Archive dans janvier 2025

« Les Inégalités justifiées » : les « bonnes excuses » face aux écarts de salaires femmes hommes

Selon l’Insee, l’écart de salaire femmes-hommes en équivalent temps plein était, en 2021, d’environ 4 %, à poste comparable (même profession, même employeur). Mais cette statistique en cache une autre : le revenu salarial moyen des femmes était, au global, inférieur de 24 % à celui des hommes dans le secteur privé. Comment expliquer une telle différence ? C’est tout l’objet de l’ouvrage de Marie Donzel, Les Inégalités justifiées (éd. Rue de l’échiquier, 112 p., 13 euros).

Un essai dans lequel la consultante en innovation sociale porte un regard féministe sur les « bonnes excuses » mises en avant par le monde de l’entreprise pour justifier une bonne partie de l’écart constaté pour ne retenir, in fine, que cette différence de rémunération de 4 % (la « part inexpliquée »).

L’autrice déconstruit ainsi au fil des pages, et souvent avec une ironie grinçante, l’ensemble de ces justifications, perçues comme autant de « supercheries ». Il y a tout d’abord le fait que les femmes sont plus nombreuses à temps partiel. « Les mères de famille ont inventé la semaine de quatre jours », résume Mme Donzel. C’est bien souvent pour s’occuper de leurs enfants qu’elles ont décidé de réduire leur temps de travail.

Une organisation qui profite avant tout aux employeurs, assure l’autrice, qui souligne une augmentation de la productivité et une plus grande disponibilité des autres collaborateurs – « le salarié dont la conjointe est à temps partiel est libéré d’une (encore) plus large part de ses obligations domestiques ». Les femmes, de leurs côtés, limitent leurs revenus ainsi que « leur chance d’accès aux opportunités d’évolution professionnelle ».

Des obstacles spécifiques

Mme Donzel s’intéresse également à la moindre ancienneté des femmes à leur poste, avancée pour justifier leur rémunération. L’autrice démonte, ici aussi, les biais qui sont à l’œuvre derrière ce constat. Qu’est-ce qui provoque les changements d’emploi ? L’arrivée d’un enfant, explique-t-elle, ainsi que le rapprochement de conjoint ou l’absence de perspectives professionnelles (le fameux plafond de verre).

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Les augmentations générales de salaires en recul, dans un contexte économique incertain

Lors d’un mouvement de grève national pour les salaires chez Decathlon, aux entrepots logistiques d’Evin Malmaison (Pas-de-Calais), le 9 décembre 2024.

Après trois années à courir derrière une inflation galopante, les prévisions d’augmentations de salaire enregistrées pour 2025 sont révélatrices d’un changement de contexte économique pour les entreprises.

C’est ce que révèle l’étude Salary Budget Planning publiée jeudi 9 janvier par le cabinet de conseil WTW, à partir des réponses de 1 022 entreprises en France appartenant à des secteurs divers (technologies télécoms, industrie, distribution, transports, construction…).

Alors que la saison est aux négociations annuelles obligatoires (NAO), près de la moitié des sociétés interrogées (46 %) déclarent que leur budget d’augmentation a été revu à la baisse par rapport à 2024. Ce qu’elles expliquent d’abord par des prévisions d’inflation en baisse, une inquiétude liée à la gestion des coûts, et « une récession anticipée ou des résultats financiers plus modestes que prévu ».

« Mais la baisse des budgets reste relative », insiste Khalil Ait-Mouloud, directeur de l’activité enquêtes de rémunération chez WTW. Ainsi, l’augmentation médiane (la moitié des entreprises prévoit plus, l’autre moitié prévoit moins) s’élève à + 3,5 % pour 2025, contre + 3,8 % pour cette même étude en 2024, alors que la Banque de France prévoit une inflation sous les 2 % en 2025. « Il faut se rappeler qu’entre 2010 et 2020, période économique plus stable, la médiane était plutôt autour de + 2,5 % », contextualise M. Ait-Mouloud.

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Combien de Français meurent au travail et pourquoi ce chiffre est-il sous-estimé ? Comprendre en trois minutes

Selon le bilan annuel de la Caisse nationale de l’Assurance-maladie, 759 salariés sont morts à la suite d’un accident du travail en 2023. Cela représente, en moyenne, deux par jour. Mais le risque de mourir au travail ne touche pas tous les travailleurs de la même façon. Certains sont plus exposés que d’autres, et il est possible, grâce aux données dont on dispose, d’en dresser un profil type.

Ces chiffres illustrent, selon des collectifs de familles de victimes et des organisations syndicales, une dégradation incontestable des conditions de travail. D’autant plus qu’ils les jugent : en deçà de la réalité ; incomplets, puisqu’ils ne concernent que les personnes salariées ; peut-être inexacts, car des syndicats ont dénoncé des anomalies laissant planer un doute sur leur fiabilité.

Dans cette vidéo, nous effectuons un état des lieux de la mort au travail, pour comprendre qui sont les salariés les plus exposés, mais aussi les difficultés rencontrées par les familles des victimes.

« Comprendre en trois minutes »

Les vidéos explicatives qui composent la série « Comprendre en trois minutes » sont produites par le service Vidéos verticales du Monde. Diffusées en premier lieu sur les plates-formes telles que TikTok, Snapchat, Instagram et Facebook, elles ont pour objectif de remettre en contexte les grands événements dans un format court et de rendre l’actualité accessible à tous.

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Les conducteurs de camions, premières victimes des malaises mortels au travail

Sur une route, près de Fort-de-France, à la Martinique, le 24 septembre 2024.

Coup de projecteur sur une part d’ombre de l’économie. Les malaises sont à l’origine de plus de la moitié des accidents du travail mortels, le phénomène touchant essentiellement les hommes. C’est l’un des enseignements d’une étude diffusée, lundi 6 janvier, par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), un centre d’expertises consacré à la prévention des risques professionnels. Il s’agit de la « première » enquête qui tente de cerner un problème aussi méconnu que préoccupant.

En 2023, 759 personnes relevant du régime général de la Sécurité sociale sont mortes à la suite d’un accident lié à l’activité qu’elles exerçaient. Parmi elles, 432 sont décédées après un malaise, sans qu’une « cause externe » (une chute ou un choc, par exemple) ait pu être identifiée. Ce type d’événement a ainsi représenté près de 57 % des accidents du travail mortels, une proportion stable depuis plusieurs années.

L’INRS a voulu y voir plus clair sur ces malaises, fatals pour ceux qui les ont subis, en exploitant une base de données spécifique – appelée « Epicea » : celle-ci n’enregistre pas tous les accidents du travail mortels, depuis sa création, mais elle peut être créditée d’une « représentativité certaine » car elle répertorie un « grand nombre de cas ».

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« Les sentiments de discrimination sur le marché du travail peuvent engendrer une dynamique de prophétie autoréalisatrice »

Les perspectives du marché de l’emploi en France sont moroses. La Banque de France prévoit un accroissement du taux de demandeurs d’emploi à 8 % d’ici à 2026, mettant ainsi fin à la baisse quasi continue du taux de chômage depuis 2015 (hors une remontée éphémère lors de l’épidémie de Covid-19). Dans un contexte général d’accroissement des inégalités économiques, on peut s’interroger sur la façon dont cette augmentation du chômage les renforcera encore.

C’est une des constantes du marché de l’emploi en France : à peu près quel que soit le taux de chômage, il est deux fois plus élevé dans les quartiers dits « prioritaires » que dans le reste du territoire. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet écart. Le niveau d’éducation moyen est, par exemple, plus faible dans ces quartiers. Mais, même à niveau scolaire équivalent, le ratio du simple au double persiste.

Pour expliquer la persistance de telles inégalités entre certains groupes sociaux, les sociologues et économistes mettent en évidence la discrimination. Cependant, il est très difficile de prouver empiriquement l’existence de celle-ci. En effet, pour démontrer qu’un employeur discrimine, par exemple entre une femme et un homme, il faut s’assurer que les candidats soient semblables en tout point, à part leur genre. Or, il est généralement impossible que deux candidats soient parfaitement identiques en tout point sauf un. Ainsi, un sous-champ de l’économie, à la créativité et au raffinement technique parfois époustouflants, s’échine à prouver ou à réfuter la présence de discrimination sur le marché du travail mais aussi dans la police, la justice, les orchestres professionnels, les arbitres de football et même parmi les bookmakers des ligues professionnelles de basket-ball.

Performance dégradée

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Au Bangladesh, ces marques françaises épinglées pour ne pas protéger les droits des salariés

Dans une usine de vêtements à Savar, dans la banlieue de Dhaka, au Bangladesh, le 13 avril 2023.

Une fois encore, les marques occidentales se font épingler au Bangladesh, où elles font fabriquer leurs collections d’habillement à bas prix. Les fournisseurs de 45 enseignes, à l’instar de Zara, H&M ou encore les françaises Kiabi, Decathlon et Carrefour, sont pointés du doigt pour avoir porté plainte contre leurs salariés après les manifestations de 2023.

Plus d’un an après la violente répression des grèves pour une hausse du salaire minimum des travailleurs du secteur textile, en novembre 2023, quelque 40 000 salariés sont toujours menacés d’être poursuivis au pénal, selon Clean Clothes Campaign (CCC), une fédération d’organisations non gouvernementales (ONG) qui militent pour le respect des droits humains.

A l’époque, sans avoir obtenu gain de cause, les ouvriers avaient été contraints de reprendre le chemin des usines. Le salaire minimum avait été augmenté de 56 %, le portant à 12 500 takas, soit environ 100 euros, contre les 23 000 takas revendiqués, soit quelque 180 euros. Quatre ouvriers sont morts, dont trois abattus par les forces de l’ordre, et plus d’une centaine de personnes avaient été arrêtées.

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Dix ans après sa création, le compte personnel de formation a séduit les actifs

Christophe, 50 ans, est sorti du chômage en suivant une formation pour devenir pâtissier. Riwan, un intermittent du spectacle de 30 ans, a pu se payer son permis de conduire, indispensable pour les tournées. Valérie, 30 ans, a financé sa reconversion dans le secteur de la petite enfance. Leur point commun ? Tous racontent sur le site du ministère du travail et de l’emploi qu’ils ont pu évoluer professionnellement grâce au congé personnel de formation (CPF) dont le ministère célébrait les dix ans d’existence par un colloque qui s’est tenu fin novembre 2024.

Créé par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, ce dispositif, entré en vigueur en 2015, était une petite révolution : le CPF a placé l’individu au centre et redonné la main aux actifs sur leur formation, en leur accordant des droits rechargeables, qui se conservent en changeant d’employeur.

Géré par la Caisse des dépôts, avec la plateforme Mon compte formation, qui donne accès à 200 000 formations proposées par quelque 14 000 organismes, ce dispositif n’a cessé de gagner en popularité. En cumulé depuis 2015, 9,7 millions de formations ont été validées et 15,8 milliards d’euros ont été dépensés dans le CPF.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Compte personnel de formation : le nombre de dossiers se stabilise

De plus en plus nombreux, les bénéficiaires optent pour des sessions plus courtes, moins chères et plus accessibles. Sur la période 2020-2024, la part des apprenants peu ou pas diplômés grimpe à 18 %, celle des non-cadres à 82 %. Les stages les plus prisés concernent en premier lieu le domaine des transports, de la manutention et du magasinage. Vient ensuite tout ce qui a trait au développement des capacités d’orientation, d’insertion ou de réinsertion sociales et professionnelles, suivi des langues vivantes.

Fraudes et abus

Revers de son succès, de nombreux abus et fraudes ont entaché le CPF : possibilité de financer le permis deux-roues pour une grosse cylindrée, formations bidon, démarchages abusifs, siphonnages de comptes… Ces dérives, qui ont coûté cher aux finances publiques, ont amené l’Etat à réagir avec la publication, le 31 décembre 2024, d’un décret qui prévoit à nouveau de renforcer le contrôle des organismes de formation.

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« Si on me disait de revenir, ce serait hors de question : j’ai construit ma vie ailleurs » : désireux d’un autre cadre de vie, de jeunes diplômés vivent une partie de la semaine loin du bureau

Julie Bénégui a ses marques au salon des grands voyageurs de la gare de Lyon, à Paris. Son sac à dos de transit turquoise sur l’épaule – « J’en ai pris un plus petit, pour me forcer à ne pas emporter toute ma maison à chaque fois », plaisante la jeune femme de 35 ans –, elle considère ce salon d’attente parisien et celui de la gare Saint-Charles, à Marseille, comme son « troisième bureau » depuis qu’elle a changé de vie. Mais pas d’emploi : Julie est toujours responsable des partenariats pour un fournisseur d’électricité et se plaît dans son travail, même si, depuis huit mois, elle ne vit plus à Paris, où se trouvent les locaux de sa société.

Attirée par Marseille, proche de la mer et d’une partie de ses amis, elle a profité d’une occasion offerte par son entreprise de travailler une partie du mois à distance. Elle ne se rend au bureau qu’une fois tous les quinze jours, pour deux ou trois jours. Le reste du temps en télétravail, Julie Bénégui profite avec son conjoint d’un appartement de 72 mètres carrés qu’ils n’auraient « pas pu se permettre à Paris », comme de l’ambiance d’une ville où « les gens marchent lentement dans la rue » et où, en cette fin d’octobre, l’été joue les prolongations.

Avec ce déménagement, elle a renoncé à 5 % de son salaire, mais ses trajets et logements à Paris – à l’hôtel ou en sous-location – sont remboursés, à hauteur de 400 euros mensuels. Surtout, à rebours d’un « métro, boulot, dodo » chaque jour recommencé, ces ruptures dans son quotidien lui apportent sa dose d’enthousiasme. « Quand je pose les pieds sur le quai, je suis impatiente de retrouver mes collègues : ça ne doit pas être une mauvaise chose pour l’employeur de voir un salarié arriver avec le sourire ! », affirme Julie.

Nouveau rapport au temps

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