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Aéronautique : la Chine, nouvel eldorado de la formation des pilotes

Le centre de formation de Simaero en Chine.

Lors des vingt prochaines années, il va falloir former des pilotes à tour de bras. L’Association du transport aérien international a en effet évalué les besoins des compagnies aériennes du monde entier à 600 000 pilotes d’ici à 2042. Un chiffre corroboré par les dernières prévisions d’Airbus, publiées à l’été 2023 : la flotte mondiale va doubler en l’espace de deux décennies, pour atteindre 46 560 appareils.

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Cela représente une aubaine pour le français Simaero. Le spécialiste de la formation des navigants, né en 2002 à Dinard (Ille-et-Vilaine), devait inaugurer, mardi 12 mars, son premier centre à proximité de l’aéroport international de Changsha-Huanghua, dans le Hunan, une province du sud de la Chine. Montant de l’investissement : plus de 70 millions d’euros.

« Jusqu’ici le marché numéro un, c’était les Etats-Unis, mais la Chine va passer devant au cours des vingt prochaines années », prédit Nicolas Mouté, le PDG de l’entreprise, qui réalise environ 30 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le trafic aérien « va tripler [dans le pays] », estime-t-il. Pour accompagner cette croissance, l’industrie aura besoin de 140 000 pilotes de ligne supplémentaires.

Externalisation

Au niveau mondial, le marché de la formation des pilotes est estimé à plus de 5 milliards d’euros. Il faut dire que cela coûte cher. Selon Air France, la formation dite « ab initio » d’un cadet revient à près de 100 000 euros à la compagnie. Outre l’obtention du brevet, les navigants doivent aussi apprendre à piloter chaque appareil. Une qualification qui revient « en moyenne à 20 000 euros », explique M. Mouté, et qui « doit être renouvelée à chaque fois que l’on change de type d’appareil », précise Philippe Evain, ancien président du Syndicat national des pilotes de ligne d’Air France, aujourd’hui commandant de bord et instructeur sur Boeing 777.

Les pilotes sont aussi tenus, d’un point de vue réglementaire, d’effectuer « seize heures de simulateur tous les ans », souligne le patron de Simaero. Ce qui coûte 10 000 euros par équipage. Trop dispendieux pour certaines compagnies comme Air France, qui ont externalisé cette activité. « Chez Air France, la moitié de ces formations sont effectuées à l’étranger, à Singapour ou à Vilnius », signale M. Evain. Seules 90 compagnies aériennes sur près de 1 600 dans le monde possèdent leur centre de formation avec simulateur.

Dans le Hunan, Simaero installe des machines pour A320, le moyen-courrier le plus vendu, avec 70 % de part de marché. Le centre devrait être « profitable d’ici trois ans », anticipe Nicolas Mouté. Une première étape, ajoute le dirigeant, qui dit « [regarder] avec intérêt le C919 », le tout nouveau moyen-courrier chinois, présenté au Salon de l’aéronautique de Singapour, à la fin du mois de février. « Le gros défi de la Chine sera de vendre le C919 à l’étranger », prévient-il, avant d’expliquer être déjà en discussion « pour avoir, à terme, des simulateurs pour C919 hors de Chine ».

« L’irruption des droits du vivant au centre de nos décisions est équivalente à l’irruption des droits politiques au XIXe siècle ou des droits sociaux au XXe siècle »

L’issue du mouvement récent des agriculteurs nous livre un enseignement-clé pour nos entreprises. Si l’écologie reste un sujet « en plus » du « business as usual », elle connaîtra le même sort : incomprise, caricaturée, puis rejetée.

Les agriculteurs sont exsangues et les aléas climatiques de plus en plus extrêmes. Leur imposer en plus des normes environnementales sans redéfinir avec eux leur rôle futur, cela ne passera pas.

Les agriculteurs sont-ils uniquement là pour produire notre nourriture ? Dans le monde qui s’annonce, nous avons besoin d’eux pour conserver le carbone dans le sol, former les nouvelles générations et protéger la biodiversité.

Les dirigeants d’entreprises s’emparent (enfin !) de l’enjeu de décarbonation. Leur demander en plus de s’occuper de biodiversité et des autres limites planétaires sans repenser le rôle des entreprises, cela ne passera pas.

Les entreprises sont-elles uniquement vouées à produire du profit ? Dans le monde qui s’annonce, nous avons besoin d’elles pour protéger le vivant, revitaliser les territoires et faire du travail une source d’épanouissement.

Cela ne passera pas

Les équipes chargées, au sein des entreprises, du « reporting » social et environnemental (RSE) sont déjà épuisées sous des milliers de pages de documents et de chiffres à produire. Leur rajouter, avec la directive européenne sur le devoir de vigilance (Corporate Sustainability Reporting Directive, CSRD), la notion de double matérialité, leur demander de mesurer non seulement l’impact du changement climatique sur leur modèle économique, mais aussi l’effet de leurs activités sur la planète et l’humain sans repenser le rôle de la comptabilité, cela ne passera pas.

La comptabilité ne sert-elle qu’à valoriser les indicateurs financiers ? Dans le monde qui s’annonce, nous avons besoin d’elle pour (ré) intégrer les externalités négatives et positives au cœur des valorisations d’entreprises.

Les départements achat ont déjà comprimé tous les coûts, partout. Exiger d’eux qu’ils rajoutent à leurs fournisseurs des exigences sur le carbone, sans repenser le rôle de la coopération à long terme, cela ne passera pas.

La relation avec des fournisseurs se résume-t-elle à une négociation tarifaire ? Dans le monde qui s’annonce, nous avons besoin d’une coopération sous forme de cocréation, pour trouver des solutions sur des chaînes de valeur trop fragmentées.

Les opérationnels, sur le terrain, sont fatigués d’exécuter des décisions qui tombent (trop souvent !) d’en haut. Leur suggérer de prendre en plus des initiatives locales pour la planète sans repenser le rôle des territoires, cela ne passera pas.

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Dans l’intérim, une baisse significative des discriminations à nuancer

C’est ce que l’association SOS-Racisme appelle un « testing inversé ». L’objectif : déterminer si les agences d’intérim acceptent ou non de discriminer en raison de l’origine des candidats à la demande du client. La méthode : appeler les sociétés spécialisées dans le travail temporaire en se faisant passer pour l’employé d’une entreprise fictive à la recherche de travailleurs intérimaires dans les secteurs du bâtiment et de l’hôtellerie. Cette opération a été menée auprès de 152 agences appartenant aux dix principales enseignes réparties sur le territoire métropolitain, entre octobre et décembre 2023. Publiée mardi 12 mars, elle révèle que 14 % des agences acceptent de discriminer. Elles étaient 39 % en 2021. Un net recul en seulement deux ans. Du moins à première vue.

Une analyse détaillée des résultats modère en partie cette conclusion. En effet, le pourcentage double, et atteint 28 % lorsqu’il y a « complicité de discrimination ». L’agence refuse alors de pratiquer elle-même une sélection discriminatoire, mais indique spontanément au client qu’il pourra procéder à cette sélection à la réception des CV. Elles étaient 6 %, en 2021, lors de l’étude menée sur le même principe auprès de 69 agences franciliennes appartenant à neuf enseignes. L’acceptation directe diminue, mais les comportements « complices », eux, augmentent. « Cela indique qu’il y a une meilleure connaissance de ces problématiques, les gens savent que c’est mal, et surtout, que c’est illégal, analyse le président de SOS-Racisme, Dominique Sopo. Ils se montrent plus prudents. »

En 2021, 45 % des agences acceptaient de discriminer, ou le suggéraient spontanément à ses potentiels clients (respectivement 39 et 6 %). En 2023, elles sont 28 % (14 et 14 %). Une baisse globale dont M. Sopo se félicite, mais qu’il tempère : « Si le refus de participer soi-même, directement et ouvertement, à une action discriminatoire est plus marqué, en revanche, la complaisance envers des pratiques discriminatoires reste préoccupante. » Les comportements jugés « complaisants » sont un nouveau critère introduit dans l’étude publiée mardi : le client indique qu’il pratiquera une discrimination, mais l’agence ne refuse pas de travailler avec lui.

C’est le cas de cette employée d’une agence du Bas-Rhin (Alsace). Face à la demande persistante de la cliente potentielle fictive de présenter à ses patrons exclusivement des candidats dits « européens », la jeune femme refuse sans détour, mais elle n’écarte pas une future collaboration. « On ne recrute pas de profils, on recrute des compétences. (…) Que la personne soit étrangère ou non. (…) On va transmettre des CV en fonction des compétences. (…) A eux [les supérieurs hiérarchiques de la personne qui appelle] de voir de quelles compétences ils ont besoin (…) », élude-t-elle. L’employée ne s’en sort pas si mal, mais SOS-Racisme espère des réponses plus engagées.

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Penser la transition comme un bien commun

Gouvernance. La protestation des agriculteurs contre la dégradation de leurs conditions de vie ralentira-t-elle la transition écologique que beaucoup considèrent, par ailleurs, comme indispensable pour assurer l’avenir de nos sociétés ? Après des années d’une image largement positive, l’écologie est soudain apparue aux yeux du public non plus comme un incontestable « camp du bien », mais parfois aussi comme un système dogmatique, imposant des obligations de conduite confuses ou contradictoires.

En dénonçant la politique qui encadre la production agricole par des normes toujours plus nombreuses et pointilleuses, les agriculteurs ont voulu montrer du doigt ce qu’ils considèrent comme une dérive bureaucratique étranglant leur activité par ignorance de sa réalité. A l’opposé, ceux qui s’inquiètent de la lenteur avec laquelle la transition écologique se déploie malgré l’urgence désespèrent du nouveau retard qu’elle prendrait si les normes de production agricole qu’ils estiment indispensables ne sont pas maintenues.

Il serait faux de croire que l’apparition d’un tel clivage est une conséquence de la crise actuelle. En fait, il en est l’origine.

Dès lors qu’on oppose ceux qui sont impliqués dans la production au quotidien à ceux qui anticipent une autre façon de produire, on rate ce qui est le propre d’une transition, qu’elle soit écologique ou autre : accompagner la convergence, dans un horizon raisonnable, entre les impératifs du présent et leurs nécessaires transformations à venir.

Plus la polarisation des acteurs, selon l’une ou l’autre de ces temporalités, est forte, plus l’incompréhension et le refus de coopération s’installent, chacun considérant l’autre partie comme incapable de comprendre « les enjeux réels ».

La scission s’autoalimente entre, d’un côté, ceux qui produisent et considèrent que, dans le court terme, on ne peut pas faire différemment, toute régulation étant vue comme une contrainte irresponsable ; et, de l’autre, ceux qui rabattent brutalement le moyen terme sur le présent en prétextant qu’il est urgent de forcer la résistance au changement quitte à imposer des règles décorrélées de la réalité actuelle.

Les trois conditions d’une transition réussie

Quand ces positions sont campées, aucune transition n’est plus possible. A contrario, trois conditions sont favorables pour la mener à bien.

Première condition : penser la transition comme un bien commun. Entre ceux qui produisent aujourd’hui et ceux qui préparent l’avenir, une convergence de vue a priori doit émerger sur la nécessité et l’ampleur de la transition à opérer. Cela permet de clarifier en quoi la nouvelle manière de produire sera meilleure pour tous.

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Télétravail : plus de la moitié des cadres ne veulent pas de retour en arrière

Le télétravail s’est désormais imposé dans la vie des cadres. Dans sa dernière enquête, publiée mardi 12 mars, l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) révèle en effet que les deux tiers d’entre eux ont pris l’habitude de travailler régulièrement depuis leur domicile, soit au moins un jour par semaine et plus de deux jours pour un quart d’entre eux.

« On aurait pu penser qu’au fil du temps nous assisterions à un mouvement de reflux, et bien pas du tout, c’est le contraire qui se produit », souligne Gilles Gateau, directeur général de l’APEC. A ce jour, 67 % des cadres déclarent désormais travailler à distance contre 63 % en 2021. « La pratique continue à se diffuser, pas tant dans les grandes entreprises, où elle est déjà très élevée, mais dans les TPE et les PME », ajoute-t-il.

Au-delà de cet ancrage, l’étude valide une autre tendance : pour plus de la moitié des cadres, le télétravail n’est plus une simple option mais un « acquis ». Ainsi, 7 télétravailleurs cadres sur 10 seraient mécontents si leur entreprise supprimait l’accès à ce mode d’organisation ou diminuait le nombre de jours auxquels ils y ont recours.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Le télétravail se conjugue un peu mieux au féminin

Pour 45 % d’entre eux, une telle décision les encouragerait même à changer de société. « Pour les entreprises, c’est un élément d’attractivité qu’elles doivent sérieusement prendre en compte », poursuit M. Gateau. Une telle adhésion se justifie en premier lieu par le gain de temps qu’il permet sur les trajets, par la possibilité de travailler au calme, d’avoir plus de flexibilité dans la gestion des horaires et des imprévus.

Un intérêt pour les salariés et les entreprises

« Les femmes sont également plus nombreuses à vouloir télétravailler davantage », relève Gabrielle Schütz, maîtresse de conférences à l’université Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Elle avance deux raisons majeures : « D’une part, la charge domestique repose plus sur elles et elles ont besoin de plus de flexibilité dans leurs horaires, d’autre part, et on le dit moins mais c’est très important, elles ont en général moins de liberté sur leur lieu de travail que les hommes, elles peuvent moins s’absenter et modifier leurs horaires, y compris parmi les cadres », insiste-t-elle.

Présenter le télétravail comme le seul fait des salariés reviendrait cependant à donner une vision partielle de la situation. « Beaucoup d’entreprises ont utilisé le télétravail pour déménager plus loin ou réduire leur surface immobilière en misant sur le flex office », insiste la chercheuse, de sorte que, bien souvent, « les salariés s’ils veulent venir sur site ne voient plus leurs collègues ».

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Les Européens trouvent un accord pour mieux protéger les travailleurs des plates-formes

Laborieusement, les Européens sont enfin parvenus, lundi 11 mars, à s’entendre sur le sort des travailleurs des plates-formes numériques, comme Uber ou Deliveroo. Il aura fallu plus de deux ans de négociations pour qu’une majorité qualifiée de quinze Etats membres, représentant 65 % de la population du Vieux Continent, soutienne un texte qui oblige désormais les Vingt-sept à créer une présomption légale et réfutable de salariat dans leurs droits respectifs, en les laissant libres d’en définir les conditions.

Le vote formel aura lieu dans quelques jours mais les ministres des affaires sociales, qui se réunissaient lundi à Bruxelles, ont, à cette occasion, exprimé leur position, et son issue ne fait plus de doute.

Avec l’essor des plates-formes, les Européens souhaitaient harmoniser et améliorer les conditions de travail d’un secteur peu régulé qui emploie aujourd’hui 28 millions de personnes – en 2025, ils devraient être 43 millions – et les fait travailler, dans 90 % des cas, avec le statut d’indépendant sans que celui-ci soit toujours justifié.

Passage au salariat

Selon la Commission, aujourd’hui, 5,5 millions de chauffeurs et autres livreurs répertoriés non salariés devraient en réalité l’être, au vu de la relation de subordination qui les attache à leur employeur, et accéder ainsi aux droits afférents en termes de salaire, de congés, d’assurance-maladie ou encore de droits à la retraite et au chômage.

En décembre 2021, la Commission avait proposé de créer une présomption de salariat dès lors que certains des critères qu’elle avait retenus (niveau de rémunération, supervision à distance des prestations, horaires imposés, obligation d’accepter une mission, port d’un uniforme ou encore interdiction de travailler pour une autre entreprise) étaient remplis.

Lire aussi la chronique du juriste Francis Kessler Article réservé à nos abonnés « L’Union européenne se penche sur le statut des travailleurs des plates-formes »

Mais les deux colégislateurs – le Parlement européen et les Etats membres – ne sont pas parvenus à s’entendre sur cette logique. Les eurodéputés souhaitaient assouplir les conditions de la présomption de salariat par rapport à ce que prévoyait l’exécutif communautaire quand les Vingt-sept voulaient les durcir.

La Belgique, l’Espagne ou les Pays Bas, où les indépendants sont nombreux et où les contentieux en justice sur ce sujet ont bondi, étaient favorables à la proposition de la Commission. L’Allemagne, faute d’un accord entre les partenaires de la coalition d’Olaf Scholz, avait prévenu qu’elle s’abstiendrait, rendant plus difficile l’obtention d’une majorité qualifiée parmi les Etats membres.

Paris, isolé

Quant à la France, qui est le pays européen où il y a le plus de plates-formes, elle défendait un dispositif sur le modèle de ce qu’elle fait à domicile : la revalorisation des droits des indépendants plus que la requalification de leur contrat de travail, alors que le statut de salarié dans l’Hexagone est relativement rigide. Paris a finalement accepté la logique d’une présomption de salariat, mais a, en contrepartie, exigé des critères plus stricts que ceux de la Commission.

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Union européenne : accord autour de la directive sur les travailleurs des plates-formes numériques

Un livreur à vélo, à Nice, le 25 octobre 2022.

Après plusieurs semaines de blocage, les Etats membres de l’Union européenne (UE) ont trouvé un accord politique à la majorité qualifiée, lundi 11 mars, sur une législation européenne censée renforcer les droits des travailleurs des plates-formes numériques comme Uber ou Deliveroo, a annoncé la présidence belge du Conseil de l’UE.

« De meilleures conditions de travail pour les livreurs de repas à domicile ! Les ministres viennent d’approuver le texte de compromis sur la directive relative aux travailleurs des plates-formes. Cela améliorera les droits et les conditions de plus de 28,5 millions d’Européens travaillant dans » ce secteur, a-t-elle fait savoir sur X.

La directive, telle que proposée par la Commission européenne fin 2021, visait à requalifier comme salariés de nombreuses personnes, livreurs de repas ou chauffeurs de VTC indépendants, afin de renforcer leur protection sociale. Elle devait aussi harmoniser les critères de cette requalification à l’échelle européenne.

Le Parlement européen et les Vingt-Sept avaient annoncé, le 13 décembre 2023, avoir trouvé un accord politique sur la directive. Mais ce compromis avait été critiqué par plusieurs pays, dont la France, et son adoption n’avait pas trouvé de majorité lors d’une réunion des ambassadeurs neuf jours plus tard.

Blocage de plusieurs pays dont la France et de l’Allemagne

Un accord politique avait de nouveau été annoncé en février, mais le texte avait été largement vidé de sa substance. La France et l’Allemagne avaient bloqué le texte, avec le soutien de l’Estonie et la Grèce. Tandis que le texte présenté en décembre créait une présomption de salariat sur la base d’une série de critères, le compromis retenu renonce à cette liste de critères, laissant les Etats membres décider comment qualifier les travailleurs.

Le dossier a été mis à l’agenda d’une réunion des ministres du travail à Bruxelles lundi, où une majorité d’Etats membres ont soutenu le compromis. Le lobby des sociétés de mobilité à la demande, Move EU, qui compte Uber parmi ses membres, a exprimé son mécontentement. « Move EU regrette que les États membres aient approuvé aujourd’hui l’accord provisoire sur la directive modifiée relative aux plates-formes », a déclaré le président de l’organisation, Aurelien Pozzana.

« Ce texte, bien qu’il constitue une amélioration par rapport aux versions précédentes, ne permet pas d’aboutir à une approche harmonisée dans l’ensemble de l’UE, ce qui crée encore plus d’incertitude juridique » pour les travailleurs, ajoute-t-il. Dans un communiqué, Uber a estimé de son côté que « les législateurs de l’UE ont voté aujourd’hui en faveur du maintien du statu quo, le statut des travailleurs des plates-formes continuant à être décidé d’un pays à l’autre et d’un tribunal à l’autre ».

« Uber appelle maintenant les pays de l’UE à introduire des lois nationales pour donner aux travailleurs des plates-formes la protection qu’ils méritent tout en maintenant l’indépendance qu’ils préfèrent », déclare un porte-parole de l’entreprise.

Le Monde avec AFP

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La CFDT attaque Carrefour sur sa politique sociale en France « qui a des conséquences très fortes pour les travailleurs »

Carrefour, qui revendique plus de 5 000 magasins en France, s’est longtemps présenté comme le premier employeur privé du pays. Depuis l’arrivée à la tête du groupe d’Alexandre Bompard, les organisations représentatives du personnel, dont la CFDT, n’ont cessé de contester le passage d’un nombre significatif de magasins en franchise ou en location-gérance.

La branche Services du syndicat CFDT a annoncé lundi 11 mars à l’Agence France-Presse (AFP) assigner l’enseigne devant le tribunal judiciaire d’Evry, duquel dépend le siège du distributeur à Massy, en banlieue parisienne. « Nous estimons que [le] mode de gestion tel que pratiqué par Carrefour ne répond pas aux règles du droit et qu’elle a des conséquences très fortes pour les travailleurs », a expliqué à l’AFP Sylvain Macé, secrétaire national de la CFDT-Services, au sujet du passage de nombreux magasins en location-gérance ou en franchise.

Le syndicat demande à la justice d’« interdire au groupe Carrefour et aux sociétés défenderesses de procéder à de nouvelles mises en location-gérance ou en franchise au sein du groupe », et de « garantir cette injonction par une astreinte de 100 000 euros par infraction constatée », selon le texte de l’injonction que l’AFP a pu consulter.

Depuis l’arrivée à la tête de Carrefour d’Alexandre Bompard, en 2017, plus de 300 magasins ont été confiés à des sociétés tierces, franchisés ou locataires-gérants, ce qui représente selon la CFDT 23 000 salariés sortis des effectifs. Le distributeur ne communique plus, depuis plusieurs années, sur le nombre de personnes qu’il y emploie.

La franchise et la location-gérance sont des formes de cession à des tiers de la gestion des points de vente. Pour Carrefour, le mouvement permet de conserver sa part de marché commerciale tout en se libérant d’un certain nombre de dépenses, à commencer par les salaires. En outre, le franchisé s’approvisionne auprès de la centrale du groupe, ce qui place l’entreprise franchiseuse dans un rôle de grossiste.

Perte d’avantages sociaux

Cela n’est pas sans conséquence pour les salariés. Une fois que leur magasin a « basculé », ils ne sont plus employés par un grand groupe coté au CAC 40, mais par une plus petite structure. Après une période de transition, ils perdent les avantages sociaux négociés au sein de Carrefour, évalués par la CFDT à 2 000 euros par an en moyenne.

Le distributeur défend cette politique en assurant qu’elle permet d’éviter les fermetures pour les magasins les moins rentables, qu’elle relance l’activité et qu’elle préserve l’emploi.

« Le modèle imposé aux franchisés et locataires-gérants pèse in fine sur les salariés » qui deviennent la seule marge de manœuvre pour améliorer la rentabilité du magasin, estime Sylvain Macé. Le syndicaliste rejoint l’analyse d’un ancien cadre du distributeur, Jérôme Coulombel, qui avait estimé dans un livre publié en septembre 2023 que le distributeur imposait aux franchisés et aux gérants des prix de gros ou des prestations externes trop élevés.

Une association de franchisés de Carrefour a annoncé en janvier avoir assigné le distributeur devant le tribunal de Rennes, en disant regretter « le déséquilibre significatif entre les droits et les obligations de chaque partie ».

Forme de “délocalisation locale”

Un autre point hérisse les syndicats : que cette politique soit menée alors que Carrefour débourse des centaines de millions d’euros pour rémunérer ses actionnaires. Le distributeur, qui a annoncé pour 2023 un bénéfice net à 1,66 milliard d’euros pour 94,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires, a versé 481 millions d’euros de dividendes en 2023, et dépensé 802 millions d’euros pour racheter ses actions.

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La CFDT s’inquiète de voir l’ensemble de la grande distribution, au-delà du seul géant du CAC 40, « se diriger vers un modèle qui est une forme de “délocalisation locale”, où on externalise les enjeux sociaux ». Auchan a récemment dit vouloir se tourner vers davantage de franchise, modèle également plébiscité par Casino. Ce mouvement s’opère dans un contexte de fort dynamisme des enseignes de magasins indépendants, comme le leader E.Leclerc, Intermarché et Système U, où chaque patron d’un magasin ou de quelques magasins est libre de sa politique sociale.

Le Monde avec AFP

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« Que sait-on du travail ? » : des « normes viriles » persistent en entreprise

17 % : c’est, en 2019, la part de femmes en emploi qui possèdent le statut de cadre, contre 4 % en 1982. Cette proportion de cadres atteint 21,6 % chez les hommes, selon l’Insee. Alors que les entreprises et les pouvoirs publics ne cessent – en particulier autour du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes – de mettre en avant leurs initiatives, peut-on affirmer que l’égalité femmes-hommes soit en bonne voie ?

Ce n’est pas l’avis de la sociologue Haude Rivoal, dans sa contribution au projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr.

Cette sociologue affirme que l’entreprise demeure fondamentalement masculine, ce qui signifie non pas « qu’elle est dirigée par des hommes », mais que « les pratiques d’entreprises favorisent les hommes ».

Pour établir ce constat, l’autrice fait appel aux travaux de plusieurs chercheurs, mettant en évidence les raisons structurelles de cette lenteur. L’accession de davantage de salariées à des postes à responsabilité est un arbre qui cache la forêt, car cela ne change pas la manière dont fonctionnent les organisations, les inégalités structurelles de salaires et les violences sexistes. Les qualités attendues pour devenir dirigeant ont peu changé, soit la même confiance en soi, et le même investissement sans faille – qui implique de se délester du travail domestique, et exclut dès lors une majorité de femmes.

Un marqueur social

Lorsqu’elles ne sont pas critiquées pour un comportement trop masculin, il arrive que les femmes cadres supérieures soient à l’inverse valorisées pour un management « différent » : « plus doux, plus conciliant, plus horizontal »… Soit, paradoxalement, l’inverse de ce qui permet de gravir les échelons. En s’attardant sur ces traits de caractère très schématiques, ou en les incitant simplement à mieux négocier leur salaire, certains employeurs relèguent la progression des femmes à un problème individuel.

Haude Rivoal explique qu’il s’agit d’un problème de culture, et que la « virilité » en entreprise a su s’adapter aux évolutions de la société pour conserver ses privilèges. En affirmant parfois à outrance une inclusivité et un féminisme qui ne se vérifient pas dans les chiffres de l’entreprise, certains chefs d’entreprise masculins espèrent même protéger leur poste, a pu observer la chercheuse au fil d’entretiens. Le sexisme ou la lutte contre celui-ci est davantage un marqueur social qu’un réel engagement. Dans la manière de manager, la hantise de l’impuissance reste valorisée, de même que la concurrence entre hommes.

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