Trump a aussi confirmé qu’il bloquerait ce rachat dès son arrivée au pouvoir.

La sidérurgie, comme les compagnies aériennes, a longtemps été considérée comme un instrument essentiel de souveraineté par les pays. La puissance d’une nation se mesurait à la hauteur et au nombre de ses hauts-fourneaux. US Steel est depuis un siècle au cœur de l’aventure capitaliste américaine. Mais comme ce fut le cas en Europe, la production d’acier s’est banalisée avec l’ouverture des marchés et la montée en puissance des grands clients tels que l’automobile et la construction. De restructuration en restructuration, US Steel est devenu un acteur marginal sur le plan mondial et troisième aux Etats-Unis.

Syndicat influent

Nippon Steel promet d’investir 2,7 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros) pour moderniser l’entreprise. Mais cela ne suffit pas au syndicat United Steelworkers (USW), qui représente 11 000 employés d’US Steel (sur 83 000). Il craint des licenciements dans les bastions traditionnels et s’est ouvertement prononcé pour l’acquisition par le concurrent de l’Ohio, Cleveland-Cliffs. USW, qui s’est diversifié dans l’enseignement et la santé, est très influent. Son président, David McCall, est un soutien et ami de Joe Biden. Et la Pennsylvanie, un Etat-clé pour la prochaine élection.

Pour le symbole industriel et les calculs électoraux, il faut donc s’opposer à l’offensive nippone. Quitte à se fâcher avec son principal allié en Asie et au risque de faire grimper les prix à coups de barrières tarifaires, ce qui pénalisera le reste de l’économie. Le Wall Street Journal a attribué à cette opposition la palme de « l’idée économique la plus stupide de la campagne présidentielle ».

En France, à l’époque de l’OPA de l’indien Mittal sur Arcelor en 2006, on parlait de « grammaire des affaires » pour fustiger l’opération. La bataille de l’acier a changé de vocabulaire, mais pas de sensibilité politique.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.