Pour les équipes, le coup est rude. La start-up Welcome to the Jungle, qui prône un monde du travail apaisé, a décidé de se séparer d’une partie de ses effectifs. « L’entreprise sait qu’ils ont créé une marque très forte sur le bien-être au travail. On se sentait protégés, c’est le rêve de la start-up nation qui s’écroule un peu », estime un salarié.
Après plusieurs mois de négociations, les élus du comité social et économique (CSE) et la direction de l’entreprise française ont signé, le 10 avril, une rupture conventionnelle collective (RCC), dont la signature est ouverte à 102 salariés sur les 260 que compte l’entreprise en France. Par ce biais, 60 personnes au maximum pourront quitter l’entreprise, et trente-cinq postes ne seront pas remplacés.
Welcome to the Jungle est avant tout connue pour son site d’emploi, incontournable chez les start-up françaises. Créée il y a dix ans, l’entreprise qui a levé près de 70 millions d’euros n’est toujours pas rentable, et affiche des pertes proches des dix millions d’euros ces deux dernières années.
L’équipe éditoriale, qui écrivait sur le monde du travail, est la principale visée. Ses onze membres, ainsi que la petite dizaine de vidéastes rattachés au marketing ont été informés mi-janvier que la direction prévoyait de supprimer leurs postes – les remplaçant par trois postes de manageurs de contenus pour les entreprises – ainsi qu’une quinzaine d’autres employés d’autres services.
« En gros, on nous force à partir »
Mais plutôt que de recourir à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) – un plan social classique – la direction a opté pour une rupture conventionnelle collective, choix qui a immédiatement étonné chez les salariés. « Du jour au lendemain, on m’annonce que mon poste est supprimé, mais qu’en même temps, la procédure de départs est sur la base du volontariat, se rappelle une salariée visée par le plan, qui souhaite rester anonyme, comme la dizaine d’employés avec qui Le Monde a échangé. Pourtant, quatre jours après, mon manageur m’a demandé “quels étaient mes projets après”. En gros, on nous force à partir en nous disant “prenez ce qu’on vous donne, c’est déjà bien”. »
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La ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique, Clara Chappaz, dans un centre de données à Roubaix (Nord), le 3 avril 2025. SAMEER AL-DOUMY / AFP
Qu’elle inquiète ou qu’elle fascine, l’intelligence artificielle (IA) parle désormais à la grande majorité des Français. Tel est le constat de la sixième édition du Baromètre de la formation et de l’emploi, dévoilée le 8 avril par Centre Inffo, une association de service public sous tutelle du ministère du travail. Réalisée en février par l’institut d’études CSA sur un échantillon représentatif de 1 621 personnes, l’enquête relève d’abord que 71 % des actifs connaissent l’IA contre 26 % qui en ont entendu parler sans savoir vraiment de quoi il s’agit. Sans surprise, les cadres, qui sont davantage amenés à manier cet outil, sont proportionnellement plus nombreux (82 %) à le connaître.
Second enseignement, 64 % des actifs disent être à l’aise avec l’IA (dont 21 % tout à fait à l’aise). Les plus jeunes (84 % des 18-24 ans et 76 % des 25-34 ans) et les cadres (74 %) sont surreprésentés dans cette catégorie. A l’inverse, 36 % des actifs affirment leur inconfort devant cet outil, notamment les fonctionnaires (55 %), les seniors (52 % chez les 50-64 ans). Viennent ensuite les ruraux, les chômeurs, les salariés du secteur sanitaire et social, les professions intermédiaires (entre 42 % et 49 %). Tout porte à croire que l’IA constitue la nouvelle frontière de la fracture numérique française, sachant que 94,4 % des foyers sont désormais raccordés à Internet.
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Le bâtiment de la Cour des comptes, à Paris, le 8 avril 2025. BERTRAND GUAY/AFP
Le système de retraites a des effets antagonistes sur l’économie : « préjudiciable[s] » dans certains cas et « positifs » dans d’autres, d’après la Cour des comptes. Dans un rapport rendu public jeudi 10 avril, la haute juridiction cherche à voir comment les règles relatives aux régimes de pension exercent une influence sur le marché du travail et sur la capacité des entreprises à affronter la concurrence internationale. Tout en se gardant de formuler des recommandations, elle souligne que les mesures concourant à développer l’activité professionnelle au-delà de 60 ans peuvent s’avérer bienvenues, à condition d’accompagner ceux qui auraient de la peine à rester en poste plus longtemps.
Le rapport remis jeudi fait suite à la décision, annoncée le 14 janvier par François Bayrou, de relancer le chantier des retraites en proposant aux partenaires sociaux de plancher sur le sujet. Pour éclairer les discussions, le premier ministre a demandé à la Cour des comptes de fournir deux audits : l’un, sur les perspectives financières de notre système par répartition, a été rendu public le 20 février ; l’autre, consacré aux « impacts » des régimes de pension « sur la compétitivité et l’emploi », a été présenté, jeudi après-midi, à M. Bayrou, puis aux syndicats et au patronat.
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Au cœur de l’Andalousie, les exploitations agricoles accueillent chaque année nombre de travailleurs étrangers. Dans les serres où l’on cultive des fraisiers, des femmes marocaines sont chargées de la récolte. Elles ont été préalablement sélectionnées sur un critère bien précis : ce sont des mères de famille dont les enfants sont restés au Maghreb. C’est, aux yeux des recruteurs, le moyen le plus sûr de s’assurer qu’« elles ne chercheront pas à s’installer en Espagne » une fois leur mission terminée. Une manière, pour les employeurs, de disposer des « profils les plus vulnérables », afin qu’ils ne soient « pas en situation de contester leurs conditions de séjour, d’emploi ou de travail ».
Au fil du numéro « Les migrations temporaires de travail » de la Chronique internationale de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), un collectif de chercheurs dévoile les mécaniques à l’œuvre, en Espagne comme dans dix autres pays (Allemagne, Italie, Canada…), pour mettre au pas un « salariat bridé » et exploité, composé de femmes et d’hommes ayant quitté leur pays pour quelques semaines ou quelques mois.
Les auteurs font en préambule le constat d’une forte augmentation, ces dernières années, de ces migrations de travail. Des déplacements favorisés, notamment, par « la volonté convergente des acteurs des politiques publiques de mettre en place une immigration de “travail sans travailleurs” pour répondre aux besoins des employeurs ». Un développement rendu également possible par « l’importante opacité générée par la multiplication des statuts, le sous-dimensionnement des possibilités de contrôle et l’absence réelle d’outils de suivi et d’évaluation ».
Des abus multiples
De pays en pays, les auteurs nous expliquent comment ces travailleurs de l’agriculture, de la construction ou de la restauration sont placés dans des situations de forte dépendance à leur employeur. En cause, en particulier, les régimes de migration temporaire de travail qui prévoient, dans la plupart des cas, « la perte du droit de séjour en cas de rupture du contrat de travail ».
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Carnet de bureau. Ce n’est rien de moins qu’une « révolution culturelle »,assurela ministre du travail et de l’emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, à propos des nouvelles obligations de transparence salariale. Invitée par l’Association des journalistes de l’information sociale, le 3 avril, elle a annoncé pour septembre un premier texte de transposition de la directive européenne, qui doit être réalisée d’ici à juin 2026.
Dès l’année 2026, la directive européenne obligera ainsi les employeurs à « informer les demandeurs d’emploi du salaire de départ ou de la fourchette de rémunération initialedes postes publiés » et, dans l’entreprise, à communiquer les rémunérations médianes pour chaque type de poste. « Les offres devront être beaucoup plus précises : offre de rémunération, fourchette étroite et interdiction pour un recruteur de demander la rémunération actuelle, ce qui jouera un rôle important pour les femmes », a précisé la ministre du travail et de l’emploi.
Une révolution en effet, quand évoquer son salaire est toujours tabou. La journaliste Nathalie Saint-Cricq, qui l’avait divulgué dans un article de Libération, a été interpellée par RTL sur les raisons qui l’avaient poussée à le faire. « Je ne vois pas pourquoi j’aurai dit : “Je ne vous le donne pas” », a-t-elle répondu à l’antenne en janvier.
A la Défense (Hauts-de-Seine), le 4 septembre 2015. FLORIAN DAVID / AFP
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A l’usine Renault de Cléon (Seine-Maritime), le 18 juin 2015. CHARLY TRIBALLEAU / AFP
« Il y a d’abord eu une fatigue qui s’est installée. Puis, au fil des mois, une difficulté à me concentrer. Le moral était bas. Je prenais du retard et j’ai commencé à douter. J’ai préféré ne plus me positionner sur de gros projets. Je suis restée dans l’entreprise, mais en retrait, sans ambition. » Durant plusieurs années, Nathalie, cadre dans le secteur informatique, a subi de nombreux symptômes qui ont altéré ses capacités professionnelles. Les antidépresseurs prescrits par son médecin n’ont pu lui permettre de retrouver son état de forme initial. Et pour cause : ces troubles étaient liés à son entrée en préménopause.
C’est là l’un des principaux freins à la prise en charge de la ménopause : « Les symptômes sont peu connus, y compris par les femmes », relève Florence Chappert, responsable du projet « Genre, égalité, santé et conditions de travail » à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. Une difficulté renforcée par le fait que ces mêmes symptômes peuvent être multiples (bouffées de chaleur, douleurs articulaires, troubles urinaires, « brouillard cérébral »…) et d’une intensité inégale. « S’ajoute à cela un tabou considérable autour du sujet, poursuit la gynécologue Brigitte Letombe. Il est très dur, pour une femme, d’oser évoquer, dans l’entreprise comme dans la société, ses problèmes de santé et sa ménopause, tant cela sera associé à son propre vieillissement. »
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Le siège du Groupe Les Echos-Le Parisien, à Paris, le 20 décembre 2022. CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
Moins de deux mois après l’annonce d’un plan d’économies assorti d’un projet de suppression de 39 postes (dont 29 parmi les journalistes, sur un effectif de 400) au Parisien, la tension n’est toujours pas retombée au quotidien du groupe Les Echos-Le Parisien (propriété de LVMH). Pour la troisième fois depuis la mi-février, une assemblée générale s’est conclue, mardi 8 avril après-midi, par le vote d’une motion. Approuvée par 77 % des 333 votants (255 pour, 60 contre et 18 bulletins blancs), elle donne mandat aux organisations syndicales « pour obtenir le maintien des effectifs suffisants, notamment dans les éditions locales, à condition qu’il n’y ait pas de départ contraint ni de mobilité forcée ».
Dès la première AG, le 13 février, le collectif avait fait connaître ses inquiétudes quant à ses futures conditions de travail, une fois les postes sacrifiés sur l’autel des économies rendues nécessaires par une année 2024 une nouvelle fois déficitaire (33 millions d’euros de pertes). Le 6 mars, c’est en décidant d’une grève de vingt-quatre heures, assortie d’une motion de défiance contre la direction, que la rédaction avait réaffirmé son opposition à « la réorganisation de la rédaction telle qu’envisagée ».
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Lors d’une manifestation devant une agence Société générale-Crédit du Nord, à Lille, le 25 mars 2025. SAMEER AL-DOUMY / AFP
Après la mobilisation contre la réforme des retraites et les congrès, la représentativité syndicale chez les salariés du privé reste inchangée, avec la CFDT, la CGT et FO dans le trio de tête, mais en léger recul, contrairement aux plus petites organisations qui progressent, selon des chiffres de la direction générale du travail (DGT) publiés mardi 8 avril.
La CFDT, qui avait ravi en mars 2017 la place de premier syndicat du privé à la CGT, a obtenu 26,58 % des voix (contre 26,77 % en 2021), devant la centrale de Montreuil qui se classe deuxième avec 22,21 % (contre 22,96 % précédemment), d’après la DGT. Force ouvrière (FO), troisième, obtient 14,91 % (contre 15,24 % en 2021), tandis que la CFTC se classe toujours cinquième en progressant très légèrement (9,58 % contre 9,50 %).
« Pour la troisième fois consécutive, les salariés ont porté la CFDT à la première place des organisations syndicales françaises », a salué dans un communiqué la centrale dirigée par Marylise Léon.
Congrès au printemps 2026
La CGT n’a pas pu regagner la première sa place en dépit de son score obtenu dans le scrutin des très petites entreprises (TPE) et des employés chez des particuliers (avec 27,64 % des suffrages exprimés, contre 14,86 % pour la CFDT).
Depuis la réforme de la représentativité syndicale de 2008, cette audience est calculée tous les quatre ans en additionnant les suffrages recueillis par les syndicats lors des élections professionnelles (CSE) organisées dans les entreprises d’au moins 11 salariés et dans les TPE, ainsi que lors des élections dans les chambres départementales d’agriculture.
Les syndicats représentatifs, recueillant plus de 8 % des suffrages, peuvent négocier des accords, désigner des conseillers aux prud’hommes, percevoir des subventions. L’enjeu est essentiel pour les organisations syndicales, particulièrement pour les trois premières avant leurs congrès respectifs prévus au printemps 2026, car la mesure de la représentativité dessine les rapports de force à l’intérieur des centrales comme à l’extérieur.
La surprise vient du syndicat des cadres, la CFE-CGC, qui connaît une progression de 1,05 % (avec 12,95 % contre 11,90 %), talonnant ainsi FO de deux points. « On progresse chez les cadres comme chez les techniciens et agents de maîtrise », s’est réjoui le président de la CFE-CGC, François Hommeril, qui incarne une ligne plus combative au sein de son organisation.
Pour le syndicaliste, « les évolutions en termes d’audience sont inscrites dans la durée, ce n’est pas comme en politique où des gens inconnus deux ans plus tôt peuvent se présenter et être élus », a-t-il ajouté dans une allusion au président français, Emmanuel Macron.
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Le résultat de cette séquence électorale était aussi essentiel pour les plus petits syndicats comme Solidaires et l’UNSA, qui jouissent de scores élevés dans certains secteurs (respectivement l’aide à domicile et la petite enfance) et espéraient encore devenir représentatifs.
Séquence favorable aux syndicats
Las, la marche reste encore un peu haute. L’UNSA obtient ainsi 6,45 % (contre 5,98 %) et Solidaires décroche 3,75 % des suffrages (contre 3,66 %). « Quand la majorité des autres organisations baissent ou stagnent, l’UNSA connaît la deuxième meilleure progression sur l’ensemble du champ des salariés du privé », s’est réjouie l’organisation dans un communiqué publié mardi.
« Les résultats sont globalement positifs, avec l’obtention de la représentativité dans de nouvelles branches », souligne auprès de l’Agence France-Presse Aurélien Bourdon, secrétaire national de Solidaires, « conscient du chemin qui reste à parcourir ».
Cependant, peu de salariés ont participé aux différents scrutins, qui se sont pourtant déroulés après une séquence favorable aux syndicats, celle de la mobilisation contre la réforme des retraites en 2023, avec des cortèges importants partout en France. La mobilisation s’était traduite par une forte hausse des adhésions dans chaque organisation, mais celle-ci ne s’est pas traduite concrètement dans les urnes.
Un rapport de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, publié en janvier, pointait ainsi une baisse de trois points de pourcentage du nombre d’entreprises ayant une instance élue de représentants du personnel et une baisse de cinq points, entre 2017 et 2023, du nombre de celles ayant des délégués syndicaux.
Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail, et François Bayrou, premier ministre (à droite), lors d’une visite à l’agence gouvernementale France Travail à Nanterre, le 4 avril 2025. THIBAUD MORITZ/AFP
Les demandeurs d’emploi vont-ils être soumis à un énième tour de vis ? Le devenir de l’assurance-chômage a, en tout cas, été examiné lors d’une récente réunion à l’Elysée, comme l’a révélé le quotidien L’Opinion daté du lundi 7 avril. Officiellement, aucun scénario concret n’est privilégié, mais l’exécutif reconnaît que le dossier est posé sur la table, parmi d’autres.
La rencontre a eu lieu le 3 avril au 55, rue du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris. Emmanuel Macron recevait le chef du gouvernement, François Bayrou, ainsi que plusieurs ministres, dont celle qui est chargée du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, pour discuter de l’agenda des réformes. L’objectif était d’identifier des solutions afin de réduire les déficits publics, tout en finançant les dépenses de défense, alors que le contexte économique et géopolitique ne cesse de s’assombrir, avec la guerre commerciale déclarée par le chef d’Etat américain, Donald Trump.
C’est dans ce cadre que l’hypothèse d’une nouvelle transformation de l’assurance-chômage a été mentionnée, sans que des idées précises émergent. Mais le simple fait d’évoquer cette piste retient l’attention, car le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi a déjà connu de nombreux changements depuis l’arrivée à l’Elysée de M. Macron, en 2017. Le pouvoir en place a durci les règles à plusieurs reprises, puis les partenaires sociaux, qui gèrent le régime à travers l’association paritaire Unédic, se sont réinstallés aux commandes pour aboutir, en novembre 2024, à un accord agréé par le gouvernement.
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La coconstruction avec l’enseignement supérieur affichée par Elisabeth Borne ressemble davantage à une reprise en main de la formation par le ministère de l’éducation nationale, sans moyens supplémentaires pour les universités.