Conditions d’emploi de travailleurs sans papiers : la justice amenée à définir l’étendue du « devoir de vigilance » de La Poste envers ses sous-traitants

Conditions d’emploi de travailleurs sans papiers : la justice amenée à définir l’étendue du « devoir de vigilance » de La Poste envers ses sous-traitants

Manifestation de travailleurs, à Paris, le 29 avril 2023.

Ils sont une petite dizaine, mardi 19 septembre, devant le parvis du tribunal de Paris, derrière une banderole aux couleurs du syndicat Sud-PTT. La plupart sont sans papiers, mais employés, au travers de sociétés d’intérim, par des filiales du groupe La Poste, comme Chronopost ou Derichebourg, pour trier des colis dans des entrepôts ou les livrer.

Selon les syndicats et leurs collectifs, on leur confie le plus souvent les tâches difficiles et les horaires ingrats. Une situation connue depuis des années au sein de La Poste, où plusieurs mouvements de grève ont déjà cherché à alerter sur la situation de ces travailleurs, alors que les syndicats accusent le groupe, à l’instar d’autres grandes entreprises françaises, de « fermer les yeux » sur les pratiques qui ont lieu dans ses filiales.

Il existe pourtant, depuis le 27 mars 2017, une loi qui instaure pour ces grands groupes un « devoir de vigilance », qui les oblige à publier chaque année un document détaillant les risques humains et environnementaux de leurs activités, incluant également leurs sous-traitants. C’est sur le fondement de ce texte – une « question nouvelle, qui nous vaut un certain succès », sourit la présidente de la première chambre civile, face à la salle di tribunal pleine à craquer – que Sud-PTT a assigné le groupe La Poste devant le tribunal judiciaire de Paris.

Le syndicat estime que le plan de vigilance publié chaque année par le groupe ne satisfait pas aux obligations légales induites par la loi de 2017. Selon Sud-PTT, n’y figure pas de façon exhaustive la « cartographie des risques et atteintes graves » aux droits humains, à la santé et à la sécurité des personnes ; pas plus que la liste des sous-traitants du groupe.

« Procès d’intention »

« La vigilance, c’est éviter la réalisation d’un danger, une notion qui dépasse l’obligation de prudence », plaide Me Céline Gagey, conseil de Sud-PTT. Pour elle, « l’exploitation de sans-papiers [par les filiales du groupe] est un business model sur lequel La Poste ferme les yeux », ne prenant des mesures que lorsqu’elle est confrontée à une mobilisation massive de salariés, ce qui contrevient à ses devoirs. Ce procès « n’est pas celui de la sous-traitance, mais celui des manquements aux devoirs de vigilance » du groupe public, qui « en tant que société-mère, doit prendre des mesures » contre ces abus, « même s’ils ont lieu via l’agence d’intérim du sous-traitant du sous-traitant ». Mesures qui, détaille l’avocate, passent par un contrôle bien plus strict des pratiques des filiales du groupe, qui n’apparaît pas dans le fameux document. Me Gagey estime ainsi que seuls 1 % des sous-traitants du groupe ont connu un « audit sur site » depuis 2017.

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LJD

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