« L’impossibilité de fournir aux employeurs une adresse ou de présenter des fiches de paie aux bailleurs amenuise la marge de manœuvre des demandeurs d’emploi »

« L’impossibilité de fournir aux employeurs une adresse ou de présenter des fiches de paie aux bailleurs amenuise la marge de manœuvre des demandeurs d’emploi »

Depuis trente ans, l’Etat légifère séparément sur l’accès à l’emploi et sur l’accès au logement. C’est pourquoi toute une catégorie de population est invisible : le « demandeur d’emploi et de logement », que nous désignons sous l’acronyme « DEL ».

Actuellement, les « DEL » sont identifiés par un numéro de demandeur d’emploi à Pôle emploi et par un « numéro unique » dans le système national d’enregistrement de la demande de logement social. Le DEL est ainsi écartelé par ces numéros entre des services publics centrés sur les objectifs qui leur sont assignés. Il est pourtant essentiel qu’il soit reconnu comme une même personne porteuse de ces deux demandes.

Un risque aggravé

Les témoignages d’une centaine de ces DEL vivant à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Bergerac (Dordogne), Tarbes (Hautes-Pyrénées) que nous avons recueillis réactivent l’alerte de la Fondation Abbé Pierre de 2014 : « Les pouvoirs publics ne prennent pas assez en compte le lien entre emploi et logement, alors que pour trouver un logement, il faut un emploi, mais pour trouver un emploi et le garder, il faut un logement. »

Si les DEL ne sont pas encore comptabilisés, ils semblent nombreux et pourraient être recensés, de l’avis des responsables de services de l’Etat ou de département, des élus et des employeurs que nous avons également interrogés.

Pour Pôle emploi, par exemple, « ils seraient repérables par une simple extraction des demandeurs d’emploi ayant un frein logement ». Pour l’agence départementale d’information sur le logement, ce « frein » doit être levé, tant « le DEL est réorienté-désorienté par la quarantaine de services qui, au niveau local, se les renvoient les uns aux autres ».

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A ne voir que des diagnostics partiels portés sur sa double demande, le DEL court un risque aggravé d’être mis en attente dans le sas de l’hébergement social ou d’urgence. Or, la dépendance vis-à-vis des politiques publiques a souvent pour corollaire une dépendance privée aux « marchands de sommeil » ou à l’économie informelle.

De plus, l’impossibilité répétée de fournir aux employeurs l’adresse qu’ils demandent ou de présenter des fiches de paie aux bailleurs amenuise sa marge de manœuvre et ronge son estime de soi. Nouveau cercle vicieux.

Un référent social volontariste

Ceux qui parviennent plus vite à obtenir le sésame – l’emploi et le logement – sont ceux qui ont pu rencontrer directement un employeur et, dans la foulée, un bailleur. Souvent grâce à un référent social volontariste qui a misé sur eux et a fait l’intermédiaire. Selon l’un d’entre eux, « quand ils ont obtenu un emploi et un logement, ils redemandent rarement l’aide sociale ».

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