Prix Nobel d’économie : Claudia Goldin, « Femina economicus »

Prix Nobel d’économie : Claudia Goldin, « Femina economicus »

Claudia Goldin, à Cambridge (Massachusetts), aux Etats-Unis.

Le jury de la Banque de Suède a doublement innové, à son échelle, en décernant, lundi 9 octobre, son prix 2023 pour la science économique, parfois appelé « Nobel de l’économie » à Claudia Goldin. Pour la première fois, il a choisi une femme comme lauréate unique – les deux précédentes, Elinor Ostrom en 2009 et Esther Duflo en 2019, étaient « colauréates » aux côtés d’économistes masculins – Oliver Williamson pour la première, Abhijit Banerjee et Michael Kremer pour la seconde. Et il a choisi une économiste spécialiste des inégalités de genre.

Ce champ de la recherche économique s’est énormément développé depuis une quinzaine d’années, surtout aux Etats-Unis, mais le jury suédois l’avait jusqu’ici ignoré, alors que « l’entrée massive des femmes sur le marché du travail est un des phénomènes économiques majeurs dans les pays développés au XXe siècle », note Hélène Périvier, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE-Sciences Po), spécialiste des politiques sociale et familiale.

« Claudia Goldin, aujourd’hui âgée de 77 ans, est enfin récompensée comme pionnière : elle a été la première économiste à se saisir de la femme comme objet économique », observe Philippe Askenazy, directeur de recherche au CNRS, professeur associé à l’Ecole normale supérieure et chercheur à l’Ecole d’économie de Paris. « Et elle a beaucoup œuvré pour promouvoir les femmes dans la discipline », ajoute-t-il, par exemple en poussant les étudiantes à entrer dans la carrière, en concevant des programmes destinés à les y attirer, et en prenant elle-même d’importantes responsabilités.

Professeure à Harvard

Car tout en s’efforçant ainsi de mieux « coller » à l’air du temps, la vénérable institution suédoise se conforme à ses traditionnels canons de la reconnaissance institutionnelle. Claudia Goldin est professeure d’économie à Harvard, cœur du système universitaire américain – elle fut d’ailleurs la première femme à y obtenir un poste de professeur titulaire au département d’économie, en 1990. Elle a été présidente de l’American Economic Association (2013-2014), a reçu de nombreux prix et elle est membre des plus prestigieuses institutions de recherche américaines (National Bureau of Economic Research, National Academy of Sciences).

Surtout, dans la plus pure tradition de la théorie économique, ses recherches portent sur la façon dont les comportements individuels des femmes américaines sur le marché du travail « répondent » à des chocs ou à des incitations externes, de quelque ampleur qu’ils soient : la mobilisation économique et industrielle née de la seconde guerre mondiale, l’apparition de la pilule contraceptive, l’arrivée d’un enfant, les pratiques de recrutement ou de gestion des carrières des entreprises et des organisations.

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LJD

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