Législatives 2024 : l’hôtellerie-restauration, au cœur de l’enjeu de l’immigration
C’est la grande gueule du restaurant Les Philosophes qui accueille les clients de sa voix énergique d’ancien comédien de théâtre. En chemise blanche, veston et tablier, plateau rond sous le bras, Khaled, Algérien de 47 ans, virevolte entre les tables de cette brasserie parisienne du quartier du Marais, dans le 4e arrondissement. « Profitez bien de moi, car, avec ce qui se passe, bientôt je ne serai plus là ! Vous m’escorterez jusqu’à l’aéroport Charles-de-Gaulle ! », lance-t-il, gouailleur, à une cliente attablée en terrasse. En fond sonore, un musicien de rue joue Les Champs-Elysées à la clarinette.
Arrivé sans papiers en France en 2000, Khaled a d’abord travaillé « au black » sur les marchés parisiens, puis comme préparateur de palettes chez un producteur de fruits et légumes des Yvelines. Il a tenté d’obtenir, en vain, un titre de séjour, jusqu’à recevoir une obligation de quitter le territoire en 2005. Il est resté et doit sa régularisation à son mariage avec une Française, avec qui il a eu deux filles. Il travaille dans la restauration depuis sept ans. « Ici, on peut sortir 700 couverts par jour, c’est physique. On doit gérer des gens stressés, des gens qui font la queue. Faut être solide. Peu de Français veulent faire ces métiers ! », commente-t-il.
De fait, au restaurant Les Philosophes, des Français, comme le dit le patron Xavier Denamur, il n’y en a presque pas. Pour préparer les cuisses de canard confites ou servir le filet de bœuf d’Aubrac, toute la planète est de la partie : on croise des Sri-Lankais, un Erythréen, un Russo-Ukrainien, un Angolais, un Belge, un Cap-Verdien, un Sénégalais… « Quand je passe une annonce pour recruter, il n’y a que des immigrés qui postulent. Ce sont des boulots où il faut accepter de travailler les week-ends, les soirs jusqu’à tard. A Paris, sans les étrangers, les restaurants, ils ne tournent pas ! », lance Xavier Denamur.
« On a besoin de l’immigration ! »
En Ile-de-France, en particulier, ce secteur est très dépendant de la main-d’œuvre immigrée : 40 % des employés de l’hôtellerie et de la restauration sont étrangers et 50 % des cuisiniers, selon l’Insee. Sur l’ensemble de la France, ils représentent respectivement 19,3 % et 22 % de ces métiers, selon la Dares.
Que deviendrait ce secteur en cas de durcissement de la politique migratoire, élément-clé du programme du Rassemblement national (RN) ? La suppression du droit du sol, la restriction du regroupement familial, la suspension des régularisations des étrangers en situation irrégulière, comme évoqué par Jordan Bardella dans la présentation de son programme, auraient des conséquences majeures – comme sur tous les secteurs qui emploient de nombreux étrangers, tels le bâtiment ou le nettoyage. Selon la Dares et l’Insee, ils représentent ainsi 27 % des ouvriers non qualifiés du BTP en France – et même 60 % en Ile-de-France – et 38,8 % des employés de maison (61,4 % en Ile-de-France).
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