Réforme des retraites : ces salariés à la recherche de leurs trimestres disparus
A 62 ans, Richard Palomo n’a pas voulu se lancer dans une « quête vouée à l’échec » : prouver qu’il a bien travaillé et cotisé en 1986. Quatre trimestres. Un « gros trou surprise » dans le relevé de carrière qu’il a consulté il y a plusieurs années, soucieux d’anticiper son départ à la retraite. Impossible, depuis, de combler auprès de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV) la béance de douze mois au service d’une filiale du groupe Hachette : ses bulletins de paie d’alors ont disparu dans un déménagement, et un incendie a ravagé les archives de son ancienne entreprise.
Sans grandes illusions sur les chances de l’ingénieur informatique de « remplir 1986 », une conseillère de la CNAV lui a posé un dilemme : accepter une décote sur sa future pension, ou compenser la disparition administrative par quatre trimestres de chômage jusqu’à l’automne 2023. Une fin de carrière « lunaire », pour Richard Palomo, contraint de pointer chez Pôle emploi. « Lunaire, et complètement incohérente : je gagne 100 euros de plus par mois au chômage que si j’étais déjà à la retraite. »
Comme M. Palomo, des dizaines de milliers de préretraités partent chaque année à la recherche de périodes travaillées, mais non comptabilisées dans les fichiers de l’Assurance- vieillesse. Une préoccupation aiguisée depuis plusieurs semaines par l’irruption de la réforme des retraites dans l’actualité, et le projet du gouvernement d’avancer à 2027 (et non plus 2035) l’allongement de la durée de cotisation à 172 trimestres (contre 167) pour toucher une retraite à taux plein. Plus de 1,3 million de mises à jour de carrière ont été réalisées en 2021, selon la CNAV.
« Données indisponibles »
Quelle part des retraites soldées chaque année font l’objet de demandes de correction ? Combien de trimestres définitivement perdus et de décotes imposées ? « Données indisponibles », répond la CNAV, qui, pour seule évaluation des anomalies, confirme les données de la Cour des comptes. Dans leur dernier rapport sur la branche vieillesse de l’Assurance-maladie, paru en mai 2022, les magistrats estiment qu’une retraite sur sept liquidée en 2021 comportait « au moins une erreur de portée financière ».
Des anomalies défavorables à l’assuré dans près de 75 % des cas. « Nous ne sommes clairement pas assez bons, on doit viser moins de 10 % d’erreurs, et même idéalement moins de 5 %, concède Renaud Villard, directeur général de la CNAV. Mais la plupart de ces anomalies sont de très faible portée financière, leur total ne pesant que 1,2 % [du montant des pensions]. » Le montant médian de l’incidence financière des anomalies constatées s’élève quand même à 102 euros par an et par assuré.
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