Les écoles de commerce soignent leur image de marque
Le sigle ESC est en passe d’entrer dans les livres d’histoire. Depuis dix ans, les unes après les autres, les écoles de management ont changé de nom. Derniers en date : les groupes Sup de Co La Rochelle et ESC Troyes, qui ont révélé leur nouvelle identité en octobre. Le premier devient Excelia Group, le second Y Schools. « Avec “Sup de Co”, nous étions les derniers des Mohicans à utiliser ce terme très marqué “années 1980”, confie Bruno Neil, le directeur général d’Excelia Group. Or, nous avons des formations dans le tourisme ou dans le numérique, à côté de l’école de commerce. La Rochelle Business School, qui garde son identité mais avec le logo Excelia Group, ne représente aujourd’hui que 70 % de nos activités. »
Même constat du côté de Troyes. « Groupe ESC Troyes ne correspond plus à ce que nous sommes », affirme Francis Bécard, le directeur général de Y Schools, qui comprend une école de management, de tourisme, de design… L’école de management avait changé de nom un an auparavant pour devenir South Champagne Business School (SCBS), en écho au terroir voisin du Champagne, mondialement connu ; celle de Dijon, en Bourgogne, s’était, elle, rebaptisée Burgundy School of Business (BSB). « Il fallait montrer que nous étions ancrés sur notre territoire mais aussi tournés vers l’international », justifie Francis Bécard.
Si Audencia fait figure de précurseur en abandonnant le sigle ESC dès le début des années 2000, le mouvement s’est intensifié depuis 2009 avec Skema Business School. Issu de la fusion entre l’ESC Lille et le Ceram, l’établissement était contraint de changer de nom. « Les écoles avaient 120 ans d’existence. Il ne fallait pas se rater », se rappelle Alice Guilhon, la directrice générale.
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La business school se fait accompagner par l’agence Nomen, leader de la création de marques (Areva, Enedis, Engie…). Elle teste près de 40 noms, les prononce dans toutes les langues pour ne pas commettre d’impair ou tomber sur un jeu de mots délétère. Skema, pour School of Knowledge and Management(« école de savoir et de gestion ») finit par sortir.
« Un label sur le CV »
Neuf ans plus tard, Alice Guilhon note le pouvoir de la marque : « C’est un label que les alumni auront à vie sur leur CV. Ils doivent en être fiers ». Le marché de l’éducation, souligne-t-elle, est mondial : « D’un côté, les Français peuvent hésiter entre l’une de nos écoles et l’Instituto de Empresa à Madrid ou HEC Montréal. De l’autre, nos formations accueillent de plus en plus d’étrangers. C’est encore plus frappant quand on regarde les perspectives d’emploi des diplômés. »
En dix ans, toutes les écoles de commerce ont d’ailleurs ajouté « business school » ou « school of business » à leur nom pour mettre en avant ce changement d’échelle. « La marque ne fait pas tout, mais elle véhicule l’image globale de l’école. Avec ce besoin d’internationalisation, les établissements s’en servent pour se différencier », décrypte Jean Coulon, directeur du pôle « naming » de l’agence Nomen.
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Nécessaire pourconquérir l’étranger, cette stratégie de marque s’avère aussi pertinente en France. Même quand elles restent focalisées sur le management, les écoles de commerce ont, à côté du programme classique, un « portefeuille de formations » qui propose des Bachelors, MBA, mastères spécialisés ou formations continues. Elles s’adressent à des publics qui vont du lycéen au cadre expérimenté. La marque doit apporter de la cohérence.
Les élèves de prépa, surtout intéressés par les classements et les accréditations, commencent aussi à y être sensibles. « Il y a encore dix ans, les étudiants ne voyaient pas bien ce qui différenciait une ESC d’une autre. Ils choisissaient autant la ville que l’école. Les nouveaux noms nous permettent de mettre en avant une identité spécifique », analyse Delphine Manceau, directrice de Neoma Business School, issue pour sa part de la fusion, en 2013, des anciennes ESC de Reims et de Rouen.
Stéphan Bourcieu, directeur de Burgundy Business School, en a fait l’expérience. Obao, Impulse… quand son établissement a voulu moderniser son identité en 2016, les propositions de l’agence sollicitée ont été audacieuses. L’école a joué la prudence en prenant le nom qu’elle utilisait à l’international depuis 2002. « Nous vivions dans une schizophrénie, raconte Stéphan Bourcieu. Gérer deux noms, l’un en France, l’autre à l’international, devenait impossible. Nous avons attendu le bon timing : l’école changeait de statut, venait de recevoir l’accréditation européenne Equis et de se doter d’un campus rénové. Le changement de marque alimentait cette dynamique. »
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Dynamique qui s’illustre depuis dans le classement du système d’intégration aux grandes écoles de management (Sigem), baromètre de l’attractivité des écoles auprès des élèves de prépa. BSB y a gagné une place en 2018 et entre dans le « top 15 ». Stéphan Bourcieu reconnaît que cette politique de différenciation est plus difficile à mettre en œuvre dans l’Hexagone : « Si on mise beaucoup sur laSchool of Wine and Spirit Business [la filiale vin et alcool de BSB], on ne veut pas être réduit à ce seul secteur en France. Nous souhaitons garder une image généraliste. »
Les stratégies de marque vont au-delà du nom de l’école. Les business schools déclinent leur identité en « baseline » qui sont autant de promesses. L’EM Lyon accole ainsi le slogan « early makers » à toute sa communication. « Makers report », « makers world », « makers factory »… Le message est décliné sur les réseaux sociaux. « Nous avons défini une ligne éditoriale pour illustrer l’évolution de notre stratégie », confie Nathalie Hector, la directrice du programme grande école de l’ex-ESC Lyon. Dès le concours d’entrée, un discours d’une vingtaine de minutes explique aux admissibles ce qu’est un « early maker », « capable de prendre en main son destin, d’être acteur et entrepreneur de son existence » égrène le site de l’école.
Marketing et numérique
« Derrière une stratégie de marque, il faut du sens, pointe Nathalie Hector. Je démontre aux étudiants que les ruptures numériques que connaît la société demandent des manageurs adaptables et créatifs, des entrepreneurs découvreurs de tendances et que c’est eux que nous voulons former. » L’EM Lyon martèle ce message au moment des entretiens de motivation, et pendant le cursus.
Aujourd’hui, la bataille de la marque se livre sur les réseaux sociaux. Thomas Froehlicher en a bien conscience. Après avoir dirigé l’ICN à Nancy, HEC Liège et Kedge, il est à la tête de Rennes School of Business depuis janvier. Parmi ses premières actions : créer une direction du marketing et du numérique. « Il nous faut une marque identifiable en un coup d’œil, pour capter les étudiants dès les réseaux sociaux et nouer le contact avec eux, estime le doyen. Le numérique, c’est le Graal. »
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