« Les statistiques actuelles sous-estiment largement les tensions sur le marché du travail »
Chronique. Après une forte contraction de l’emploi au plus fort de la pandémie, le taux de chômage aux Etats Unis a retrouvé son niveau (4 %) d’avant le Covid-19. En France, le taux de chômage est redescendu au troisième trimestre 2021 à 7,4 %, pratiquement du jamais-vu depuis 2008.
Au moment où les tensions inflationnistes s’accumulent du fait des problèmes sur la chaîne de production globale et des effets possibles de l’invasion russe en Ukraine sur les prix de l’énergie et de l’alimentation, la tension du marché du travail pourrait laisser craindre une descente dans une spirale inflationniste. Celle-ci se forme quand les travailleurs sont en mesure d’obtenir des hausses de salaires pour compenser la hausse des prix, qui entraînent à leur tour une hausse des prix, etc.
Notre capacité à absorber les tensions inflationnistes dépendra donc beaucoup des tensions sur le marché du travail. Le taux de 7,4 % de chômeurs semble laisser une grande marge. Mais elle est sans doute largement surestimée.
Aux Etats-Unis, on observe, depuis quelques mois déjà, le phénomène dit « de la grande démission ». Rien qu’en novembre 2021, quatre millions et demi de personnes ont démissionné aux Etats-Unis. Beaucoup de ces personnes ne quittent cependant pas la vie active, mais changent d’emploi pour profiter de meilleures conditions de salaire et de travail dans des secteurs qui repartent après la pandémie, comme la restauration. Si ces démissions se soldent par une réembauche, l’impact global sur le marché du travail sera neutre. La baisse relativement modeste de la participation au marché du travail (– 2,3 % entre 2020 et 2021) semble indiquer que cela serait le cas.
Cependant, une étude récente suggère que les statistiques officielles sous-estiment largement les tensions sur le marché du travail et que l’offre de travail a bel et bien chuté par rapport à la période prépandémie (« Has the Willingness to Work Fallen During the Covid Pandemic ? », Faberman, Mueller & Sahin, National Bureau of Economic Research).
Changement structurel
L’enquête menée par les trois économistes américains est formelle : les gens veulent désormais moins travailler aux Etats-Unis. En moyenne, les heures de travail désirées ont chuté de 4,6 %, soit deux fois plus que la baisse de la participation au marché du travail. Cela est tout à fait unique dans le cadre d’une récession économique. Généralement, les récessions sont caractérisées par le fait que les travailleurs travaillent moins qu’ils ne le désirent. La récession due au Covid-19 a engendré un phénomène inverse.
Il vous reste 36.36% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.