Des salariés d’Euronews en grève contre la crainte d’un démantèlement
Les craintes s’amoncellent chez les salariés d’Euronews. Inquiétudes autour d’une possible délocalisation d’emplois, de potentielles suppressions de postes, voire d’une fin du modèle multilingue de la chaîne. Environ 150 personnes – sur les 500 que compte la société – se sont mobilisées, jeudi 2 février, pour faire part de leur émotion devant les locaux vert fluo situés dans le quartier de la Confluence, à Lyon. « Non au démantèlement », « On veut juste les moyens de faire notre métier : informer », « Unis dans la diversité », pouvait-on lire sur les pancartes des manifestants appelés à la grève par l’intersyndicale constituée du SNJ, de la CGT et de la CFE-CGC.
Au-delà des incertitudes, un véritable mécontentement a émergé parmi les salariés avec le rachat d’Euronews par le fonds d’investissement portugais Alpac Capital, en juillet 2022. « On est confrontés à des coupes budgétaires à tous les niveaux. Les conditions de travail se sont dégradées avec des sous-effectifs chroniques et le non-remplacement des salariés », dénonce Lena Roche, élue du personnel CFE-CGC et secrétaire du comité social et économique.
« Le fonds d’investissement n’a pas envie de développer l’entreprise, contrairement à ce qu’il clamait au départ », tance un journaliste de la rédaction souhaitant rester anonyme. « Il veut couper dans les dépenses, nous revendre en faisant une plus-value, et l’humain est la dernière chose dont ils se soucient », juge-t-il.
13 millions d’euros de déficit
Lancée en 1993 par une vingtaine de chaînes européennes, avec pour objectif de répondre à l’américaine CNN, Euronews a déjà été secouée par deux plans sociaux depuis 2017. La chaîne, qui diffuse en continu des informations en quinze langues avec une rédaction de quatre cents journalistes, est aujourd’hui exsangue. Elle a cumulé « 160 millions [d’euros] de pertes en dix ans », selon Guillaume Dubois, le directeur général nommé, en juin 2022.
L’ancien directeur général de BFM-TV et PDG du groupe L’Express explique que le déficit de la chaîne approcherait 13 millions d’euros dans son résultat d’exploitation de 2022, comme l’année précédente. Pour faire des économies, le « cube » d’Euronews et ses 10 000 mètres carrés de surface ont été mis en vente, l’actionnaire cherchant désormais de nouveaux locaux dans la métropole de Lyon.
L’annonce du plan stratégique, repoussée à plusieurs reprises, a fini par agacer au sein de la chaîne. « Je comprends l’impatience des salariés, mais ça sera fait la semaine du 27 février. On veut présenter un plan ambitieux, complet et argumenté », assure Guillaume Dubois. En attendant, trois délégués syndicaux ont rencontré Pedro Vargas David, le président du conseil d’administration d’Alpac.
De passage à Lyon le 19 janvier, il n’est visiblement pas parvenu à rassurer. Il aurait affirmé sa volonté que des bureaux soient ouverts dans les capitales européennes. « On ne sait pas si nos rédactions vont être éclatées dans les différentes capitales ou si ce sera un complément », explique Marie Jamet, élue du personnel SNJ. « Il y a plein de questions et pas de réponses pour l’instant. On est tellement dans le flou que c’est “radio moquette” qui prend feu », déplore Lena Roche, de la CFE-CGC.