La saignée est impressionnante. Entre 2015 et 2021, l’inspection du travail a perdu 16 % de ses effectifs. Elle éprouve par ailleurs de plus en plus de mal à recruter. Dans un rapport rendu public mercredi 28 février, la Cour des comptes lance, discrètement, un message d’alerte sur les difficultés rencontrées par cette administration qui joue un rôle essentiel de gardien de la loi dans les entreprises.
La baisse du nombre de fonctionnaires dans ce service s’inscrit dans un mouvement plus large qui obéit au désir de tailler dans la masse salariale. C’est aussi, parfois, le résultat de transferts d’agents d’un secteur de l’Etat à un autre.
Le ministère du travail, comme d’autres, a réduit la voilure, avec 15 % de postes en moins en 2021 par rapport à 2015. Toutefois, c’est l’inspection du travail qui a le plus contribué à ces « économies d’emplois » en subissant une ponction sur ses effectifs de près de « 740 équivalent temps plein », selon la Cour des comptes.
Deux candidats pour un emploi à attribuer
Cet étiolement se double de gros problèmes pour renouveler les équipes. Comme l’ensemble de la fonction publique, l’inspection du travail peine à embaucher, mais le phénomène semble particulièrement marqué en son sein. Ce « déficit d’attractivité » est mis en évidence par le nombre de personnes qui passent le concours d’inspecteur : de 2015 à 2019, il a baissé de 47 %. Ensuite il s’est redressé, mais comme le nombre de postes ouverts a également progressé dans le même temps, la « sélectivité » des épreuves s’est effondrée : en 2022, il y avait deux candidats pour un emploi à attribuer, contre douze pour un en 2015. « Il est probable que, dans ces conditions, le jury ne puisse pas pourvoir tous les postes, sauf à sélectionner des [personnes] dont les compétences sont insuffisantes au regard des exigences du concours », souligne la Cour des comptes.
Ce manque d’attrait finit par engendrer d’importants dysfonctionnements : le taux de vacance (c’est-à-dire de postes inoccupés) dans les « sections » de l’inspection a atteint 18 % en 2022, soit cinq points supplémentaires comparativement à 2018. Un « plan d’action » a, certes, été mis en place afin d’inverser la tendance : amélioration du déroulement de carrière, opération de communication, élargissement du « vivier de recrutement », etc. Ces mesures se sont pourtant avérées peu efficaces pour le moment.
Les solutions suggérées par la Cour des comptes pour résoudre cette crise à bas bruit prendront du temps à produire leurs effets. Elles passent notamment par une ouverture encore plus grande de l’inspection du travail à des profils nouveaux et par des « avancées sur le plan de la rémunération ». La direction des ressources humaines, qui s’occupe des ministères sociaux, est également invitée à « poursuivre sa mue comme “service au service des services” », notamment en s’inscrivant « dans une logique partenariale » avec les autres administrations qui ont leur mot à dire sur la gestion des équipes (Bercy, direction générale de la fonction publique, etc.).
Le plein-emploi est un objectif réaffirmé par Emmanuel Macron. Sans nul doute, le chômage a bien baissé depuis plusieurs années et a atteint un plancher d’environ 7 %. Cependant, on est encore loin d’un plein-emploi tel que le définissent des économistes, autour de 4 %. Désormais, la France est confrontée aux menaces de stagnation et à un début de remontée du chômage.
Comment inverser la dynamique actuelle et reprendre le chemin vers le plein-emploi ? Faut-il remettre en question la politique économique centrée sur la seule offre ? Il faut avoir en tête le constat majeur de la hausse importante de la part des profits dans les revenus depuis les « trente glorieuses », dans toutes les économies avancées, alors qu’en parallèle la croissance économique n’a cessé de fortement ralentir, voire de stagner, depuis plusieurs décennies, comme l’illustre à l’extrême le Japon.
En outre, il est démontré que la croissance de l’emploi est maximale pour une répartition de 2/3 pour les salaires et de 1/3 pour les profits, soit une part moyenne des profits plus limitée qu’actuellement. Il existe en effet une incitation à créer des emplois lorsque la part des profits est inférieure à 1/3, mais à en détruire dans le cas contraire. Cette observation est confirmée par l’analyse de dix-sept économies avancées sur les six dernières décennies. La politique de l’offre, prééminente sur cette période, ne fonctionne avec succès que si elle suscite un supplément de demande, autrement dit s’il y a une réaction en chaîne entre les accroissements de l’offre et de la demande, comme l’a théorisé, en 1972, l’économiste britannique Nicholas Kaldor (1908-1986).
Effort d’investissement
La France a suivi l’évolution générale avec une part du profit se hissant de 27 % à 36 % jusqu’à la crise financière de 2008. Contrairement à la plupart des autres économies développées, la part du profit a régressé ensuite pour revenir à une valeur proche de 33 %, soit la répartition « idéale » selon le modèle théorique que nous prônons. Cette meilleure répartition a sûrement favorisé la création d’emplois et la réduction du chômage durant ces dernières années.
Mais, derrière cette moyenne apparemment idéale, se cachent de grandes disparités entre les entreprises, grandes et petites. Celles du CAC 40 ont une part des profits très élevée, 44 % de la valeur ajoutée, tandis qu’elles détruisent des emplois. Au contraire, dans les PME [petites et moyennes entreprises] et les ETI [entreprises de taille intermédiaire], la part des profits est inférieure à la valeur optimale, et elles sont créatrices d’emplois. Il faut modifier cette déformation liée à la taille des entreprises, ce qui n’est pas simple a priori. Le plus efficace serait d’accroître les investissements d’avenir, ce qui permettrait la création d’emplois et à terme le rééquilibrage de la répartition. Pour cela, il faut réatteindre un taux d’investissement de 24 % du PIB, soit 2 points de plus qu’aujourd’hui, afin de retrouver une croissance moyenne, proche de celle de la France entre 1994 et 2008.
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Michel Ohayon demeure dans la tempête. Alors que l’homologation du plan de sauvegarde des 26 grands magasins Galeries Lafayette qu’il détient devrait être prononcée par les juges du tribunal de commerce de Bordeaux, le 20 mars, l’AFP a révélé, jeudi 29 février, que le domicile de l’homme d’affaires bordelais et son bureau ont fait l’objet de perquisitions diligentées par la juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco), début février.
Au début de l’année, une instruction judiciaire a été ouvertesur « les faits susceptibles d’être qualifiés d’escroquerie en bande organisée, blanchiment aggravé par concours habituel à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d’un délit, banqueroute par détournement ou dissimulation de tout ou partie de l’actif, et abus des biens ou du crédit d’une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles », détaille la Junalco, jeudi. Des perquisitions ont été diligentées, en février, au domicile parisien de Michel Ohayon, d’après l’AFP.
D’après nos informations, le domicile de son fils aîné, Charles-David Ohayon, qui notamment gère les hôtels Trianon Palace à Versailles, Sheraton à Roissy, dans le Val-d’Oise, et Intercontinental à Bordeaux, rachetés grâce à 201 millions d’euros d’emprunts contractés auprès de la Bank of China et non remboursés à ce jour, a également fait l’objet de perquisitions. Sollicité par Le Monde, l’un des avocats de l’entrepreneur bordelais n’a pas répondu.
L’entrepreneur bordelais, qui, grâce à sa société Financière immobilière bordelaise (FIB), a fait fortune dans l’immobilier en Nouvelle-Aquitaine et dans l’hôtellerie de luxe, avait repris les trois enseignes d’habillement à la faveur de procédures collectives ou de cession pour 1 euro symbolique.
Il demeure à la tête des 26 Galeries Lafayette, dont 22 ont été rachetées, en 2018, pour un montant de 150 millions d’euros et quatre autres pour 1 euro en 2022, d’après nos informations. Cet ensemble fait l’objet d’une procédure de sauvegarde ouverte en février 2023 et qui doit se clore le 20 mars avec l’homologation du plan de M. Ohayon, présenté et avalisé par la majorité des parties prenantes, y compris le parquet, le 21 février. Au grand dam de ses 1 100 salariés. Les représentants du personnel se sont prononcés contre ce plan. La plupart disent ne plus avoir « du tout confiance » envers l’entrepreneur qui exploite ces magasins en franchise.
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L’essor des reconversions professionnelles est désormais porté par les transitions écologiques et numériques, les aspirations des salariés à de meilleures conditions de travail, à un équilibre entre vie professionnelle et personnelle ou à un métier porteur de sens, pointent les chercheurs du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), dans un recueil collectif publié le 15 février. Intitulé « Le temps des mobilités et des reconversions professionnelles », il a été coordonné par Florence Lefresne et Eric Verdier.
Cette dynamique nouvelle s’inscrit dans un contexte conjoncturel favorable aux reconversions depuis plusieurs années. D’abord la crise sanitaire en mettant les carrières entre parenthèses a amené plus d’actifs à s’interroger sur leur devenir professionnel. Ensuite, à l’issue des confinements, la reprise de l’activité, en faisant reculer le chômage, a incité des employeurs à mieux accompagner des parcours de reconversion pour se constituer un vivier de candidats.
Enfin, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et le plan d’investissement dans les compétences (PIC) ont conforté cette tendance. Un phénomène davantage subi que choisi par les moins qualifiés, à en croire l’enquête Defis menée par le Céreq auprès de 16 000 salariés de 2015 à 2019 et analysée dans le recueil d’études des chercheurs (« Le temps des mobilités et des reconversions professionnelles »).
Une reconversion moins aisée pour les employés non qualifiés
Ainsi 33 % des salariés, toutes catégories confondues, déclaraient en 2015 vouloir changer de métier. Ce chiffre grimpait à 45 % chez les employés non qualifiés, notamment ceux occupant des postes administratifs en entreprise, de caissier et d’employé dans la grande distribution, dans le secteur du nettoyage, de l’hôtellerie-restauration ou de l’aide à domicile.
Mais parce qu’il ne suffit pas de vouloir, le Céreq constate qu’entre 2015 et 2019 seulement 32 % des employés non qualifiés sont parvenus à leurs fins. La raison de ce décalage ? « Ils œuvrent souvent dans des secteurs où la demande est forte mais où les conditions de travail peuvent être pénibles », remarquent Camille Stephanus et Josiane Véro, chargés d’études au département formation et certification (DFC) du Céreq. Leurs employeurs n’ont pas intérêt à les encourager dans leur projet de mobilité, car ils ont besoin d’eux à leur poste.
Par ailleurs, dans de nombreux métiers en tension exercés dans de très petites entreprises de la restauration, par exemple, l’accès à l’information sur les dispositifs de reconversion est moins aisé pour ces employés non qualifiés. A l’opposé de ces salariés empêchés de bouger, le Céreq relève d’autres catégories qui subissent le changement. Seulement 34 % des ouvriers non qualifiés aspiraient à une reconversion en 2015, mais 54 % en ont opéré une quatre ans plus tard.
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A chaque premier jour du mois son lot de changements affectant les finances des ménages. Mars n’échappe pas à la tradition.
Réforme du label ISR, acte I
C’est ce vendredi 1er mars qu’entre en vigueur la refonte du label ISR (investissement socialement responsable), un « tampon » créé en 2016 par le ministère de l’économie et dont bénéficient actuellement 1 229 fonds d’investissement, totalisant 780 milliards d’euros d’encours (chiffres du ministère à fin janvier 2024).
Parmi les nouveautés : le label affiche désormais des « exclusions », ce qui signifie que les fonds doivent s’interdire certains domaines d’activité (totalement ou presque, selon les cas).
Il leur est, notamment, désormais demandé de s’abstenir d’investir dans les entreprises développant de nouveaux projets liés aux énergies fossiles (exploration, extraction, raffinage ou transport), mais aussi dans les entreprises dont l’activité est liée à l’exploitation du charbon et du pétrole ou du gaz non conventionnels (gaz de schiste, pétrole issu des sables bitumineux, ressources fossiles de l’Arctique, etc.).
« Les exclusions sont loin d’être la seule nouveauté mais c’est une clarification importante pour l’épargnant, le grand public ne s’attend pas à trouver un acteur comme TotalEnergies dans les investissements ISR, or c’était parfois le cas avec l’ancien référentiel du label », note Grégoire Cousté, délégué général du Forum pour l’investissement responsable.
L’entrée en vigueur de la réforme ne touche pour l’heure que les nouveaux fonds labellisés à partir de mars, « les anciens fonds, déjà labélisés, ont jusqu’à la fin de l’année 2024 pour se mettre en conformité », souligne Michèle Pappalardo, présidente du comité du label ISR.
Fin des « méga-promos » sur les produits d’hygiène, d’entretien, de beauté
Les promotions étaient déjà plafonnés à 34 % (du prix de vente) pour les produits alimentaires, à partir du 1er mars ce plafonnement est élargi aux « produits de grande consommation » en général. En pratique sont surtout concernés les produits d’entretien (lessive, etc.), d’hygiène (dentifrice, savon, couches…) et de beauté (maquillage, etc.). La mesure est issue de la loi dite EGalim 3 ou Descrozaille du 30 mars 2023.
Le RSA conditionné à 15 heures d’activité dans 47 départements
A compter de mars, le conditionnement du revenu de solidarité active (RSA) à au moins quinze heures d’activité hebdomadaire sera expérimenté dans quarante-sept départements, contre dix-huit aujourd’hui, explique le site Service-public.fr. Le ministère du travail, de la santé et des solidarités n’a pas encore communiqué le nom des nouveaux territoires participant.
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Le « plein-emploi » est le mot d’ordre d’Emmanuel Macron, qui a promis d’atteindre 5 % de chômage en 2027. C’est aussi l’intitulé de la loi votée en décembre qui modifie l’accompagnement des chômeurs et impose des heures d’activité aux allocataires du RSA, suscitant la colère des syndicats. Atteindre le plein-emploi assure pour l’Etat des milliards d’euros de recettes supplémentaires : plus de cotisations des salariés, moins d’allocations-chômage versées.
L’Insee a annoncé jeudi 29 février que l’emploi salarié n’avait pas évolué (0 %) au quatrième trimestre 2003, avec une hausse de 0,6 % sur un an, alors que le taux de chômage se stabilise aussi à 7,5 % de la population active sur le même trimestre, après avoir atteint un plus bas niveau à 7,1 % mi-2023. Des indicateurs stables, mais loin des objectifs fixés par le président de la République.
Quelles sont les différences entre ces indicateurs pour mesurer l’état de santé de l’emploi ? Pourquoi fixer une cible à 5 % de chômage ? Quels sont les enjeux politiques de chacune de ces statistiques ? Explications
Quels indicateurs pour déterminer le plein-emploi ?
Les économistes parlent de plein-emploi quand les individus qui souhaitent travailler n’éprouvent pas de difficultés à trouver un poste. Pour définir ce terme, ils restreignent la population aux actifs, c’est-à-dire les personnes qui ont l’âge de travailler (entre 15 ans et 64 ans, dans la majorité des comparaisons internationales), qui exercent une activité ou qui cherchent un emploi. Cela exclut les personnes au foyer sans activité professionnelle, mais aussi les enfants, les étudiants et les retraités.
Ensuite, les économistes ne sont pas tous d’accord sur la métrique à retenir : le taux d’activité, d’emploi ou de chômage ? Ce sont trois indicateurs différents, ayant chacun son mode de calcul :
Le taux d’activité est mesuré en rapportant le nombre de personnes en âge de travailler, les actifs (occupés et chômeurs), à l’ensemble de la population de 15 ans à 64 ans ;
Le taux d’emploi décompte les actifs occupés, rapportés à l’ensemble de la population ;
Le taux de chômage, enfin, correspond au nombre de chômeurs rapporté à l’ensemble des actifs.
Actuellement, le chômage reste la norme pour définir le plein-emploi. En mai 2023, avec un taux frôlant les 7 %, le président de la République se félicitait : « Cela fait quarante ans que le niveau du chômage n’avait pas été si bas. Objectif plein-emploi ! » Mais de quel chômage parle-t-on ? L’Organisation internationale du travail distingue cinq types de chômage :
le chômage cyclique, dépendant d’une reprise économique ;
le chômage de longue durée (temporaire aussi mais plus long), également conjoncturel ;
le chômage structurel, lié à une inadéquation entre les compétences des chômeurs et la demande du marché du travail ;
le chômage frictionnel ou transitionnel, quand une personne veut trouver un nouvel emploi ;
le chômage spécifique, concentré dans certains groupes de personnes ou certaines zones géographiques.
Le taux de chômage frictionnel est celui qui définit le plein-emploi : un seuil en dessous duquel on ne pourra pas descendre. Il correspond aux délais pour qu’un travailleur trouve un emploi ou pour qu’un employeur recrute. « On peut toujours essayer de le réduire en améliorant la diffusion de l’information sur les offres d’emploi, les processus de recrutement, mais c’est difficile »,explique l’économiste Christine Erhel, directrice du Centre d’études de l’emploi et du travail.
Actuellement, les économistes s’accordent sur un taux de chômage frictionnel entre 4,5 % et 5 % pour la France. Mais les calculs peuvent varier en fonction des hypothèses faites pour le mesurer, de la période et de la zone géographique retenues. Dans les années 2000, l’économiste Jean Pisani-Ferry, en retenant une durée moyenne de recherche d’un nouvel emploi de trois mois pour les personnes ayant déjà travaillé, et de six mois pour les nouveaux entrants sur le marché du travail, estimait le taux de chômage frictionnel à 3,4 %, et le « chômage d’étape » pour y parvenir à 5 %. En Allemagne, la chancelière Angela Merkel promettait pour son dernier mandat de ramener le chômage à son minimum incompressible, le chiffrant alors à 3 %.
Le taux d’emploi est-il plus fiable ?
Selon certains économistes, il faudrait cesser de définir le plein-emploi en comptant les chômeurs mais braquer plutôt le projecteur sur les personnes qui travaillent. En mars 2000, les chefs d’Etat européens réunis à Lisbonne avaient adopté un objectif de plein-emploi qui, contrairement à sa conception traditionnelle, n’était pas donné « sous la forme d’un taux de chômage (que l’on viserait à ramener à un minimum jugé incompressible), mais sous celle d’un taux d’emploi que l’on se propose d’augmenter », rappelait l’économiste Jacques Freyssinet dans une publication de 2004.
Pour avoir de la croissance, il faut un fort taux d’emploi qui génère des richesses. Or, on peut avoir un taux de chômage en baisse sans que le taux d’emploi augmente, si le taux d’activité recule en même temps, avec des personnes qui quittent le marché du travail, par découragement, pour des problèmes de santé ou pour prendre leur retraite. « On a très bien vu ce phénomène aux Etats-Unis après la “grande récession” [2007-2008],détaille Christine Erhel.Le chômage a baissé, mais, dans le même temps, le taux d’emploi a baissé également du fait de nombreux retraits du marché du travail, donc on ne pouvait pas en réalité parler d’un retour au plein-emploi, la situation est restée très longtemps en dessous du niveau d’avant crise. »
Le Monde
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Mais ni le taux d’emploi ni le taux d’activité ne rendent compte du sous-emploi, c’est-à-dire les personnes qui travaillent moins que ce qu’elles souhaitent, pour cause de temps partiel subi ou de chômage partiel. Un pays peut se rapprocher du plein-emploi en laissant se développer des contrats précaires, avec un niveau de sous-emploi élevé. Pour éviter ce biais de surévaluation, M. Freyssinet suggère plutôt de calculer un taux d’emploi en équivalent plein-temps.
Quelle stratégie politique derrière ces chiffres ?
Alors que la réalité du travail devient de plus en plus complexe avec l’apparition de nombreuses situations intermédiaires et le développement de formes d’emploi atypiques (contrats très courts, temps partiel subi, travail indépendant…), la majorité des économistes s’accordent sur l’importance de cumuler plusieurs indicateurs pour bien cerner les contours du plein-emploi.
Les hésitations dans le choix des indicateurs se retrouvent aussi du côté du gouvernement. Ainsi, Emmanuel Macron a annoncé en avril 2023, son ambition de parvenir « au plein-emploi des seniors » en avançant un objectif de taux d’emploi de 65 % pour les 60 ans à 64 ans « à l’horizon 2030 », alors qu’il n’était que de 36,2 % en 2022.
Ce choix peut aussi être perçu comme une ruse de communicant : avec le recul de l’âge de la retraite, le taux de chômage qui affecte cette tranche d’âge va grossir dans un premier temps puisque le nombre d’actifs (le dénominateur) sera augmenté mécaniquement, avant que le taux d’emploi ne rebondisse.
Par ailleurs, se focaliser uniquement sur une baisse très forte du taux de chômage peut avoir comme effet de bord d’alimenter la surchauffe des prix. C’est d’ailleurs pour cela que le taux de chômage structurel (chômage frictionnel auquel on ajoute le chômage lié aux rigidités du marché du travail) est aussi appelé en anglais« Nairu », pour non-accelerating inflation rate of unemployment, taux de chômage en dessous duquel l’inflation risque d’accélérer.
La cible de 5 % de chômage incompressible doit être considérée « comme un objectif, qui traduit l’ambition de faire baisser le chômage de façon assez historique », explique Alexandra Roulet, professeure d’économie à l’Institut européen d’administration des affaires et ancienne conseillère macroéconomie à l’Elysée. Pour elle, une baisse en dessous de 7 % serait déjà « une belle victoire ».
La transition énergétique impose une décarbonation à marche forcée des activités qui implique sobriété et innovation technologique, mais nécessite en même temps des « investissements majeurs et des politiques d’accompagnement ». Quelles seront les conséquences d’un tel défi sur l’emploi ? Professeur d’économie à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, Mireille Chiroleu-Assouline expose ce qu’on en sait dans son ouvrage L’Emploi et la Transition énergétique (Les Presses Sciences Po).
Au fil des pages, l’autrice montre tout d’abord toute la complexité du sujet. Elle invite ainsi à se détourner d’une lecture clivée, qui présenterait la transition tantôt comme un « moyen de parvenir à une croissance verte créatrice de richesse », tantôt comme un « processus porteur d’une inévitable régression économique ».
Elle souligne combien la nuance est nécessaire, la prudence également : la littérature scientifique sur le sujet propose parfois des résultats contradictoires. Les projections sur le long terme se révèlent, par ailleurs, bien souvent délicates. Quelles seront, par exemple, les conséquences de la mise en œuvre de politiques environnementales de façon asymétrique par un pays ou un groupe de pays ? La théorie économique avance deux hypothèses : celle des « havres de pollution » (la délocalisation des activités dans des pays où les normes sont moins sévères) ou, au contraire, « l’hypothèse de Porter » (du nom de Michael Porter) selon laquelle les régulations auraient un effet stimulant sur les entreprises et, in fine, sur l’emploi.
Ampleur et rapidité
Malgré les difficultés à esquisser une vision prospective, quelques lignes fortes peuvent tout de même être tracées. L’autrice décrit ainsi la transition à l’œuvre comme un phénomène proche de la destruction créatrice (de produits, d’entreprises et d’emplois) théorisée par Joseph Schumpeter (1883-1950). Celle occasionnée par la transition énergétique se singularise par son ampleur et sa rapidité. Second constat : le bilan en termes d’emplois devrait être globalement positif, avec des progressions attendues dans des filières comme l’hydrogène ou des métiers comme ceux de la maintenance.
Ne se limitant pas à une évaluation quantitative, Mme Chiroleu-Assouline remarque que ce mouvement majeur pourra faire évoluer certains emplois qualitativement (conditions de travail, stabilité…) et entraîner une réallocation intersectorielle, mais aussi géographique (au niveau local comme international).
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Face à la crise historique qui frappe le secteur de l’immobilier neuf, la direction de Nexity, premier promoteur immobilier français, a annoncé qu’elle allait mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) en 2024.
« Le groupe a pris la décision d’engager dans les prochaines semaines le processus d’information-consultation des IRP [instances représentatives du personnel], préalable à la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi », annonce dans un communiqué Nexity, qui n’a pas encore défini combien d’emplois seraient concernés. « On va adapter notre entreprise et nos coûts », a déclaré à la presse la PDG, Véronique Bédague, ajoutant : « Si on veut produire du logement abordable, il faut qu’on réduise les coûts. »
En 2023, le groupe a connu une année difficile, souffrant du coup d’arrêt de la construction neuve, causé par la hausse des coûts de construction et les difficultés d’accès au crédit pour les acquéreurs. Ses réservations de logements se sont érodées de 19 % en nombre et 24 % en valeur. Des résultats qui restent meilleurs que sur l’ensemble du marché français, qui a chuté de 26 %, souligne Nexity. Son chiffre d’affaires, en repli de 9 % à 4,27 milliards d’euros, est légèrement en deçà de son objectif de 4,3 milliards d’euros, revu à la baisse en milieu d’année.
Le groupe renonce également à verser un dividende à ses actionnaires, alors qu’il souhaitait jusque-là leur proposer un versement d’au moins 2,50 euros par action. Pour pallier cette année qu’il qualifie de « point bas », et maîtriser son endettement, le groupe a cédé ses filiales portugaise et polonaise, et veut surtout se délester de sa branche services.
Nexity a annoncé fin 2023 être entré en négociations exclusives avec la société d’investissement Bridgepoint pour lui céder sa branche d’administration de biens, valorisée à 440 millions d’euros et qui emploie quelque 3 100 personnes, soit plus d’un tiers de ses effectifs. Et il est toujours à la recherche d’acquéreurs pour ses activités de gestion d’immobilier d’entreprise et de distribution.
Nexity, qui a réduit sa dette nette de 820 à 776 millions d’euros, se fixe l’objectif de la faire passer sous les 500 millions fin 2025. Le groupe ne se fixe pas d’autres objectifs chiffrés pour 2024, attendant de voir l’évolution des taux d’intérêt et des politiques publiques, et espérant « un rebond en 2025 ».
« Imaginez, vous rentrez de vacances. Et là, vous avez des centaines d’e-mails à lire avant de démarrer la journée. Eh bien, grâce à l’intelligence artificielle [IA] de Slack, vous n’aurez plus besoin de passer des heures à tous les lire. En un seul clic, vous aurez accès à des résumés des fils de discussion. » En visioconférence de la Californie, la vice-présidente de la recherche et de l’analyse de Slack, Christina Janzer, affectionne particulièrement cet exemple.
Elle est persuadée que le déploiement de ce type d’innovations, diffusées par la plate-forme de communication auprès de ses clients depuis le 14 février, permettra des gains de temps et une communication de meilleure qualité entre salariés. « Selon nos études réalisées auprès d’employés, la moitié des réunions qui se tiennent actuellement pourraient être annulées sans réelle conséquence pour l’entreprise », ajoute la responsable du Workforce Lab de Slack.
Alors que les entreprises explorent des solutions fondées sur l’IA, la communication constitue l’un des aspects de plus en plus pris en compte dans les applications développées pour l’interne.« L’usage personnel de l’IA par les salariés a créé dans les entreprises un sentiment d’urgence à développer leur propre IA », explique Yann Ferguson, chercheur à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria), soulignant la nécessité pour l’organisation de protéger ses données. « Sans IA corporate, les habitudes s’installent et les gens ne voudront plus utiliser les outils proposés par l’entreprise », ajoute le sociologue.
Source d’inspiration
TotalEnergies qui avait lancé une phase de test auprès de 300 collaborateurs il y a six mois a ainsi annoncé mardi 27 février déployer l’assistant d’IA générative Copilot pour Microsoft 365 auprès de l’ensemble de ses effectifs pour «une efficacité opérationnelle renforcée ». Le groupe a décidé de former chacun de ses salariés en 2024 pour la prise en main de ces nouveaux outils. « Les nouvelles technologies d’intelligence artificielle générative ou de “low code no code” vont leur apporter la simplification et l’autonomie nécessaires pour mettre encore davantage leurs compétences et leur créativité au service de la stratégie de transition de notre compagnie », a déclaré le président-directeur général Patrick Pouyanné.
Certaines entreprises ont très tôt défriché ce domaine. Dans le groupe d’assurance-santé innovant Alan, par exemple, le recours à l’IA est effectif depuis 2022. Selon le directeur des ressources humaines (RH), cela a déjà changé la façon de communiquer. Le portail interne propose aux salariés d’accéder aux différents modèles d’IA (OpenAI, Mistral AI…) pour échanger entre collègues ou avec l’extérieur. « Il s’agit d’assistants qui permettent de mieux formuler nos messages en les structurant de manière plus claire ou de les écrire dans une langue étrangère corrigée », explique le responsable RH Paul Sauveplane. Lorsque le président du groupe s’adresse aux équipes qui sont en Belgique ou en Espagne, « il enregistre parfois le message en français avec une vidéo qui est doublée dans la langue d’origine au-dessous, et cela prend dix minutes », décrit-il.
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Carnet de bureau. Jeudi 22 février, le décret distribuant les coupes budgétaires par ministère a été publié au Journal officiel annonçant 1,1 milliard d’euros de moins pour la mission Travail et emploi. Une première victime de ce tour de vis avait été désignée trois jours auparavant par le ministre délégué chargé des comptes publics, Thomas Cazenave, avec « la mise en œuvre dès cette année » d’une participation financière des salariés à leur compte personnel de formation (CPF), afin de dégager 200 millions d’euros.
Pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, il est encore temps d’en profiter : la concrétisation de cette annonce passe par un décret attendu pour avril. Les actifs pourront toutefois continuer de se former après, mais que restera-t-il du CPF ?
Créé en 2014 et entré en vigueur en janvier 2015, le CPF a confié au salarié la responsabilité de sa formation professionnelle pour qu’il puisse la mener tout au long de sa carrière en fonction de ses propres besoins sans dépendre du lien de subordination salarié employeur. C’était une première dans l’histoire de la formation continue. Un pari sur l’autonomie du salarié.
Distinct des plans de formation conduits par l’employeur, ce dispositif est rattaché à l’individu. Ses droits à formation le suivent d’une entreprise à l’autre. Le salarié possède un compte personnel sur la plate-forme numérique Moncompteformation.gouv.fr crédité par son ou ses employeurs sous forme de « droits à la formation ». Une manne à sa disposition, actuellement plafonnée de 5 000 à 8 000 euros selon le profil, pour apprendre une langue étrangère, passer son permis de conduire ou toute autre formation certifiante pour évoluer dans son parcours professionnel.
Bon vouloir de l’employeur
Les premiers à l’avoir compris sont les organismes de formation, qui se sont rués sur le CPF, bataillant pour que leurs formations soient reconnues « certifiantes », condition sine qua non pour bénéficier du financement. Il est même, un temps, devenu un terrain de chasse des escrocs en tout genre qui proposaient des formations fantômes.
Les premières années de vie du dispositif, l’employeur y déposait des heures de formation qui – première entaille au dispositif – ont été converties en euros à partir de 2019, sur la base d’une heure de formation à 15 euros, excluant de fait les formations les plus onéreuses. Les salariés pouvaient donc prévoir de se former librement, mais pas trop cher.
La part d’actifs peu ou pas diplômés étant très importante en France, l’argument de l’employabilité a porté. Et les opérateurs de compétences comme les entreprises ont dès lors commencé à compléter les financements insuffisants, réintroduisant une dépendance de la formation du salarié au bon vouloir de l’employeur.
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