Archive dans 2025

Chez Carrefour, l’externalisation à marche forcée des magasins, un sujet social toujours brûlant

Le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard (au centre, de face), et le ministre de l’économie, Eric Lombard (au centre, de profil), rencontrent des employés et des clients à la caisse d’un supermarché Carrefour, à L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), le 16 mai 2025.

C’était le 31 mars, devant la commission d’enquête sur les aides publiques aux entreprises. L’audition du PDG de Carrefour, Alexandre Bompard, s’attarde sur la stratégie du géant de la grande distribution d’externaliser la gestion de ses magasins déficitaires, une quarantaine par an, par le recours à la location-gérance. « Les salariés le vivent mal, insiste le sénateur communiste de Seine-Saint-Denis et rapporteur de la commission Fabien Gay. Les méthodes des [repreneurs] pour revenir à l’équilibre détériorent les conditions de travail. » « Il y a une inquiétude des salariés, reconnaît Alexandre Bompard. Mais un entrepreneur sauve un magasin non pas en rognant sur le social, mais grâce à l’énergie commerciale qu’il déploie. Je vous invite à venir dans les magasins concernés… »

Concerné, l’hypermarché Carrefour de Flers-en-Escrebieux (Nord) l’est justement. Mardi 20 mai, le point de vue des salariés sur leur passage en location-gérance quinze mois plus tôt s’affiche sans détour sur tracts et pancartes : « Non à la boucherie sociale. » A l’appel des syndicats FO et CFDT, une soixantaine sont rassemblés devant le magasin. « Ça fait vingt-neuf ans que je travaille chez Carrefour. Aujourd’hui, financièrement, je n’y arrive plus, lâche Patrice, 57 ans, divorcé et père de trois enfants (les salariés n’ont pas souhaité donner leurs noms). Avant, on avait de l’intéressement, de la participation, avec ça j’arrivais à payer mes crédits et à faire face aux imprévus. Maintenant, à peine je touche ma paie que je suis déjà à découvert. Là, j’ai dû faire réparer ma voiture… Je peux même plus payer une glace à mes enfants. »

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Qui « représente » les cadres ?

« Représenter : rendre présent quelqu’un qui est absent. » Plus facile à dire qu’à faire quand il s’agit des 21 millions de salariés français, du grand groupe au petit salon de coiffure, et alors que les effectifs syndicaux ont été divisés par trois depuis 1950 (10 % dans le privé en 2007, 7,8 % en 2020).

Manifestation du 1ᵉʳ mai 2025, à Paris.

Concernant la négociation collective, l’indispensable changement de logiciel date de la loi du 20 août 2008, qui a voulu relégitimer les acteurs et accords. Exit la présomption irréfragable de représentativité pour les confédérations désignées par l’Etat : comme la vraie autorité, la représentativité ne tombe pas d’en haut, elle se constate d’en bas. Cette loi a créé un nouveau critère, qui a changé beaucoup de choses en créant un marché des voix : l’audience électorale emporte tout aujourd’hui, à tous les niveaux.

Négocier un accord national interprofessionnel ou de branche est donc réservé aux syndicats ayant obtenu au moins 8 % des suffrages exprimés. Reflet de divisions appelées en France « pluralisme ».

Stabilité du « club des cinq »

« To be or not to be… » C’est l’enjeu des résultats publiés le 9 avril, issus d’un travail de Sisyphe : la consolidation des élections 2021-2024 pour nos 90 000 comités sociaux et économiques, et des élections de représentativité TPE [très petites entreprises] de décembre 2024, qui va permettre de désigner les négociateurs au niveau interprofessionnel et dans nos 250 branches pour la période 2026-2029.

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En Allemagne, 2,9 millions de jeunes de moins de 35 ans sont sans qualification, un record

Un employé passe devant des bobines dans l’usine du géant industriel allemand Thyssenkrupp,  à Duisbourg (Allemagne), le 20 mars 2025.

C’est un paradoxe étonnant : l’Allemagne, qui subit une importante pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs et un vieillissement rapide de sa population, laisse de plus en plus de jeunes sans qualification sur le marché. Selon le dernier rapport annuel sur la formation professionnelle, 2,86 millions de jeunes de moins de 35 ans sont actuellement sans formation professionnelle reconnue. Un chiffre en forte hausse depuis une décennie, qui soulève un déficit structurel : contrairement à sa réputation, le pays ne parvient plus à intégrer aussi facilement les jeunes sur son marché du travail.

L’Allemagne reste l’une des nations où le chômage des jeunes est le plus faible, avec 6,5 %, contre 17,6 % en France et 14,5 % dans la moyenne européenne. Le système de formation dit « dual », qui combine l’apprentissage en entreprise avec un enseignement théorique en école professionnelle (Berufsschule), est largement considéré comme efficace, grâce à une formation concrète adaptée aux besoins des entreprises. En 2023, environ 1,2 million de jeunes étaient engagés dans une formation en alternance en Allemagne.

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Comment Friedrich Merz veut inciter les Allemands à travailler plus

Sur une ligne de production de l’usine Volkswagen de Dresden (Allemagne), le 14 mai 2025.

C’est l’un des « narratifs » préférés des milieux libéraux et conservateurs outre-Rhin : la cause du déclin économique du pays serait le désamour des Allemands pour le travail.

Friedrich Merz, le nouveau chancelier, a mis le sujet en tête de ses priorités pour la relance de l’économie, en stagnation depuis cinq ans. « Nous devons, dans ce pays, travailler de nouveau davantage et surtout plus efficacement. Ce n’est pas avec la semaine de quatre jours et le “work-life balance” (“l’équilibre vie privée-vie professionnelle”) que nous pourrons maintenir notre prospérité ! », a-t-il asséné lors de la journée de l’économie de son parti, l’Union chrétienne-démocrate (CDU), à la mi-mai, suscitant les protestations des syndicats.

Depuis, le pays entier s’interroge sur sa supposée fainéantise, hanté par un graphique de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui tourne en boucle, classant les Allemands en queue des trente-quatre pays membres de l’organisation, avec 1 343 heures de travail par an et par personne, contre 1 500 en France, 1 803 en Pologne et 1 897 en Grèce.

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Immigration : comment Bruno Retailleau a retardé la publication de la liste des métiers en tension

Le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, à l’Elysée, le 7 mai 2025.

Il aura fallu attendre plus d’un an pour connaître la nouvelle liste des métiers en tension. L’arrêté qui l’actualise a été publié, jeudi 22 mai, au Journal officiel. Cette liste, qui répertorie les professions en manque de main-d’œuvre par régions, servira désormais de base aux préfets pour examiner les demandes de régularisations des travailleurs sans papiers.

Fruit d’une concertation entre les partenaires sociaux en début d’année, elle avait été présentée fin février et sa publication devait initialement avoir lieu début mars, comme l’avait annoncé la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet. Mais elle a été retardée pour des raisons politiques.

L’actualisation des métiers en tension était prévue par la loi « immigration », promulguée en janvier 2024. L’objectif du ministre de l’intérieur de l’époque, Gérald Darmanin, était de favoriser la régularisation des travailleurs sans papiers face aux pénuries de main-d’œuvre que connaissent certains secteurs de l’économie.

Mais la dissolution a totalement ralenti le processus. Notamment parce que le successeur de Gérald Darmanin place Beauveau, Bruno Retailleau, tenant d’une ligne dure, a fait de la baisse de l’immigration un de ses premiers objectifs. Le ministre ne voulait ainsi pas que le sujet parasite la campagne dans laquelle il était lancé pour prendre la présidence du parti Les Républicains (LR). D’autant plus que c’est lui, lorsqu’il était à la tête de groupe LR au Sénat, qui a mené la bataille contre le titre de séjour pour les métiers en tension lors de l’examen de loi.

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Julien Leclercq, entrepreneur : « Dans la restauration, il faut innover pour recruter et fidéliser les salariés »

Entrepreneur depuis quinze ans et auteur de Recherche (désespérément) salariés (Fayard, 240 pages, 20 euros), Julien Leclercq estime que le rapport des salariés au travail a évolué, avec une aspiration à une plus grande liberté qui s’incarne notamment, à ses yeux, dans « le refus de certains actifs à s’engager dans un CDI ».

Journaliste à la tête d’une agence de presse, vous avez décidé de reprendre en 2020 un café-restaurant à Lectoure, dans le Gers. Comment s’est déroulée cette expérience entrepreneuriale sur le plan de la gestion des ressources humaines ?

La question du recrutement des salariés a été centrale. J’ai découvert des problématiques que l’on rencontre dans des métiers en tension, mais que je ne connaissais pas jusqu’alors dans la presse. Une annonce pour recruter un journaliste peut entraîner en retour 200 candidatures en une semaine, quand bien même le poste se situe à Astaffort [Lot-et-Garonne].

Rien de tel dans la restauration : juste avant la réouverture après le Covid-19, je me suis retrouvé face à un mur. Je n’avais que quelques candidatures, et des profils qui ne correspondaient pas forcément à nos attentes. En pareilles circonstances, le rapport s’inverse : l’entrepreneur n’est plus en position de force pour choisir son équipe. De tels recrutements ne peuvent avoir qu’un impact négatif sur la qualité du travail réalisé, la motivation des équipes (avec notamment des arrêts en cours de saison), et l’expérience client s’en ressent.

Quels moyens avez-vous utilisés pour renforcer votre attractivité et fidéliser vos salariés ?

Nous avons essayé de lever des freins à la venue de nouveaux collaborateurs, à commencer par la difficulté à se loger. Nous avons ainsi loué plusieurs appartements à proximité immédiate de notre établissement – la difficulté à se déplacer étant un autre frein pour les salariés – et avons précisé, dans nos offres, que l’hébergement était fourni.

Nous avons également cherché à agir sur les rémunérations : nous avons proposé des « compléments » avec, en particulier, un dispositif d’intéressement indexé sur la progression du chiffre d’affaires et une prime de fidélité pour les employés restant jusqu’à la fin de la saison.

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De Trump à votre collègue de bureau, les ravages de la réalité professionnelle alternative

Depuis sa prise de fonctions, en janvier, Donald Trump a bien du mal à se hisser à hauteur de ses promesses de campagne, un peu comme un vendeur de voitures qui vous aurait fait miroiter une énorme ristourne qu’il ne pourra pas finalement vous obtenir. La paix en un jour entre la Russie et l’Ukraine ? On en est loin. La grandeur retrouvée de l’Amérique ? « Les signaux envoyés par les indicateurs économiques sont globalement mal orientés en début d’année aux Etats-Unis », soulignait une note de la direction générale du Trésor français, publiée le 11 mars. Le produit intérieur brut américain a ainsi baissé de 0,3 % au premier trimestre. Et l’on ne parle pas des ravages en matière de soft power induits par une politique étrangère aussi illisible que brutale.

Si l’on considère qu’être président des Etats-Unis est un job comme un autre, ou tout au moins un job soumis aux mêmes exigences d’efficacité qu’un autre, on peut en conclure que Trump est loin d’être le grand professionnel annoncé, l’incommensurable « roi du deal ». Signe d’une défiance croissante de l’opinion publique, les sondages en berne sont venus sanctionner ses piètres performances. D’après une étude IFOP pour le site d’informations touristiques NYC.eu publiée fin avril, 56 % des Américains ont honte du locataire de la Maison Blanche et 24 % regrettent d’avoir voté pour lui.

Que fit Trump face à ces données urticantes ? Il s’en est pris aux médias, « ennemis du peuple », insupportables thermomètres lui collant sous le nez ce bilan morose : « Ils sont malades, n’écrivent presque que des articles négatifs à mon sujet, peu importe à quel point je me débrouille bien », s’est-il emporté sur son réseau Truth Social, en avril.

Perception ultrasubjective

S’il ne l’a pas inventée, Trump a pour l’occasion mis en lumière une dynamique plus qu’émergente, à la Maison Blanche comme dans l’open space : la réalité professionnelle alternative. Au diable les faits, ce qui compte, c’est l’omnipotence de votre point de vue sur vous-même et vos capacités laborales. Lors du meeting, dans le Michigan, pour fêter les débuts de sa présidence pyrotechnique, le magnat de l’immobilier déclarait, le 29 avril : « Nous sommes ici ce soir au cœur de notre nation pour célébrer les 100 premiers jours les plus réussis de toute l’histoire de notre pays selon beaucoup, beaucoup de gens. »

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Le silence de la famille d’Hubert Chazarenc contre un chèque : la transaction que voulait conclure le groupe pétrolier Perenco

Photo de profil non datée d'Hubert Chazarenc sur Linkedin.

Hubert Chazarenc avait 34 ans. C’était un gaillard de 1,90 mètre, musclé, sportif, travailleur, passionné par le forage pétrolier, son métier depuis huit ans. Il habitait à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques) avec sa compagne, Lola Guignabert, avec qui il venait de se pacser après quatre ans de vie commune. Le couple avait de nombreux projets. Même s’il aimait le forage, le jeune homme économisait pour s’installer à son compte comme charpentier zingueur au Pays basque.

Début novembre 2020, lorsqu’il rejoint sa plateforme au large du Cameroun, il promet à sa compagne que ce sera sa dernière mission. Cela fait un an qu’il travaille régulièrement sur ce site, embauché par un sous-traitant pour le compte de la société Petrofor (créée à Nassau, aux Bahamas) sur la plate-forme off-shore du groupe franco-britannique Perenco.

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Appel à témoignages : vous avez plus de 45 ans et tentez de retrouver un emploi salarié, racontez-nous

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