Dans la « tech », les effets très limités des politiques d’ouverture aux femmes
« A l’époque, coder, c’était un truc de geek », se souvient Camille Jandot, 28 ans, datascientist chez Criteo, une grande entreprise française de reciblage publicitaire sur Internet. Quand elle intègre l’école d’ingénieurs Télécom Paris en 2013, elle ne se voit pas continuer vers un métier technique. « J’envisageais des parcours plus “féminins”, comme un double diplôme avec Sciences Po ou une école de commerce, peut-être pour me libérer de l’aspect très scientifique de la formation », ajoute-t-elle. Un réflexe courant : selon une étude du Boston Consulting Group publiée en 2020, seuls 15 % des datascientists dans le monde sont des femmes, alors qu’elles représentent près de 35 % des étudiants en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques. Et en France, les femmes ne représentent que 17 % des diplômés du numérique exerçant dans le secteur, indique l’enquête Gender Scan du cabinet Global Contact, publiée en février.
Du lycée à l’entreprise, en passant par les études supérieures, quand il s’agit d’informatique, les femmes restent en marge, et sont souvent victimes de sexisme. En 2017, une enquête l’association Social Builder, qui œuvre pour l’inclusion des femmes dans la tech, faisait l’effet d’une bombe en révélant que sept étudiantes en tech sur dix affirmaient avoir été « l’objet d’agissements sexistes pendant leur formation, allant des blagues et des remarques sexistes sur leurs compétences jusqu’au harcèlement sexuel ». En plein #metoo, l’enquête de Social Builder est reprise partout et met les écoles face à leurs responsabilités. « Certains établissements ne considéraient pas le sexisme comme un vrai sujet, explique Emmanuelle Larroque, déléguée générale de Social Builder. Il y avait, à cette époque, un vrai décalage entre leur volonté d’attirer plus de femmes et leur difficulté à regarder la réalité en face. »
A partir de 2018, certaines écoles et entreprises lancent de grands plans de sensibilisation, en interne et en externe, afin de faire entrer plus de femmes dans leurs rangs. Mais, quatre ans plus tard, l’informatique souffre encore de stéréotypes, et ses employés sont toujours vus comme des geeks. Ce manque de diversité préoccupe de nombreux professionnels du secteur qui, face à la pénurie de développeurs et développeuses, tentent depuis des années de mener des politiques incitatives pour recruter plus de femmes. Sans grand succès : en déclin au début des années 2010, leur proportion dans la tech vient à peine de retrouver son niveau de 2012, soit 17 % des effectifs. Un pas en avant, deux en arrière.
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