« Surtout, ne fermez pas la porte en sortant », un ouvrage pour dénoncer les violences managériales
Le décompte est glaçant. Cinq en 2015, douze en 2016, quatorze en 2017, vingt en 2018. Sur quelques années, un centre de formation en travail social auvergnat, regroupant un peu moins de 100 salariés, est touché par des vagues de départs sans précédent. Démissions, ruptures conventionnelles, licenciements pour inaptitude ou pour faute grave, retraites anticipées… Les formes prises par ces fins de contrats sont multiples.
Quelques années plus tard, plusieurs des collaborateurs ayant « quitté le navire » proposent un ouvrage, Surtout, ne fermez pas la porte en sortant, publié par la coopérative d’écriture et d’édition Dire le travail. Il regroupe les témoignages d’une expérience professionnelle traumatisante. Avec cette publication, les sept coauteurs parachèvent le travail d’échanges (virtuels et de vive voix) aux vertus thérapeutiques qu’ils portent depuis 2018. Au fil des pages, ils racontent avec une « parole libre » comment cette école qui accueille chaque année environ un millier d’étudiants s’est, à leurs yeux, transformée en un espace ouvert aux violences managériales et au règne de l’arbitraire.
Le moment de bascule est connu : l’arrivée, en mai 2014, d’un nouveau directeur. Les modes opératoires et l’organigramme sont remis en cause de manière radicale. « [Il] ne parle que de tableaux de bord et de réorganisation, de traçabilité et d’articulation des pôles », expliquent les auteurs.
« Rebuffades et humiliations »
Surtout, les rapports humains se dégradent brusquement, les relations se tendent. Nombre de demandes d’ordre professionnel formulées par les salariés n’obtiennent pas de réponses, freinant la bonne marche de l’école. Les « injonctions paradoxales » se multiplient. Les reproches s’accumulent contre une partie de l’effectif. Certains se sentent acculés jusque dans leur sphère privée. « Notre employeur réplique aux arrêts de travail en mandatant [un] organisme privé (…) pour réaliser des contrevisites médicales. »
La zizanie s’installe au cœur de l’établissement, où le directeur cherche à « diviser pour mieux régner », précise Philippe, l’un des formateurs. Il trouve des soutiens en interne et recrute des membres de son réseau, pour mieux mettre en application ce que les auteurs décrivent comme des « rebuffades et humiliations ».
L’ouvrage explique, en détail, l’impact des « violences managériales » sur la santé mentale et physique des salariés. Isabelle explique : l’ « ambiance toxique » a « envahi mes nuits et mes week-ends. Elle s’immisce dans ma vie de famille. Je me sens vidée. J’ai l’impression de vivre en apnée ». Mélanie décrit « la panique qui s’empare [d’elle] chaque matin lorsqu’[elle] coupe le contact de la voiture ». La formatrice perd progressivement ses capacités. « Je n’arrive plus à lire en entier un seul article de revue sans faire dix pauses », témoigne-t-elle.
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