Une entreprise peut-elle soutenir un candidat à l’élection présidentielle ?
Avec « effet immédiat », le cabinet de conseil Roland Berger a annoncé, le 25 janvier, la suspension de son patron français, Olivier de Panafieu. Ce départ, que l’entreprise, contactée, n’a pas souhaité expliquer, intervenait cinq jours après que Mediapart eut révélé que le dirigeant aurait organisé, avec sa femme, un dîner à son domicile en soutien à la candidature d’Eric Zemmour à l’élection présidentielle de 2022.
Les entreprises ne veulent pas être entraînées malgré elles dans la campagne politique et la plupart des dirigeants ne prennent pas ouvertement position pour un candidat, de peur de s’attirer les foudres du grand public ou de diviser au sein de l’entreprise. « Ce n’est pas leur place », juge Estelle Sommer, qui conseille des dirigeants.
Cinq ans plus tôt, Emmanuel Macron était pourtant perçu positivement par le monde des affaires. Le candidat des start-up était conseillé par un cercle alimenté d’entrepreneurs, comme Axelle Tessandier, Mounir Mahjoubi ou encore Stanislas Guerini.
En 2022, les entreprises de la technologie ont préféré mettre en sourdine leur soutien. « En 2017, Emmanuel Macron avait réveillé une envie de la part de la société civile, désireuse de prendre des risques pour le défendre et incarner un souffle de modernité. Aujourd’hui, son projet ne renverse plus la table », souffle une cheffe d’entreprise francilienne souhaitant rester anonyme et qui votera pour lui sans grande conviction.
Dans le monde de l’entreprise, le plaidoyer pour un candidat est perçu comme un risque important pour un gain limité. « Quel serait l’intérêt d’un dirigeant de prendre un engagement à partir du moment où l’élection semble pliée ? », demande le sociologue spécialiste des relations sociales au travail Jean-François Amadieu, avançant que l’élection semble acquise au président sortant. A l’entendre, les dirigeants ont déjà remporté l’adhésion du prochain président sans avoir à faire campagne pour lui. « Ce serait même contre-productif : si Emmanuel Macron veut marcher sur deux jambes, il a besoin de montrer qu’il n’est pas le patron du CAC 40 », analyse le sociologue.
Parler au nom des employés
Par ailleurs, les dirigeants ont beaucoup à perdre d’une séquence de soutien mal maîtrisée. En 2017, l’appel de Francis Holder, fondateur des boulangeries Paul, à voter François Fillon, est un cas d’espèce. Dans une vidéo filmée depuis la terrasse de son immeuble, le milliardaire s’exprime « en tant qu’ambassadeur des 14 000 personnes que forme l’entreprise » : « Quand M. Fillon nous parle de la libération du travail, c’est la demande que fait l’ensemble du personnel de pouvoir travailler quand on a envie de travailler plus. Simplifier le code du travail, c’est évident. »
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